Depuis les indépendances, le Cameroun est dirigées par des présidents soupçonnés d’être à la solde de la France. Pour cette fois, les populations ont l’opportunité de définir le profil de leur président parmi les candidats en lice, en dehors du président sortant.

Les candidats à l’élection présidentielle du 7 octobre connus, les débats se cristallisent en ce moment sur l’idée de la coalition autour d’un candidat, pour faire bloc face à un président sortant, donné favori au vu des textes, des institutions, des moyens et de l’occupation du terrain. L’adversaire commun en somme. Quel que soit celui qui sera désigné pour porter le flambeau de la coalition, les Camerounais auront pour une fois toutes les cartes en mains pour choisir leur président. L’époque est en effet révolue où le président de la république était soupçonné d’avoir été placé là par le colon, avec pour intention de continuer à avoir la mainmise politiquement sur le Cameroun. Ce soupçon est d’ailleurs entretenu pas des documents historiques sur le pays, conservé dans les archives de la France, et qui sont progressivement déclassifiés pour être consultés par les chercheurs.
Aujoulat et les chefs d’Etats valets
L’un de ces documents d’archives décrit en détails comment un missionnaires français, Louis Paul Aujoulat définissait les critères qu’un Camerounais devait remplir pour aspirer à la vie politique, en faisant partie du gouvernement ou de l’opposition. Louis-Paul Aujoulat a été envoyé en 1935 au Cameroun par le cardinal de Lille, Monseigneur Liénart, pour y implanter l’Association des laïcs universitaires chrétiens et missionnaires (Ad Lucem). Selon les archives nationales françaises, il « était le cerveau et le cœur de la France au Cameroun. C’est son avis qui comptait en métropole.»
Pour le profil des dirigeants camerounais en particulier et africains en général, voici les recommandations qu’il faisait à Pierre Mesmer, un autre français bien connu des Camerounais lors de la lutte pour l’indépendance. Il disait: “Nous ne devons en aucun cas laisser des gens sans filiation religieuse et ésotérique européenne prendre le pouvoir au Cameroun. L’élite politique camerounaise doit impérativement être issue de nos loges, de nos cercles philosophiques, sinon elle ne saura pas nous être loyale et nous témoigner entière allégeance. Seulement, de cette manière, nous nous rassurerons que les idées qui traversent leurs esprits ne nous sont pas hostiles. Laissons donc que la religion chrétienne formate l’esprit des masses populaires, mais veillons à ce que l’élite gouvernante soit formatée par l’histoire des grands empires européens, par des idées du siècle des lumières, par la littérature de nos grands auteurs dont les plus méritants sont sans doute Voltaire, Molière, Rousseau, Montesquieu etc…Faisons attention à ceux qui disent trop de bien de leurs traditions. Intéressons-nous à ceux qui se refusent toute critique à l’ égard de la France. Nous devons être capables aussi de fabriquer leurs oppositions. Pour nous, un bon opposant Camerounais devra être celui qui ne critique pas le système monétaire que nous leur avons imposé. Il ne doit en dire que du bien. Il doit nous montrer sa bonne disposition à vouloir préserver nos intérêts. Il doit aussi se montrer particulièrement dur à l’égard de ceux qui critiquent la France. Ce n’est qu’à ce prix qu’il pourra faire l’objet d’une attention particulière de notre part… Son appartenance à une de nos loges européennes sera un atout. Pour nous un bon opposant camerounais digne d’être fréquenté par la France doit être docile…”
Produits locaux
Cette époque est désormais derrière. Les mentalités ont évolué, la conscientisation a lentement mais sûrement fait corps au sein d’une population qui, pour son éducation par exemple, ne doit presque rien à la France. Les étudiants et chercheurs Camerounais continuent de nos jours leurs études dans beaucoup d’autres pays occidentaux, et surtout en Asie, avec des philosophies très diversifiées qui échappent au contrôle de toute représentation diplomatique au Cameroun, ne laissant ainsi aucune possibilité à qui que ce soit d’orienter le choix des dirigeants, en tout cas pas aussi ouvertement que par le passé. Les Camerounais, notamment à l’occasion de l’élection présidentielle du 7 octobre, définissent eux-mêmes le profil de celui qui devra prendre le destin du pays en main. En dehors du président sortant, celui ou ceux qui aspirent à gouverner doivent être le pur produit local, portant dans sa chair les souffrances des populations de toutes les couches sociales.
Au sein de parti politiques de l’opposition, chacun s’est déjà fait une idée, la société civile est aussi désormais très active et regardante. A ce sujet l’Ong Un Monde Avenir présente ce jour à Douala les résultats d’une enquête menée cette année au sein de la population sur le profil des meilleurs candidats aux élections au Cameroun. Une enquête faite par des universitaires sous la supervision du professeur socio politologue Claude Abbé, avec pour idée d’aider les Camerounais à choisir en toute conscience et connaissance de cause. En commençant par les candidats eux-mêmes dans leur volonté de s’unir, car si le président sortant est encore présenté comme le produit de la colonisation, l’opportunité est aujourd’hui donnée de choisir un dirigeant qui est sinon neutre, du moins très peu marqué quant à la dépendance vis-à-vis de l’extérieur.
Roland TSAPI