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Lettre ouverte/Education : halte à la préséance des langues étrangères sur les langues locales

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A l’attention du gouvernement camerounais, en particulier aux ministres de l’Education de base et des Enseignements secondaires.

Mesdames et Messieurs les ministres,

Je me permets de vous adresser cette correspondance à la veille de la rentrée scolaire pour interpeler votre responsabilité et votre conscience individuelles et collectives face à un phénomène qui se déroule sous nos yeux sans qu’on ait l’impression que vous en ayez pris la pleine mesure.

Ce phénomène présente deux facettes : d’un côté, il y a que les langues étrangères non officielles et non essentielles gagnent de plus en plus du terrain dans notre pays ; tandis que de l’autre côté de moins en moins de Camerounais, jeunes comme adultes, s’expriment dans leurs langues maternelles…

  • De l’enseignement de langues étrangères non essentielles

Tenez ! Pendant que je rédige ces lignes, je tiens en main les bulletins scolaires de mes enfants pour l’année scolaire 2022/2023 dans un collège de la ville de Douala. Et voici ce qu’on peut y lire.

Classe de 5ème

Allemand : Coef 1

Espagnol : Coef 1

Anglais : Coef 3

Culture et langue nationales : Coef 1

Classe de Terminale A4

Espagnol : Coef 3

Anglais : Coef 5

Langue et culture nationales : coef 2

Classe de Terminale D

Anglais : coef 3

Culture et langue nationales : néant !

Mesdames et messieurs les ministres,

Qu’est-ce qui peut objectivement justifier qu’aujourd’hui, en 2023, soit 63 années après ce qu’on a appelé les indépendances, que l’allemand, l’espagnol, le chinois, le latin, etc. continuent d’être enseignées dans nos écoles pour encombrer les cerveaux de nos enfants alors qu’on doit leur inculquer plutôt les STIM (Science, technologie, ingénierie, mathématiques) qui sont seuls susceptibles d’entrainer la transformation et le développement véritable de notre pays ? Rien du tout !

Le Cameroun a sans doute la chance d’avoir le français et surtout l’anglais comme langues officielles. Il s’agit de deux des langues majeures sur le plan international. C’est largement suffisant pour toute entreprise, d’autant plus que l’anglais s’est imposé au fil des années comme la langue internationale par excellence qui permet de se rendre et de communiquer partout dans le monde. A ce titre, le Camerounais a même l’avantage sur l’Espagnol, l’Allemand, le Chinois qui n’ont pas l’anglais comme langue officielle dans leurs pays respectifs.

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A partir de ce moment-là, qu’est-ce qui peut objectivement justifier que l’allemand, l’espagnol, le chinois, etc. soient, aujourd’hui encore, enseignés comme matières obligatoires dans nos établissements scolaires, et qu’il leur soit de surcroît accordé plus d’importance qu’à la culture et aux langues camerounaises ? Rien non plus ! Surtout quand on sait que les citoyens de ces pays se mettent tous à l’anglais aujourd’hui…

Est-il logique ou même seulement rationnel de transformer les jeunes Camerounais en agents de valorisation, de promotion ou de perpétuation de langues étrangères non essentielles au détriment de leurs langues maternelles qui sont pourtant menacées de disparition ? Je pense que non.

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Mesdames et Messieurs les ministres, cette situation doit changer au plus vite. Pour qu’en dehors du français et de l’anglais (langues officielles dont on ne peut -peut-être- plus se passer aujourd’hui), aucune autre langue étrangère ne soit enseignée dans le système éducatif camerounais. Les élèves désireux d’apprendre l’allemand, l’espagnol, le chinois, l’italien et autres devant se tourner vers des institutions particulières spécialisées dans l’enseignement de ces langues : Institut Goethe, Institut Confucius, etc.

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A leur place doivent être enseignées, de façon obligatoire, les langues nationales camerounaises que nous tous avons (vous en tête) le devoir de sauver. Laissons le système éducatif de l’Espagne promouvoir et enseigner l’espagnol en Espagne ; laissons le système éducatif de l’Allemagne promouvoir et enseigner l’allemand en Allemagne, etc. Quant au système éducatif du Cameroun, il doit promouvoir et enseigner les langues camerounaises.

Si nous ne le faisons pas maintenant, nous verrons sous peu des conséquences irréversibles sur la culture camerounaise, avec notamment la disparition, les unes après les autres, de nos langues locales qui, pourtant, définissent, véhiculent et entretiennent l’identité du Cameroun parmi les Nations. Et vous en serez les premiers responsables devant l’histoire. Car, c’est à vous que revient la responsabilité de prendre des décisions à ce sujet.

  • De l’enseignement des langues locales

Personnellement, je ne comprends pas pourquoi jusqu’à ce jour, l’enseignement de nos langues maternelles, de toutes nos langues maternelles, n’est pas systématique et généralisé dans l’enseignement maternel, primaire et secondaire.

L’alibi tiré de la multitude de langues locales camerounaises qui rendrait compliqué le choix des langues à enseigner est spécieux et inconsistant. Tout simplement parce qu’il n’est pas à mes yeux question de choisir une ou quelques langues à imposer à tout le monde, au détriment des autres. Ce serait faire fausse route en plus d’être une véritable quadrature du cercle.

En effet, nous n’avons intérêt à perdre ou à laisser mourir aucune de nos langues locales parce qu’elles sont toutes autant de réservoirs de richesses culturelles qu’il faut préserver et promouvoir. Elles doivent donc toutes être enseignées dès les premiers pas de l’enfant à l’école, c’est-à-dire dès l’école maternelle, et au moins jusqu’à la fin du second cycle de l’enseignement secondaire, c’est-à-dire en terminale.

Pour moi, procéder à cet enseignement de toutes nos langues maternelles pour leur éviter la disparition est fort simple. Il suffit de prendre pour unité de lieu d’enseignement la commune. Concrètement, il s’agira d’enseigner dans les écoles de chaque commune la langue locale de ladite commune. Et si une commune comporte plusieurs langues, on enseigne dans les écoles de chaque village de la commune, la langue parlée dans ledit village. Et ainsi, sans effort particulier, on aura une masse permanente de jeunes gens qui vont assurer la pérennité de chacune de nos langues maternelles.

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L’autre argument selon lequel il manque de supports d’enseignement (alphabet, dictionnaire, grammaire, orthographe, etc.) pour la plupart de nos langues est à mon avis tout aussi inopérant. Car, rien ne nous oblige à vouloir enseigner toutes ces langues de manière écrite. De toutes les façons, elles se sont déjà jusqu’ici transmises de génération en génération de façon orale.

Cela dit, tant mieux pour celles des langues locales qui sont déjà codifiées et qui disposent déjà de supports didactiques. Mais, pour les langues qui n’ont pas (encore) de supports écrits pour leur enseignement, on peut donc se contenter de les enseigner de manière orale. Car, le plus important pour l’heure est de maintenir l’existence de ces langues d’abord à l’oral.

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Pour cela, dans chaque commune ou dans chaque village, on trouvera sans peine de nombreuses personnes connaissant et maniant très bien la langue locale. Elles pourront se rendre disponibles pour former les élèves de la localité dans le maniement de cette langue, en focalisant chaque fois la leçon sur le vocabulaire d’un champ lexical donné : agriculture, commerce, tradition locale, vie familiale, cuisine, transport, éducation, élevage, climat, mariage, tâches ménagères, santé, corps humain, environnement etc. A mon avis, cela est tout à fait faisable. De cette façon, on assurera la conservation et la pérennité de nos langues maternelles qui sont si chères.

C’est à ce prix-là, et à ce prix-là seulement que nous pouvons redonner une chance de survie à nos langues maternelles que les gens, et en particulier les jeunes, y compris dans les villages, ne veulent plus parler, préférant s’exprimer en français. Parce que le fait qu’elles ne soient pas enseignées, ou le fait qu’il leur soit accordé un coefficient négligeable dans l’enseignement, sous-entend qu’elles sont négligeables, superfétatoires, superflues. Ce qui est évidemment archi-faux. La récréation a déjà assez duré ; il est temps d’agir pour corriger cette mauvaise perception.

Julien Chongwang

Journaliste
jlchongwang@yahoo.fr

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