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Programme scolaire : le Minsec tue les langues nationales

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Les nouvelles reformes scolaires pour la rentrée de septembre 2018 introduisent des langues étrangères à fort taux de coefficient à partir du second cycle littéraire, au détriment des langues locales réduites à la portion congrue

 Le ministre des Enseignement secondaires Nalova Lyonga Egbe a signé le 23 août 2018 un texte portant redéfinition des séries et des disciplines des classes du second cycle de l’enseignement secondaire général entre autres. Les élèves qui passent en seconde littéraire francophone vont désormais faire la philosophie qui jusqu’ici les attendait en terminale, et auront à choisir entre 6 séries, de la A1 à la ABI. Les différents chiffres qui accompagnent la série A renvoie à des langues. A1 pour le latin et le grec, A2 pour le latin et la langue vivante 2, A3 pour le latin seul, A4 pour la langue vivante 2, A5 pour les langues vivantes 2 et 3, enfin la série ABI pour la langue vivante 2 et l’anglais renforcé.

Les cultures camerounaises sont fatalement vouées à la disparition. Les nouvelles séries mettent l’accent sur les langues étrangères, alors qu’on s’attendait à revaloriser les langues locales
Pr. Nalova Lyonga Pauline Egbe.

Les langues vivantes renvoient à l’espagnol, l’allemand, le chinois ou l’italien. Toutes ces langues sont classées au premier groupe des matières de ces classes, dont prioritaires. Elles sont 3 heures d’enseignement par semaines et valent pour trois coefficients. Les langues nationales quant à elles sont elles aussi inscrites au programme mais au deuxième groupe des matières, où elles sont enseignées pendent une heure par semaine et valent pour un coefficient, au même titre que le travail manuel. Inutile de rappeler que les autres matières sont déjà enseignées en français, qui pèse de ce fait d’un poids inégalé dans tout le système éducatif. Les nouvelles séries mettent l’accent sur les langues étrangères, alors qu’on s’attendait à revaloriser les langues locales, comme le commente une étudiante en anthropologie à l’Université de Douala.

Les langues locales poussées vers la disparition

Pour elle, les reformes devaient être faites de sorte qu’on ait des séries comme A1 pour le bassa, A2 pour le Fèfè, A3 pour le Fufuldé, A4 pour le Duala, A5 pour l’Ewondo pour ne prendre que quelques exemples. Elle finit son observation en disant : « Alors que nous demandons à l’Unesco de reconnaître nos langues  comme patrimoine international, nous ne faisons rien pour les valoriser. On nous propose le latin qui est la langue des prêtres

Des études et recherches foisonnent aujourd’hui qui démontrent l’importance des langues locales dans le développement. Etudes pour beaucoup faites dans les pays africains sub-saharien, qui démontrent comment ces pays sont sous-développés à cause de l’abandon de leurs langues. Dans l’une de ces études publiées en décembre 2017 intitulé : «Quelle place pour les langues locales dans le développement culturel et technologique des pays d’Afrique Sub-saharienne? Cas du Bénin», l’agro-économiste et entrepreneur social Johanes Agbahey, explique que « plus d’un demi-siècle après les indépendances, la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne ont comme langue officielle l’anglais, le français, l’espagnol ou encore le portugais. Le délaissement des langues locales, qui dans la plupart des sociétés africaines ne sont ni enseignées dans le système éducatif formel, ni utilisées dans l’administration pose un réel danger d’extinction de ces langues. Les conséquences d’une telle extinction sont multiformes. En effet, la langue en tant que système de signes vocaux, de manières de s’exprimer propres à une communauté d’individus est un élément d’identification qui est un vecteur de normes culturelles. Son extinction est donc inexorablement associée à une perte d’identité et à une déculturation. Une société qui n’est pas enracinée dans sa culture, consciente des valeurs qui sont les siennes, ne peut aspirer au développement juste en copiant les autres… La disparition des langues locales, qui dans le contexte de la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne sont uniquement orales, entraînera donc la disparition des savoirs locaux.»

«La perte de vocabulaire dans les langues locales»

Les cultures camerounaises sont fatalement vouées à la disparition. Les nouvelles séries mettent l’accent sur les langues étrangères, alors qu’on s’attendait à revaloriser les langues locales
Des élèves en cours.

Il explique que le développement pour être durable doit s’ancrer sur le système de pensée local et s’adapter aux conditions locales. Sauf qu’il faut relever qu’ « au sein des familles, de plus en plus de parents soucieux de créer un environnement propice à la scolarité de leurs enfants imposent de parler français, ou anglais également à la maison. En plus Aujourd’hui, de moins en moins de personnes sont en mesure de parler les langues locales sans faire de mélange avec le français, ou l’anglais. Ce mélange, qui pour les jeunes est un effet de mode, est en réalité symptomatique de la perte de vocabulaire dans les langues locales. »

Il était dès lors plus urgent, que le système éducatif prenne ces réalités en compte. Si les langues locales ne sont pas valorisées et imposées là où il faut, cela voudra dire que les cultures camerounaises sont fatalement vouées à la disparition, la langue étant le premier outil d’expression d’une culture. Des pays comme la Chine se sont longtemps enfermés sur eux-mêmes pour se développer à partir de leur culture et leur langue, et cette langue est aujourd’hui inscrite au programme scolaire chez nous, sans qu’il y ait espoir qu’un jour une langue camerounaise soit inscrite au programme scolaire chinois.

En plus de l’inscription de ces langues au programme scolaire, des milliers de camerounais l’apprennent déjà dans des multiples centres linguistiques ouverts à cet effet partout dans le territoire. On a aujourd’hui des jeunes Camerounais en mesure de parler couramment le chinois, tout en bégayant quand sa grand-mère lui dit un mot dans sa langue. Est-ce cet enfant sans racine que le système éducatif prépare pour prendre la relève ?

Roland TSAPI

Lire aussi : Education, un programme scolaire extraverti

La culture camerounaise à la recherche de sa culture

 

 

 

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