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Dialogue nationale : la commission du système judiciaire à côté de la plaque

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Lors du Grand dialogue national tenu du 30 septembre au 4 octobre 2019 à Yaoundé, la troisième commission était appelée commission juridique, chargée d’examiner tous les problèmes que pose la justice au Cameroun et d’en proposer les solutions. Après trois jours de travaux, cette commission a retenu cinq propositions soumises en plénière et intégrées dans le rapport final. A savoir : traduire tous les instruments juridiques dans les deux langues officielles et assurer leur publication simultanée dans ces deux langues ; tenir compte du critère de la maîtrise préalable de l’anglais et de celle du système juridique de la Common Law lors du déploiement du personnel judiciaire dans les régions du Nord­Ouest et du Sud­Ouest ; créer une école de droit pour la formation des avocats et de tous les praticiens du droit en général au Cameroun; ériger la Section de la Common Law de la Cour suprême du Cameroun en une Chambre à part entière comprenant toutes les sections traitant de questions spécifiques de la Common Law ; améliorer les mécanismes de coopération juridique afin d’engager des procédures judiciaires pour faire comparaître les personnes qui financent le terrorisme à partir de l’étranger.

Du réchauffé

A bien y regarder il n’y a rien de nouveau, même pas la dernière proposition qui parle des mécanismes de coopération à améliorer pour rendre possible l’arrestation et la comparution de ceux qui financeraient le terrorisme à l’Etranger. Sur ce plan le Cameroun est suffisamment avancé. Le pays est membre  d’Interpol depuis le 4 septembre 1961, et le bureau central de la zone  Afrique centrale se trouve par ailleurs à Yaoundé, ouvert depuis le 6 novembre 2009. Interpol étant l’Organisation internationale de police criminelle, créée le 7 septembre 1923 dans le but de promouvoir la coopération policière internationale. Son siège est situé à Lyon en France.

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En dehors de cette organisation, les conventions existent entre le Cameroun et la plupart des pays dans le monde, où peuvent être interpellés des justiciables recherchés au Cameroun. C’est dans ce cadre que l’ex ministre de l’Eau et de l’énergie Basile Atangana Kouna a été interpelé au Nigeria et ramené au Cameroun le 23 mars 2018 pour être mis à la disposition de la justice, c’est toujours dans ce cadre de la coopération que Sisuku Ayuk Tabe et ses lieutenants ont été interpellés toujours au Nigeria le 5 janvier 2018 et ramenés au Cameroun. Donc sur ce plan la recommandation de la commission n’apporte rien de fondamental.

Il est de même pour la Common Law à la cour suprême, la maitrise de la langue anglaise dans les tribunaux, la traduction des documents. Toutes sont des solutions déjà préconisées, auxquelles le président de la République a fait allusion dans son discours du 10 septembre 2019. Ainsi, la commission s’est limitée à regarder la justice sous le prisme de la crise anglophone, ce qui justifie que leurs propositions ne soient qu’une reprise des éléments déjà contenus dans le discours présidentiel.

La justice pourtant profondément minée

La justice camerounaise est pourtant malade, que ce soit pour le système anglophone que  francophone. En commençant par le dernier endroit où peuvent se retrouver les justiciables, à savoir la prison. Comment une commission supposer remuer de fond en comble tous les problèmes dans un domaine précis,  peut parler de la justice dans un pays comme le Cameroun pendant trois jours, les membres logés et nourris au frais de l’Etat, sans faire allusion aux conditions de détention ?

Pourtant, des faits récents qui restent encore en mémoire, sont parlants. Les 22 et 23 juillet 2019, les détenus des prisons de Kondengui à Yaoundé et de celle de Buea, se sont soulevés pour exiger entre autres les meilleures conditions de détention, et une meilleure qualité de nourriture. Les lenteurs judiciaires faisaient également partie de leurs revendications, beaucoup étant toujours en attente de jugement depuis leur arrestations il y a bientôt trois ans, et ils étaient venues trouver d’autres détenus en prison qui attendaient aussi d’être jugés depuis 10 ans pour certains. Ces lenteurs judiciaires ont également été dénoncées par les Avocats, qui ont observé un boycott des tribunaux mi-septembre 2019.

Aucune proposition n’a été faite à ce sujet. Encore moins sur les conditions de travail des magistrats eux-mêmes, qui malgré les avantages matériels qu’ils ont comparé à d’autres fonctionnaires, restent très mal loties, en sous-effectif et surtout sous la pression du politique qui a tendance à les manipuler en permanence, les empêchant ainsi de faire leur travail en toute âme et conscience. Et dans tout cela ils doivent ruminer en silence, aucun syndicat des magistrats n’existe pour défendre leurs intérêts.

Lire aussi :Crise anglophone : Paul Biya, l’apôtre du pardon

A côté des membres du corps de la magistrature il y a aussi les avocats, dont les problèmes ne sont pas des moindres. Eux qui  au-delà des souffrances quotidiennes, subissent encore de la part des officiers de police judiciaire, police et gendarmerie confondues, des humiliations. Ces derniers les empêchant de voir leurs clients détenus parfois illégalement dans les cellules, non sans les brutaliser au passage. Il y a aussi les huissiers de justice, un maillon véritablement oublié de la chaine judiciaire. Il y en a qui atteignent déjà l’âge de la retraite sans avoir de charges, pourtant les charges sont vacantes partout dans la République, ils sont devenus d’éternels stagiaires. Les notaires aussi ne sont pas en reste.

Charles Tchakounté Patie a été désigné par ses pairs comme nouveau bâtonnier de l’Ordre des avocats du Cameroun, au terme d’une assemblée générale extraordinaire houleuse qui s’est achevée aux premières heures de dimanche dans la métropole économique
Me Tchakounté Patie.

Bref ce ne sont pas les problèmes de fonds qui manquent dans le domaine judiciaire, lesquels problèmes nourrissent le mortel fléau appelé corruption, qui s’est malheureusement installé dans toute la chaine et propulse d’années en années ce secteur dans le peloton du hit-parade de la Commission nationale anticorruption, pour son classement des corps les plus  corrompus.

Lire aussi :Lutte contre la corruption : le coup d’épée dans l’eau de la Conac

Tous ces problèmes, la commission n’a pas vu, alors qu’elle était présidée par Benjamin Mutanga Itoe, magistrat hors hiérarchie à la retraite, originaire de la région du Sud-Ouest ; alors qu’elle avait comme l’un des vice-présidents  le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats Tchakounte Patie Charles, et comme personnes ressources le ministre de la Justice Laurent Esso et le président de la Cour constitutionnelle Clément Atangana entre autres.

Si tout ce beau monde s’est réuni pendant trois jours dans une commission, et n’en est sorti qu’avec  un duplicata des solutions déjà implémentées, c’est à se demander quand et où ces problèmes qui minent si gravement le corps de la Justice, seront posés et résolus

Roland TSAPI              

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