Candidat à la présidentielle du 7 octobre prochain, Serge Espoir Matomba explique dans les détails, son projet de société à La Voix Du Koat. Crise anglophone, révolution du système éducatif, valorisation de la médecine traditionnelle…, celui qui fait partie des plus jeunes prétendants à la magistrature suprême déroule son programme pour un Cameroun meilleur.

L’actualité camerounaise est marquée depuis deux ans déjà par une crise dite anglophone, qui a viré au drame. Que proposez-vous pour résoudre la crise anglophone?
Il faut dire que depuis 2016, nous avons demandé qu’il urge d’avoir un dialogue inclusif pour trouver, ne serait ce que des solutions de sortie de crise, mais nous n’avons pas été compris. Nous avons encore demandé qu’une force tampon soit créée, une force qui pourra se mettre entre les gouvernants et le camp de la sécession. Nous avons même suggéré concernant cette force là qu’elle soit constituée des hommes d’église, des chefs traditionnels, des femmes d’influence… qui doivent prendre part et servir d’intermédiaire dans le dialogue. Et jusqu’à présent nous n’avons pas été compris. Nous n’ignorons pas le fait que, chaque jour qui passe, un Camerounais perd sa vie. Chaque jour qui passe, il y a du sang camerounais qui est versé et donc il urge d’arrêter définitivement cette guerre qui n’a aucun sens et aucune raison d’exister. Et comme nous le disons toujours, même si nous sommes en colère nous devons toujours pouvoir nous asseoir, nous regarder en face et pouvoir se dire oui, nous sommes fils d’un pays et pour se faire, malgré nos divergences d’opinion, nous avons le droit de discuter et trouver des solutions de sortie de crise.
Que faut-il faire aujourd’hui ?
Maintenant, il faille que les partis déposent les armes pour établir un dialogue qui est pour moi l’unique solution pour résoudre définitivement ce problème. On peut faire 10 ans de guerre, on finira toujours par s’asseoir autour d’une table. Car l’expérience a démontré que partout où il y a eu des groupes armés, où il y a eu des individus qui se sont révoltés même après 20 ans, les gens finissent toujours par s’asseoir. Pourquoi attendre 20 ans, pourquoi attendre des années pour résoudre un problème qu’on peut éviter ? La meilleure solution reste et demeure le dialogue. Maintenant la résolution de cette crise se fera à travers le système éducatif que nous allons mettre en place. Il est triste de constater que sur 25 millions de Camerounais, moins de 100 peuvent vous parler de l’histoire réelle du Cameroun. On vit dans un pays où on a caché l’histoire. On a priorisé l’histoire d’autres pays dans l’enseignement et dans le système éducatif. Il est normal que vous ayez des citoyens perdu, qui ne savent pas où ils vont et d’où ils sortent. C’est là l’une des conséquences directes du manque de connaissance de l’histoire du Cameroun. Certaines personnes d’un côté du pays interprètent l’histoire dans un sens et d’autres de l’autre côté interprètent aussi de leur façon. Malheureusement pour nous, les acteurs qui ont contribué à cela sont encore au coma.
Que pensez-vous de la réforme du système éducatif implémenté par la ministre qui introduit de nouvelles langues étrangères au détriment des langues locales
Je vais peut-être vous surprendre mais pour moi ce n’est pas une mauvaise chose. Ce qui est déplorable c’est que ce sont leurs priorités. Nous n’enseignerons pas ces langues dans nos priorités. Dans nos priorités nous avons besoin de former un Camerounais qui s’identifie à quelque chose de culturel. Parce que comme nous le disions, ils ne sont pas forcément en train de mal faire, ils font conformément à leur vision. Il faut donc que les Camerounais commencent à comprendre que nous devons inverser le sens des priorités actuels. C’est pourquoi nous n’allons pas faire comme eux. Nous allons introduire une langue qui sera commune à tous les Camerounais, parce que nous avons besoin d’avoir une identité propre à nous. L’anglais et le français que nous parlons aujourd’hui ne font pas partie de nos langues maternelles.
Comment allez-vous procéder pour introduire cette langue? Par un référendum?
Nous n’allons pas obliger les Camerounais, non ! Tout passera par une décision collective. Ça pourrait être un référendum ou un vote au parlement.
Quid de l’introduction dans le système éducatif de certains modules qui enseignent des pratiques sexuelles déviantes est elle nécessaire…
Je vous ai dis que tout est question de priorité. Nous avons nos priorités. Il va falloir être rigoureux sur un bon nombre de choses car on ne saurait nous imposer un système éducatif quel qu’il soit. Voilà pourquoi nous définirons les règles désormais. Il y a un certain nombre de choses qui n’existeront plus au Cameroun parce que lorsque les français nous imposent leur système éducatif c’est pour travailler dans les sociétés françaises et dans leur système. Il va falloir que le Cameroun, lui aussi forme des Camerounais à travailler dans son système. Lire aussi :Versets sataniques du manuel scolaire : l’indignation de la société civile
Quels sont vos projets pour la culture qui est un secteur moribond au Cameroun ?
Dans un premier temps, nous allons créer des lycées culturels et nous allons allouer un fond à la culture. Nous devons promouvoir notre culture, ce qui sera l’élément fondamental de notre société. On devrait pouvoir reconnaître un Camerounais de part sa culture et tout ce qui tourne autour, et c’est à ce niveau que nous ferrons des réformes.
Qu’entendez-vous par diversité culturelle ?
Il y aura tout. De l’art, de nos traditions, du cinéma, de la musique bref, tout ce qui est culturel.
Quelle sera votre politique a l’égard des bailleurs de fonds?
Nous devons éviter d’endetter d’avantage les Camerounais. C’est pourquoi nous allons prioriser les partenariats en PPP, c’est-à-dire partenariat public privé et aussi des partenariats internes. En faisant donc les états généraux des finances, on va d’abord nettoyer toutes les fuites d’argent qui existent et pouvoir construire une nation avec quelque chose de précis. Il faut dans le long terme nous détacher de ces institutions qui au lieu de nous aider à nous développer, nous aident plutôt à nous détruire
Comment comptez-vous encadrer les réseaux sociaux ?
Je m’intéresse particulièrement à cela car vous savez qu’aujourd’hui on ne peut plus faire sans les réseaux sociaux. Ce sont des moyens qui nous permettent de communiquer et qui parfois sont mal utilisés chez nous. Il y aura donc forcément des règles pour réguler ce secteur et pouvoir permettre aux Camerounais de créer de la richesse grâce aux réseaux sociaux.
Que prévoyez-vous pour viabiliser le secteur de la presse?
Il faut déjà restructurer ce secteur et nous avons dit qu’au lieu de 150. 000. 000 que la presse reçoit comme aide, nous allons monter ce chiffre à 5 milliards de francs CFA parce que nous estimons que les journalistes que vous êtes sont un pan important de l’éducation d’une nation. Alors si on arrive à clochardiser les hommes de médias comme cela est fait actuellement, c’est pour que ceux ci ne traitent plus l’information ou n’éduquent plus la population comme il se doit. Ils vont traiter l’information partiellement tout en ayant des partis pris. Dès lors que ces médias sont indépendants et savent qu’ils n’ont rien à craindre, quelle que soit l’information qu’ils transmettent, il est clair que les populations auront à ce moment droit à une information de qualité.
D’où viendront ces 5milliards?
Des caisses de l’Etat bien évidemment. 5milliards ce n’est pas 100 mille milliards non plus. Nous avons dans notre projet de société des plans de financement pour chaque secteur que nous avons développé. Donc quand nous avançons des chiffres, c’est parce que nous avons des calculs précis.
Etes-vous pour un tribunal des pairs chez les journalistes comme cela se fait ailleurs, au Sénégal notamment?
Je suis totalement pour un tribunal des pairs car lorsque vous êtes jugés et condamnés par vos pairs, vous savez que vous êtes sous le coup d’une véritable sanction ou alors que vous êtes complètement bannis. Mais lorsque c’est une institution ou un tribunal de monsieur tout le monde, vous pouvez contester et saisir vos pairs pour que ceux-ci vous soutiennent c’est pourquoi dans nos réformes, la presse sera à même de juger ses propres éléments
Quel avenir réservez-vous à la médecine traditionnelle, que vous défendez dans votre programme?
Un avenir plutôt radieux car vous savez bien qu’il y a plusieurs maladies que l’on peut guérir par la médecine traditionnelle, mais déjà il faudrait que nous puissions accompagner nos chercheurs. Nous avons prévu un fond spécial pour la recherche. Nous ferons aussi des travaux avec nos médicaments traditionnels pour voir combien de maladies on pourra guérir avec nos médicaments traditionnels, et surtout les dosages parce qu’il faut bien le dire, le problème n’est pas l’inefficacité des médicaments traditionnels mais plutôt le dosage. On peut prendre un médicament traditionnel avec un dosage pour résoudre un problème et ce dernier est résolu mais en créant un autre du fait du dosage. Du coup on a besoin d’un dosage précis et pourquoi ne pas ensacher ces médicaments? Nous devons dès lors prioriser les produits que nous avons, commercialiser ceux que nous avons produit en grande quantité. Ce que nous avons c’est ce qui apportera une plus-value à notre économie. La médecine traditionnelle est un secteur sur lequel nous souhaitons particulièrement nous appuyer car à partir d’elle, nous pourrons résoudre plusieurs problèmes de santé.
Entretien avec Valgadine TONGA