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Pr. Pierre Alaka Alaka : «La France parle pour nous, nous votons derrière elle»

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Accords coloniaux avec la France, désintégration de l’Enam, création de plusieurs Sonara, création de la Sonamines… Dans cette interview accordée à La Voix Du Koat, le Pr Pierre Alaka Alaka, Membre de l’Ordre national des conseils fiscaux du Cameroun, Président de la Société africaine des finances publiques et fiscalités,  décortique l’angle économique du discours du 31 décembre 2020 du chef de l’Etat et dégage les perspectives.

LVDK : Quelle analyse faîtes-vous du discours de fin d’année du président de la République ?

Pr. Alaka : Je ne peux analyser ce discours que dans le domaine qui est le mien. Mon attention a été retenue par le fait que le président de la République a rappelé que notre taux de croissance était stabilisé autour de 4% et qu’il entend le voir doubler en 2021 à 8%. Il nous a certes sevré des indicateurs qui permettent d’y arriver, mais on peut déceler deux choses : on a parlé pendant de nombreuses années de la fin des accords signés avec la France au moment des indépendances, qui devaient s’arrêter le 26 décembre 2019, avec une année de turbulence qui allait être 2020 où tout pouvait être renouvelé. Mais arrivé au 26 décembre 2020, nous avons acquis notre indépendance économique sauf que le président ne l’a pas dit lui-même. J’aurai été très heureux s’il avait peut-être dit quelque chose du genre, il est temps que le Cameroun appartienne aux Camerounais. N’ayant pas entendu, et connaissant que l’homme est très avare en parole, je me dis que la création de la Société nationale des mines (Sonamines) au même mois de décembre, avant la fin de ces accords, serait peut-être un indicateur sérieux pour nous dire que s’il parle d’une croissance de 8%, c’est que la Sonamines y sera pour beaucoup.

LVDK : Quel serait le grand enjeu avec la Société nationale des mines créée justement le 14 décembre 2020 par décret présidentiel ?

Pr. Alaka : On commencera à exploiter notre sous-sol de manière libre, ce qui n’était pas le cas avant. C’est peut-être là le premier indicateur pour appuyer sa croissance de 8%. N’oublions pas que nous sortons de la Covid-19. Après le désastre économique que cette pandémie a causé à travers le monde, par quelle stratégie partirons-nous des présupposés 4% pour 8% ? Il y a là, matière à réflexion, mais on aimerait quand même avoir des indicateurs pour nous permettre d’apporter notre contribution sur la manière dont on peut orienter l’effectivité de cette croissance. La grande difficulté sera observée au niveau de notre gouvernement routinier et notoirement corrompu –les grandes réalisations annoncées n’ont pas abouti, pas du fait du président, mais de ce gouvernement parce que ce n’est pas lui qui va mettre en œuvre tout ce qu’il dit même s’il doit évaluer. Il oriente-  Je me dis qu’il devrait tourner le dos à ses collaborateurs ennuyeux, pour s’entourer de nouveaux collaborateurs qui aiment ce pays. Si les accords sont véritablement arrivés à leur terme, il aura les coudées franches pour le choix de sa ressource humaine

LVDK : Quel est le problème avec le gouvernement actuel ?

Pr. Alaka : Le problème c’est que les gens sont philosophiquement occidentalisés, alors qu’ils devraient être traditionnellement africanisés. Quand on est traditionnellement africanisé, ça veut dire qu’on a tourné le dos à la philosophie occidentale, et on pense son pays. Chacun cherchera par conséquent à développer l’endroit où il est né, puis tout son pays, parce qu’on n’en a pas deux. En construisant notre territoire, mon bout de parcelle où je suis né en profitera. Ce gouvernement malheureusement pense à construire l’occident via leurs comptes en banque qui y sont domiciliés du fait de la libre transférabilité du CFA et du concours des boutiques financières mises en place par les multinationales. Si on veut atteindre ces 8%, je crois qu’on doit tenir compte de cette ressource humaine. Sans la ressource humaine, même la Société nationale des mines dont on parle et qu’on va confier à un seul individu, ne pourra pas apporter l’espoir escompté. Plus grave, lorsque j’assistais à la convention du NMP du président Banda Kani il y a trois ans, j’avais souhaité qu’on crée plusieurs « Sonara ». La Sonara  s’occupe du pétrole mais on devrait avoir une société camerounaise de l’or, une société camerounaise de l’uranium, du diamant… On va ainsi dissoudre les chances de corruption d’un seul individu, qui aura à sa tête tous les minerais du pays. La société camerounaise aujourd’hui est telle que, lorsqu’on confie une telle responsabilité à une personne qui n’est pas nationaliste, le danger c’est que tout devient évanescent. On le voit avec L’Enam. Lorsque vous confiez l’école qui forme tous les grands corps de l’Etat à un individu, il en fait ce qu’il veut. Comme je l’avais écrit dans mon livre L’Impôt au Cameroun, si on avait désintégré L’Enam pour créer l’École Nationale des Douanes à Douala ou à Kribi, une École d’Administration à Ngaoundéré ou Garoua (ce qui permettra déjà aux fonctionnaires en formation de connaître les conditions climatiques rudes de notre pays. Ainsi ils n’auront plus peur d’être affectés au Nord), une école des impôts peut-être à Bafoussam qui est une zone économique et commerciale, une École de la Magistrature à Buea ou à Bamenda où les gens apprendraient à parler anglais au quotidien  pour être des magistrats mieux outillés…on aurait désintégré la possibilité de corruption entre les mêmes mains et on aurait permis au pays d’éviter d’avoir dans sa grande administration, un même moule référentiel qui s’appelle L’Enam, et qui  nous cause les dégâts aujourd’hui.

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LVDK : A vous entendre, la Sonamines sera un énième siège de la corruption…

Je ne souhaite pas qu’on retombe dans les mêmes travers. En créant la Société nationale des mines, on doit également créer à l’intérieur, des sociétés indépendantes et autonomes tel que spécifié plus haut. Ainsi, cette société nationale sera le cadre unificateur qui permettrait de consolider les comptes, de veiller à ce que tous les contrats signés soient dans l’intérêt de notre pays. Lorsqu’on regarde la composition des conseils d’administration et de direction de ces sociétés, on se rend effectivement compte que ce sont encore ces fonctionnaires. On évite la société civile, pourtant c’est dans la société civile qu’on trouve encore des patriotes, où des gens ne sont pas assujettis au pouvoir hiérarchique en tant que tel, par essence. Il n’y a pas la crainte de l’autorité dans la société civile, mais le respect de l’autorité. Et ce respect de l’autorité passe par le respect de la loi. Voilà l’intérêt d’intégrer une bonne partie, 50% peut-être, de la société civile, à côté des agents formés à L’Enam, qui ne nous ont pas apporté jusqu’ici les espoirs escomptés.

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Si on revenait sur les accords coloniaux avec la France, que prévoyaient-ils grosso modo ?

Les accords coloniaux ne nous permettaient pas d’être indépendants et souverains. Vous savez, un Etat est une fiction juridique. On reconnait l’Etat par ses éléments constitutifs que sont la population, le territoire et le gouvernement qui est l’institution chargée de gérer cet ensemble. Nous sommes là sur le plan interne. Si vous voulez être reconnus sur le plan international, vous devez avoir votre indépendance reconnue par les nations unies, se retrouver dans la carte du monde et avoir votre souveraineté. La souveraineté est un arc-en-ciel. Vous avez la souveraineté monétaire, la souveraineté économique, la souveraineté financière, la souveraineté de penser sur le plan international… Malheureusement, ces accords nous ont permis de ne bénéficier que d’un gouvernement, d’un territoire et d’une population, mais pas de l’indépendance et de la souveraineté.

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Notre indépendance et notre souveraineté étaient contrôlées par la France. On n’a pas de monnaie. Pourquoi les anglophones se plaignent ? Lorsque vous  prenez un billet, il est écrit au recto et au verso «Banque des Etats de l’Afrique centrale». Il n’y a pas une mention en anglais. Comment fera la maman qui ne sait pas lire le français ? Une face devait être en français, l’autre en anglais. Mais on vous dira que la Banque des Etats de l’Afrique Centrale ce n’est pas seulement le Cameroun, certes. Sauf que la Guinée équatoriale ne se reconnaît pas aussi dans cette monnaie. Dans leur monnaie, il y a une indication en espagnol. Ça devait être le cas au Cameroun. Mais ces billets sont faits par les Français, dans une des collines de Clermont-Ferrand, ils ne peuvent pas s’embarrasser de tous ces détails. Ils utilisent le français parce que justement il s’agit de perpétuer l’assimilation, pour que les anglais, les lusophones parlent français. Vous pensez que si le Cameroun avait sa monnaie il n’y aurait pas la partie anglaise ? C’est autant de choses qui choquent, parce que nous n’avons pas eu jusqu’ici, notre souveraineté.

LVDK : Que traduirait la fin de ces accords coloniaux ?

Pr. Alaka : S’il est établi que nous avons notre souveraineté aujourd’hui, la première personne à nous renseigner c’est la personne qui occupe la fonction de celui qui a signé ces accords. C’est à lui de nous dire que les accords que nous avions signés, je ne les ai pas renouvelés. Il ne doit pas nous laisser dans l’expectative. Avec ces accords, on existe dans la carte du monde que de nom. Aux Nations Unies, la France parle pour nous, nous votons derrière elle. Dans toutes les organisations internationales, quand elle a donné la direction nous ne pouvons pas aller à gauche si elle a dit d’aller à droite. Si les accords sont terminés, ça voudra dire qu’elle peut aller à gauche, mais nous à droite, parce que nous sommes véritablement souverains et indépendants.

Entretien avec Valgadine TONGA

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