Le journaliste et chroniqueur sportif, fait une analyse de l’actualité autour de l’équipe nationale camerounaise de football. Le recrutement du nouveau sélectionneur national, leur premier match contre les Comores (1-1) dans le cadre des qualifications de la CAN 2019, la performance et l’avenir des Lions, sont entre autres sujets abordés dans cet entretien … Cet ancien journaliste du quotidien Le Messager pense qu’il est temps que l’équipe camerounaise soit confiée à un entraîneur national.
L’équipe nationale du Cameroun a été confiée au duo d’entraîneurs néerlandais Seedorf-Kluivert. Comment avez accueilli cette nouvelle ?
Comme toute personne qui aime une équipe nationale de football, je peux dire que c’était un ouf de soulagement d’apprendre que les Lions Indomptables du Cameroun ont désormais de nouveaux entraîneurs, Clarence Seedorf et Patrick Kluivert, qui sont deux noms pas du tout inconnus du milieu footballistique mondial. Ils sont deux footballeurs de haut niveau, qui ont remporté pendant qu’ils étaient en activité, plusieurs titres. Aujourd’hui reconvertis en entraîneurs, le Cameroun s’attache leurs services, et ils seront jugés au pied du mur. Hormis cette satisfaction, on a un petit sentiment de déception parce que nous pensons qu’il est grand temps qu’un entraîneur national puisse avoir les rênes de cette sélection. On a vu le Sénégal à la Coupe du monde avec un entraîneur national. Même si le Sénégal a été précocement éliminé, on a vu la touche d’Aliou Cissé qui en 2002 était le capitaine de cette équipe. On va juger ces entraineurs au pied du mur. Cependant, j’ai ce petit sentiment de déception parce qu’on n’a pas nommé les nationaux.
Est-ce que le fait de situer le débat sur la nationalité, ne pourra pas fausser les données ?
Je pense qu’il y a des nationaux compétents. Je le pense vraiment. L’argument le plus souvent avancé, c’est celui du tribalisme, des ventes de place, de sélection de joueur à géométrie variable. Mais je crois qu’il est grand temps, et je continue de le dire, qu’un national tienne les rênes de cette équipe. On a vu Jean Paul Akono remporter l’unique médaille olympique avec les Lions. Il y a des nationaux compétents et il va falloir un jour, que l’équipe soit remise à un national compétent, que les entraîneurs locaux ne jouent plus seulement le rôle de second couteau. Même si c’est un expatrié et qu’il est compétent, c’est une bonne chose, mais on constate que les sommes faramineuses versées aux expatriés en terme de salaire, les nationaux lorsqu’ils sont recrutés, ne perçoivent même pas la moitié de ces sommes. Et évidemment, il y a la tentation de marchandage de place, ce qui n’est pas une bonne chose. Le football n’a pas de nationalité, on peut être national ou expatrié, mais si on remplit normalement ses fonctions c’est une bonne chose. Mais nous pensons qu’un pays comme le Cameroun, qui est une grande nation du football, avec de grands footballeurs, qui font leur preuve un peu partout dans le monde, est fondé d’avoir sur son banc de touche un entraîneur national. On l’a vu dans d’autre pays, pourquoi pas le Cameroun ?
Parlant des nouveaux entraîneurs, il y a eu plusieurs noms qui ont circulé, au point où l’arrivée des néerlandais a été une surprise…
C’est vrai que jusqu’à 24 heures de cette nomination, on avait des noms qui circulaient. Mais, c’est finalement Seedorf et Kluivert qui ont été retenus. Maintenant il faut savoir si tout s’est passé en bonne en due forme. Tout porte à croire que ce n’est pas le cas.
Que pensez-vous de la première sélection de ce duo néerlandais?
J’avoue que quand j’ai vu la liste des 23, je me suis posé des questions. Je me suis demandé ce qu’on veut. J’aimerai bien voir leur cahier de charge. Si leur objectif est de remporter la Can 2019, il est normal qu’ils ne pensent qu’à prendre des joueurs qui sont prêts à l’emploi. Nous sommes à dix mois maximum de la compétition et il est normal de prendre les joueurs qualifiés. Cependant, cette démarche pose la problématique de l’arbre qui cache la forêt, ce que je qualifie de « Camerounaiseries ». Nous rentrons dans les mêmes cycles de chaque jour. On se bat on gagne et on croit qu’on est fort. L’équipe qui remporte accidentellement la dernière Can, a rarement déroulé un football léché et dénué de déchets.Il y a longtemps nous n’avons plus vu les Lions produits un football léché, sans beaucoup de déchets. Cette époque est révolue depuis la fin du cycle des Rigobert Song, Njitap, Eto’o et autres en 2006. Entre 2006 et 2010, ils se débrouillaient. Même la finale de la Can 2008 n’était pas à la hauteur des attentes parce que le bon jeu n’était pas de notre côté. Comme pour dire que les 23 que nous avons aujourd’hui, rentrent dans la même logique de se battre pour remporter, et non pour préparer. Parce qu’on ne prépare absolument rien.
Le Cameroun dispose un potentiel pourtant énorme…
L’équipe des Song, Eto’o, Mboma et autres, n’était pas une équipe constituée à la hâte, c’était une équipe de footballeurs qui ont traversé diverses sélection, minime, cadet, junior avant d’arriver au sénior en passant par les espoirs. Ceux qui n’étaient pas là sont entrés dans le jeu. Après l’épopée des années 90 et l’équipe qui se disloque après les années 94, on a traversé un passage à vide. Et durant ce passage à vide, on a remporté la Can junior en 95 avec des produits venus de l’EFBC et après de la KSA. Ces deux écoles ont introduit le football école, et plus tard le placement des joueurs, une démarche qui n’a pas contribué au développement du football camerounais, parce que dès qu’un joueur tapait deux fois dans le ballon, il pensait directement à partir, et les championnats nationaux ont été tués, les spectateurs ont fui le stade. On est tourné vers les championnats européens. L’assemblage de tous ces problèmes tue notre football. Depuis 2009, on est en phase de reconstruction de cette équipe, sans y parvenir. On n’a pas d’équipe parce que rien n’est structuré. On va au Cameroun de bataille en bataille.
Faut-il dont repenser la formation des jeunes ?
Le sempiternel problème de la formation des jeunes revient en surface.
Est-ce que la première sortie de ces techniciens a comblé vos attentes ?
De prime abord, je pense qu’on ne saurait véritablement juger les entraîneurs sur une seule rencontre. Toutefois, ce que nous avons vu au cours de cette première sortie du duo Seedorf – Kluivert sur le banc des Lions Indomptables pour un match officiel peut nous amener à avoir une idée sur la vision de ces deux techniciens bataves. Nous comprenons donc que, pour eux, l’essentiel c’est d’engranger de bons résultats, quelle que soit la manière. Car, on a vu une équipe des Lions Indomptables, réceptacle d’individualités ayant eu beaucoup de peine pendant près de trois quarts de la rencontre face à une modeste sélection de Comoriens. L’équipe camerounaise n’a pas livré un match convaincant. Elle a, rarement, au cours des 90 minutes de la rencontre, déroulé un jeu limpide et pensé. Le Cameroun a, dès la fin du premier quart d’heure, passé son temps à courir derrière le score. Une première mi-temps catastrophique avec des joueurs qui avaient de la peine à aligner successivement trois à quatre passes. Les remplacements en seconde manche, et surtout l’entrée d’Oyongo Bitolo Ambroise, sont, à notre façon de voir, les seuls aspects positifs à retenir de cette rencontre. Car, ces changements et surtout le jeu d’Oyongo porté vers le haut, ont permis aux Lions Indomptables de rétablir les pendules à l’heure par le biais de Stéphane Bahoken à 10 minutes de la fin du match. Même comme, sur ce but égalisateur, il faut mentionner que l’arbitre égyptien a été vraiment généreux vis-à-vis des Lions Indomptables. Le football est en train d’évoluer de façon spectaculaire dans des pays jadis considérés comme des pays distributeurs de points dans les compétitions. La sélection nationale comorienne qui tient ainsi tête aux Lions Indomptables avait déjà, auparavant, tenu en échec les Blacks Stars du Ghana. Il y a un nivellement vers le haut. Nous espérons que le tandem Seedorf–Kluivert, en est conscient et qu’il tirera les leçons de cette sortie manquée aux Comores. Nous leur souhaitons beaucoup de courage dans la gadoue camerounaise.
Quelle équipe faudra-t-il au Cameroun, pour espérer conserver le trophée en 2019 ?
On a besoin d’une équipe conquérante, qui a faim, qui peut se surpasser quel qu’en soit le style de jeu. Nous avons eu à la dernière Can des joueurs du devoir et tout porte à croire qu’en 2019 on aura une équipe pareille.
Interview Réalisée par M.L.M.