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Financement de la campagne : Un détournement consenti

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Les candidats aux différentes élections reçoivent de l’argent public pour le financement de la campagne, qui n’est soumis à aucun contrôle. Le pouvoir et l’opposition s’en accommodent, ce financement étant devenu source d’enrichissement personnel de certains, au mépris de la loi.

Les calculs financiers ne sont pas étrangers aux échéances électorales depuis l’avènement du multipartisme au Cameroun, et semblent encore être un déterminant de poids dans la décision des candidats de l’opposition de se mettre ensemble cette année dans le cadre d’une coalition.

Le Conseil électoral d'Elections Cameroon vient de rendre public la liste des candeen lice pour le fauteuil présidentiel.
Les candidats en lice.

A ce jour, les partis politiques et les candidats aux différentes élections au Cameroun ont régulièrement bénéficié du financement des campagnes électorales comme le prévoit la loi. Ils ont aussi et surtout bénéficié de la non-application de certaines dispositions de cette loi pour ce qui est de la gestion de ces fonds, sans dénoncer comme d’habitude le laxisme du gouvernement. Il s’agit de l’article 277 alinéa 1 du Code électoral, qui dit qu’ « il est institué une commission de contrôle, habilitée à vérifier sur pièces que l’utilisation, par les partis politiques ou les candidats, des fonds à eux alloués est conforme à l’objet visé par la présente loi. » L’alinéa 3 du même article précise que « l’organisation, la composition, les attributions et les modalités de fonctionnement de la commission visée à l’alinéa 1 ci-dessus sont fixées par décret du Président de la République. »
Au fil des élections, le président de la République n’a jamais créé cette commission, aucun parti politique n’a jamais exigé non plus sa mise sur pied. Ces partis de l’opposition qui sont pourtant, très regardant sur les différentes dispositions de la loi que le gouvernement n’applique pas. Dans les médias et au cours des meetings, leurs militants ont de tout temps dénoncé en cœur le non-respect de diverses dispositions légales concernant la décentralisation ou la déclaration des biens, tout en se gardant bien de faire allusion à cette disposition. Sans doute parce que l’application les épinglerait aussi, puisque cet article de la Constitution sur la déclaration des biens dit que tous gestionnaires des fonds publics doit déclarer ses biens. Et l’article 276 du Code électoral dit à l’alinéa 2 que « les fonds provenant du financement public sont des deniers publics », à l’alinéa 3 que « le financement public dont bénéficient les partis politiques ou les candidats ne peut être source d’enrichissement personnel », tandis que l’alinéa 2 de l’article 277 précise que « les partis politiques ou les candidats bénéficiaires d’un financement public ont l’obligation de tenir une comptabilité y afférente. »
Flou dans le montant
La source de cet argent distribué aux candidats est inscrite dans l’article 284 de ce code qui précise à l’alinéa 2, que la participation de l’Etat aux dépenses visées est inscrite dans la loi de finances de l’année de l’organisation de la consultation électorale ou référendaire. Dans le budget 2018 le montant inscrit pour les élections était de 50 milliards de Fcfa. Ce montant prenait en compte les élections municipales et législatives qui ont été reportées, les sénatoriales qui ont eu lieu et qui ont consommé 5 milliards officiellement. Il reste la présidentielle. En 2011, l’élection présidentielle a officiellement engloutie 20 milliards de Fcfa, et 23 candidats ont eu chacun 30 millions de Fcfa comme financement de la campagne, soit un total de 690 millions. La caution était alors de 5 millions, et l’on peut légitimement penser qu’avec une caution actuelle de 30 millions, le financement de la campagne pourra bien être au-delà du milliard. Il faut rappeler qu’en dernier ressort le président de la République décide souverainement du montant de l’enveloppe à distribuer aux candidats, après proposition de l’Assemblée nationale.

Et dans la gestion…
Mais ce n’est pas le montant d’argent que chaque candidat obtiendra qui intéresse ici, puisque les partis politiques ont souvent décrié la maigreur de l’enveloppe comparé aux besoins financiers pour une vraie campagne. C’est l’utilisation réelle qui est faite de cette enveloppe. Et l’on a par le passé vu des candidats s’amuser vraiment avec l’argent perçu pour la campagne. Très peu de candidats sur les 23 de 2011 peuvent dire ce qu’ils ont fait de concret comme campagne électorale, très peu pour ne pas dire aucun candidat ne peut se soumettre à un audit de l’utilisation de ce financement et s’en sortir la tête haute. Et cela dure depuis des années. Aucun contrôle de l’argent donné aux candidats n’a jamais été fait, pourtant cet argent fait partie des deniers publics, l’argent du contribuable, l’argent des impôts que les commerçants payent au marché, que les boutiquier payent, l’argent que les taximen payent chaque trimestre.
C’est peut être cette absence de contrôle qui fait que les candidats s’accrochent, surtout que cette année le financement de la campagne pourra atteindre des centaines de millions. C’est peut-être la raison pour laquelle dans toutes les réformes proposées, aucun candidat ne fait allusion à la mise sur pied immédiate de la commission prévue pour le contrôle. Mais l’impunité ne va pas durer éternellement. l’article 286 du code électoral prévient, en disant en son alinéa 2 que tout candidat qui se désiste avant le scrutin ou qui ne participe pas effectivement à la campagne électorale, est tenu de reverser au Trésor Public la totalité de la somme reçue au titre de la première tranche, et ne peut prétendre à la deuxième tranche bien entendu.
Sur ce point le pouvoir et l’opposition ont longtemps trompé le peuple dans une entente tacite, en passant sous silence l’usage effectivement fait de cet argent public. Mais ils peuvent bien se dire que les esprits sont suffisamment éveillés désormais. La vigilance a augmenté et tous les candidats qui recevront les financements publics devront savoir qu’ils ne pourront user de cet argent à leur guise, sans rendre des comptes. Si en France des présidents sont mis en examen pour l’utilisation faite de l’argent public au cours des campagnes électorales, cela peut bien arriver aussi chez nous, car comme disait l’homme politique américain, on ne peut tromper tout le peuple tout le temps.
Roland TSAPI

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