Sur la place du Boulevard du 20 mai, les militants du Social democratic front (Sdf) et ceux du Mouvement pour la renaissance du Cameroun(Mrc) ont défilé les mains posées sur les têtes et les poitrines nues. Ces gestes ont été exprimés devant le chef de l’État à la stupéfaction du parterre des convives installés dans les tribunes.

Ce sont les militants de la principale formation politique de l’opposition camerounaise qui ont, pour la première fois, jeté un pavé dans la mare ce dimanche, 20 mai 2018. Personne ne s’y attendait. Même les autorités administratives et les forces de sécurité publique qui ont contrôlé ces acteurs politiques n’ont pas pu savoir que quelque chose se tramait au sein du Sdf. En effet, après le passage de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp) vers 11h50mn, Emmanuel Ntonga, Aloys Parfait Mbvoum, respectivement président du Sdf pour le Centre et vice-président régional sont arrivés accompagnés de leurs pairs tous vêtus de la tenue du parti de la balance. Mais ayant franchi l’axe du boulevard où se trouve la Caa (Caisse autonome d’amortissement), ces deux leaders chefs de file et leurs congénères, le pas alerte, ont ôté leurs chemises en tissu et ont exposé leur poitrine nue où sont apposés les images des défunts de la crise dite anglophone et des soldats tombés sur le champ d’honneur. Il s’y trouvait, de surcroît, une dame qui s’est dévêtue, laissant ainsi sa poitrine exposée sous le regard hagard et abasourdi des curieux éloignés et des invités assis dans les tribunes. D’après Aloys Parfait Mbvoum, interrogé à la fin de la parade civile, c’est un geste traduisant le mécontentement, l’agacement, le dépit et la mélancolie. «Pour le Sdf, Yaoundé a fait fausse route depuis l’enclenchement de la crise anglophone en 2016. Quand un Africain enlève sa tenue Pour se mettre nu, c’est un signe de dépit. Nous avons décidé de floquer les images des soldats morts et des images des maisons et villages incendiés», explique le vice-président du Sdf pour le Centre.

La raison justifiant cette option réside dans le fait que «depuis plusieurs mois, nous demandons le dialogue à l’État, mais le gouvernement nous y oppose la sourde oreille. C’est pourquoi nous avons exprimé notre colère parce que la liberté d’expression n’est pas la chose la mieux partagée au sein du régime en place», poursuit Mbvoum. Quelques instants avant le passage de la principale formation politique de l’opposition camerounaise, les militants du Mrc ont, eux aussi, battu le macadam en posant les mains sur les têtes. Signe d’expression du malheur consécutif aux morts enregistrés suite à l’enlisement de la crise dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest.
Réponse du berger à la bergère
Interrogé sur le geste de mécontentement des deux formations politiques de l’opposition, Jacques Fame Ndongo pense qu’il s’agit d’une gesticulation des deux partis politiques. D’après le secrétaire national à la communication du Rassemblement démocratique du peuple camerounais(Rdpc),«le Sdf et le Mrc gesticulent sur la place du boulevard. Pourtant, le résultat, c’est aux urnes. Ça ne sert à rien de gesticuler alors que la vérité triomphera toujours dans les urnes». Garga Haman Adji est plus sévère à l’endroit des militants du Sdf et du Mrc. Le président de l’Alliance pour la démocratie et le développement(Add) estime que ces deux partis politiques sont des partis de la honte. «Le Sdf et le Mrc sont venus faire le cinéma au défilé du 20 mai. Ce sont les partis qui font honte au Cameroun. La parade civile n’est pas une scène de théâtre où chacun vient faire ce qu’il veut à son gré».

La grande parade militaire et civile a vu la participation d’un contingent des forces armées nigérianes. C’est ce contingent qui a donné le ton du défilé à travers des pas majestueux animés par des sonorités fort appréciées du grand public.
Serge Aimé BIKOI