Au total, 711 éléphants tués de 2014 à 2020. A ce rythme, il est à craindre la fin de la lutte contre le trafic d’éléphants, parce que les braconniers auront tué toute l’espèce.
En octobre 2014, 187 pointes d’ivoire ont été saisies à l’aéroport international de Nsimalen à Yaoundé. En mars 2017, ce sont 160 pointes d’ivoires qui ont été saisies à Bertoua. En novembre de la même année, 158 pointes d’ivoires ont été saisies à Douala. En décembre 2017, c’est à Djoum qu’on saisissait 216 pointes d’ivoire. Toujours à Djoum, en mai 2018, 106 défenses d’éléphants ont été saisies ; 153 en novembre 2018 à Douala puis 125 en décembre, 200 en mars 2019. 118 à Ambam dans l’Est du pays, au mois d’octobre 2020. Ces données qui proviennent du Fonds mondial pour la nature (WWF) pour le Cameroun, font froid au dos.
Calculette à la main, on en arrive à 1423 défenses d’éléphant saisies de 2014 à 2020 sur le sol camerounais. Un éléphant d’Afrique ayant deux pointes d’ivoire, l’on se retrouve avec 711,5 éléphants tués par les braconniers pour leurs défenses. Les experts du WWF Cameroun craignent une évanescence de la race d’éléphants des aires protégées camerounaises. Une crainte qu’ils ont justifié devant les médias réunis à Douala les 6 et 7 mars 2022 à l’occasion de l’atelier d’information et de sensibilisation des professionnels des médias à la Nouvelle approche de la Conservation et aux piliers stratégiques du WWF Cameroun.
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«La diminution drastique des populations d’éléphants est de 75% en 5ans au Cameroun. Risque d’extinction totale de l’espèce», martèle Ernest Sumelong du WWF. Il y a de quoi paniquer, quand on apprend que la gestation d’une femelle éléphant est la plus longue de tous les mammifères terrestres. Elle dure 22 mois. Les mises bas s’espacent d’environ 4 à 7 ans et les cas de gémellité sont très rares chez une éléphante.
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Au ministère des Forêts et de la Faune, Jean Robert Onana responsable de la cellule Communication explique d’ailleurs que l’absence de données sur le braconnage ces deux dernières années n’est pas forcément bon signe. «Il y a deux hypothèses. Il peut s’agir que le combat porte ses fruits, parce qu’il y a de moins en moins les saisies. Dans un couloir comme Djoum-Nsangmélima, il y a des années où on a connu des saisies de centaines de pointes d’ivoire. Mais depuis le début de l’année 2022, il y a eu moins de dix pointes d’ivoires saisies. La deuxième hypothèse c’est qu’il peut s’agir de la rareté de la ressource. C’est-à-dire qu’on a tellement prélevé ces pointes d’ivoire qu’elles deviennent rares.»
Le combat contre le trafic d’ivoire d’éléphants est «très difficile à combattre parce qu’il implique divers acteurs à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Si on ne combat pas les intérêts économiques liés au braconnage, il sera très difficile de mettre fin au braconnage. Parlant d’intérêts économiques, il s’agit de savoir par exemple ce qu’on recherche dans le gibier», ponctue Jean Robert Onana. Et de poursuivre : «Ce n’est pas seulement la chair. La chair est un détail dans le gibier. Quels sont les espèces les plus emblématiques ciblées ? Les éléphants, les gorilles, les chimpanzés, les pangolins… Et ça va dans les pays extérieurs. Ce n’est pas au Cameroun que ça se vend. Il y a les sites de collecte et les marchés de destination de ces produits fauniques. C’est un combat qui engage les pays de destination et les pays de provenance de ces produits fauniques.» Le combat est d’autant plus ardu, quand on sait que les complices se recrutent parmi les forces de maintien de l’ordre, les villageois, les autorités administratives…
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L’éléphant participe à l’équilibre de la planète. «L’éléphant est le disséminateur efficace de certaines espèces telles que le Moabi. En effet la germination d’une graine de Moabi ne peut avoir lieu que si elle passe par le tube digestif d’un éléphant, lequel sécrète certaines enzymes qui ont pour effet de lever la dormance de la graine», rappelle le WWF Cameroun.
Parmi les autres produits fauniques objets de trafic, on compte : les peaux de félins (panthère et lion) ; les primates vivants (chimpanzés, mandrills, drills etc.) comme animaux de compagnie, ou morts, à des fins de consommation ou pour des rites ; les autres produits de l’éléphant (queue, crâne, mâchoire etc.) ; les perroquets gris à queue rouge ; les carapaces de tortues…
Valgadine TONGA