Dans cette interview, le président du Nouveau mouvement populaire revient sur les grandes lignes du 6ème Congrès panafricaniste. Le panafricaniste Banda Kani dresse également le bilan du mouvement panafricaniste.
LVDK : Quels étaient les enjeux de ce 6ème Congrès panafricaniste ?
L’enjeu est de hisser le panafricanisme à un autre niveau de réalisation. Les congrès précédents ont structuré la fondation théorique, idéologique, stratégique et géopolitique du panafricanisme. Ça a charrié un long mouvement historique de combat dont les résultats sont l’indépendance, la décolonisation, fut-elle formelle, et aussi des tentatives plus ou moins réussies de consolidation des indépendances à travers des structures telles que l’Union Africaine et dans une certaine mesure des dynamiques sous régionales. Toutes ces dynamiques ne sont pas à mesure de parachever la libération du continent africain de la dépendance corollaire de l’impérialisme. Le 6ème congrès arrive à point pour capitaliser sur les combats précédents que nous avons engagés pour hisser le panafricanisme au niveau supérieur pour la libération effective et définitive du continent.
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LVDK : Quel est le bilan dressez-vous de ce combat ?
D’ailleurs, les conditions géopolitiques du monde s’y prêtent. Il était question de s’arrêter et d’évaluer le chemin parcouru, jusqu’à ce niveau ; évaluer les forces et faiblesses de notre mouvement ; de dégager les lignes directrices majeures pour les défis à venir. Il est aussi question de suivre particulièrement et de manière plus intelligente, plus organisée et plus affirmée les processus en cours au Mali, en Rca, au Cameroun en Ethiopie pour que ces processus ne se retournent pas contre eux-mêmes. Mais qu’ils aillent au bout de leur processus. Il est aussi question de la libération effective du Mali, de la Centrafrique, du Tchad, le Burkina Faso. Ce sont les épicentres du panafricanisme dont les succès vont rendre irréversibles la dynamique panafricaniste qui est la seule voie qui puisse permettre la libération du continent africain. Il va falloir voir comment créer les conditions de l’unité au sein du combat panafricaniste. Il y a plusieurs courants qui revendiquent la prééminence de la promotion des intérêts de l’Afrique et du noir en particulier. Renforcer le front du combat panafricaniste où tous les Africains seront unis pour relever le continent et même le genre humain. Il ne faut pas oublier que l’Afrique est le berceau de l’humanité. Ce qui donne à l’Afrique une responsabilité particulière vis-à-vis du genre humain. Voilà toute la problématique prise dans son ensemble lors de ce 6ème congrès.
LVDK : Vous avez introduit pour la première fois la journée de la performance économique, qu’est ce qui justifie ce choix ?
Le panafricanisme risque d’être confiné à une dynamique idéologique et de ce fait s’éloignerait des réalités concrètes qui structurent la vie de tous les jours. Nous avons voulu montrer par-là qu’il n’y pas de panafricanisme sans prise en charge des enjeux économiques du continent. Et quoi de mieux que de magnifier les performances de certaines structures parapubliques, dans un monde qui a fait croire aux Africains que c’est le secteur privé qui peut développer un pays. Mais, on voit très bien les limites du secteur privé. Il faut une synergie entre le secteur privé et le secteur parapublique pour déclencher de manière irréversible le décollage du continent. Les panafricanistes ont la responsabilité de penser l’économie du continent. C’est tout le sens de cette journée de la performance économique. Il y a les entreprises parapubliques qui se sont distinguées par leurs performances. Il s’agit notamment du Port autonome de Douala et de la Cnps. Il y en a certainement bien d’autres. Dans ce marécage ou la médiocrité, la corruption, la mal gouvernance ont souvent prévalu, salissant l’image du secteur parapublique. Il est temps de valoriser les entreprises parapubliques. Pour montrer qu’il y des managers capables de bien gérer. Préparer aussi le futur où des champions économiques vont émerger pour que nos pays aient le contrôle de leur équilibre économique.
LVDK : Vous semblez prôner le panafricanisme qui tourne le dos à la France, mais qui fait la part belle à la Russie. La Russie n’est-elle pas aussi une force d’occupation en Afrique ?
C’est une erreur. Le panafricanisme ne s’oppose pas à un Etat. Il s’oppose à l’impérialisme. Il s’oppose à l’occupation du continent. L’Afrique est occupée. Il existe des bases militaires partout en Afrique, il y a des forces économiques qui occupent l’Afrique. Faut-il se taire devant tout cela. Nous disons non. Les Etats qui assimilent le panafricanisme à un anti-étatisme vis-à-vis de certains Etats, nous voulons leur poser quelques questions. La France était-elle contre l’Allemagne quand elle s’opposait au Nazi? Il faut s’élever au-dessus de discours pour aborder les questions de fond. La Russie n’est pas une force d’occupation.
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Elle n’a jamais colonisé un pays, elle n’a pas de bases militaire partout en Afrique. Les Africains ont le droit de diversifier leurs partenariats. Ces pays qui nous accusent d’être des pro-Russe, ont des rapports très avancés avec la Russie. Les Américains achètent du blé russe, ils s’entendent très bien avec la France. Les entreprises russes ont créé près de 200.000 emplois en France. Au nom de quoi les occidentaux devraient-ils nous dicter le choix de nos partenaires ? Le panafricanisme est en première ligne pour dénoncer cela. Le monde du 21ème siècle c’est la rencontre des civilisations, c’est la fraternité, ce sont des relations qu’il faut construire.
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Propos recueillis par Blanchard BIHEL