Le management est l’une des bêtes noires de la Pme au Cameroun, car à l’observation, bon nombres d’entre elles sont gérées à la petite semaine, pire que l’épicerie du malien dans le coin du quartier. D’abord, la gestion de la ressource humaine n’est pas loin de l’esclavage, et c’est ainsi que le rythme de rotation des employés est insoutenable.

Il y a des promoteurs qui ont une nouvelle secrétaire chaque semaine. Il n’est pas rare qu’il arrive un matin au bureau, appelle un employé et lui demande juste de prendre ses affaires et quitter, sans autre préavis, comme un malpropre. Parfois il s’agit comme cela de celui qui a travaillé à mettre l’entreprise sur pieds, en suivant toutes les formalités administratives, les travaux d’aménagement, l’installation d’électricité, d’eau de téléphone, d’internet et autres. Ce genre de décision est ainsi prise au mépris de la loi, et pour peu que l’employé ainsi viré soit courageux et déterminé à revendiquer ses droits, il attrait l’employeur en justice pour revendiquer, et la jeune Pme, qui n’a pas de conseil juridique, va perdre un temps fou et de l’argent dans les procès inutiles, dont elle aurait bien pu se passer. La productivité et la réputation de la structure en prend un coup d’emblée.
Il n’est pas inutile de rappeler que d’après le code du Travail en vigueur au Cameroun, le licenciement d’un employé, même un chauffeur, est encadré par un certain nombre de disposition préalable comme la demande d’explication, l’observation, le blâme, la mise à pieds avant le licenciement. Par ignorance et parfois par orgueil, le promoteur de la Pme croit souvent que parce qu’il a consentit un investissement, cela le place au-dessus de la loi, et il peut traiter les employés comme des moins que rien. Il est d’ailleurs lui-même le Pca, le Pdg, le Dg, le directeur des ressources humaines, le directeur de toutes les ressources, pour faire court. Il oublie qu’avec cela il ne peut pas être productif. Pourtant, tous les économistes sont d’avis que la ressource humaine est le premier capital d’une entreprise, du moment où si un promoteur investit même des milliards de Francs Cfa, s’il n’a pas de la ressource humaine pour faire fonctionner la structure, cet investissement peut facilement tomber dans l’eau. En plus, une entreprise qui change de personnel tous les mois perd en crédibilité et ne peut être prise au sérieux.
Gestion de la ressource financière
L’autre bête noire de la Pme au Cameroun est la gestion de la ressource financière. La plus part du temps, la Pme se résume à la personne du promoteur. Il est le caissier, le comptable, l’ordonnateur des dépenses, le responsable d’achat…Au lancement de la structure, dès qu’il gagne un premier marché, avec la chance que le donneur d’ordre lui donne une avance de démarrage, le reflexe est d’acheter une voiture ou d’effectuer une dépense de luxe sans lien avec l’exécution du projet. L’un des facteurs pointé du doigt est le niveau d’instruction des promoteurs, généralement en deçà des études secondaires. Dans une étude du Gicam publiée, au cours de la première édition de l’Université du Gicam tenue à Douala du 1er au 3 juin 2012, environ 44% de nos hommes d’affaires n’ont fait que le cycle primaire dans leurs études, 14% de chefs d’entreprises ne sont pas diplômés. Même comme d’autres études plus récentes montrent que les entrepreneurs sont de plus en plus scolarisés, comparés aux premières décennies de la souveraineté du pays : 47% d’entre eux ont suivi des études supérieures; 49% des études secondaires; et seulement 4% avouent avoir achevé les études au niveau primaire.
Nous ne disons pas que le niveau d’instruction élevé est une condition siné qua none pour réussir en affaires, puisque des exemples nous prouvent le contraire. Victor Fotso, Joseph Kadji Defosso, André Sohaing,sont devenus de redoutables hommes d’affaires sans avoir les diplômes. Nous disons simplement que les promoteurs qui ont le sens des affaires, mais qui ont des limites dans certains domaines devraient s’entourer d’une ressource humaines qualifiées pour faire fructifier leurs entreprises. Ce n’est pas le sens des affaires qui ira faire une déclaration d’impôt ou un bilan comptable, pour citer juste un cas, surtout dans un monde de plus en plus évolué et de plus en plus exigeant. C’est d’ailleurs ce que les modèles cités plus haut ont compris, quand leurs affaires ont commencé à prendre de l’ampleur, jusqu’au moment où ils ont pu bénéficier de crédits bancaires, ils se sont entourés de l’expertise nécessaire pour gérer la complexité que trainait avec eux ces nouveaux engagements.
Et même en matière de gestion, cette vielle génération a beaucoup à donner comme exemple, au-delà de l’ardeur au travail, le refus de la vie facile, le sens ou le goût de l’épargne. Nos jeunes promoteurs commettent des fautes de gestion par amour pour la vie facile et le désir de vite arriver. Et c’est ici l’occasion de faire appel à Feu Françoise Foning, qui aligne tout de même aussi dans son Cv le titre de Présidente mondiale des Femmes chef d’entreprises. Elle s’adressait souvent aux jeunes dans un langage qui lui était propre mais avec un sens profond en ces termes : « Il ne faut pas chercher à tomber riche trop brusque.»
Roland TSAPI, Journaliste