A travers un communiqué signé du Bâtonnier, Patie Charles Tchakounte et 12 de ses confrères hier samedi 30 août 2019, à l’issue d’une rencontre à leur siège à Yaoundé, les avocats se plaignent du non accès de ces derniers à leurs clients dans les lieux de détention, la violation des droits de la défense dans les tribunaux et la récurrence des violences physiques.
Accusés, levez-vous ! Habitués à défendre des clients à la barre, les avocats font cette fois, le procès de l’Etat ou d’une Justice malade. Les «robes noires » sont en colère et tiennent à le faire savoir…A qui de droit. Et pour manifester leur courroux, ils font mieux qu’un réquisitoire classique souvent foulé au pied par les patrons de l’appareil judiciaire, très souvent considérés comme des interlocuteurs qui font la sourde oreille. En effet, ils ont décidé qu’à partir du 16 jusqu’au 20 septembre 2019, ils vont procéder à la « suspension du port de la robe et de la non fréquentation des cours et des tribunaux sur toute l’étendue du territoire ». Les hommes de droit ne comptent pas du tout s’arrêter en si bon chemin.
Si au terme de cette période de grève, ils jugent de l’opportunité d’aller encore un peu plus loin, dans ce cas-là « d’autres mesures pourraient être prises ». La décision ayant une portée nationale, le bâtonnier invite ses représentants territorialement compétents à « veiller à l’exécution de la présente résolution ». Dans le document commis à cet effet, il est bien précisé que c’est « après avoir passé en revue les points qui entravent le libre exercice de la profession d’avocat et les atteintes physiques contre eux », qu’ils en sont arrivés à cette décision. Les griefs se bousculent au portillon.
Obtention des aveux par la torture
Il y a que, « très souvent le libre accès des avocats à leurs clients dans leurs lieux de détention (Secrétariat d’Etat à la Défense, Commissariats de police, Brigade de gendarmerie et prisons) leur est refusé », il y a que « les droits de la défense consacrés par les lois et traités internationaux ratifiés par le Cameroun, sont de manière récurrente violés tant à la phase d’enquête préliminaire qu’à celles d’instructions de jugement, notamment : l’audition et conduite des débats dans les langues autres que celles des personnes poursuivies, la comparution des détenus aux audiences publiques, l’obtention des aveux par la torture et le dol, la détention illégalement prolongée, la transformation illégale des gardes à vue judiciaires en garde à vue administratives, les situations de maintien abusif en détention malgré les décisions de mise en liberté, la non réponse à certaines des enquêtes des avocats, refus de délivrer des décharges, laissant traces écrites de correspondances ».
Ils font aussi mention de « l’exigence des frais de justice abusifs, notamment la consignation aux taux disparates et illégaux ainsi que les frais de transports judiciaires exorbitants », de « l’accaparement des dossiers par certains chefs de juridictions (tribunaux et cours), créant ainsi un engorgement artificiel à l’origine des lenteurs judiciaires inacceptables ». Le bâtonnier et ses confrères ont aussi, tout en condamnant « les entraves et violences ci-dessus décrites contre les avocats », dénoncé le fait que leurs confrères « continuent d’être l’objet d’interpellations et de détentions arbitraires dans l’exercice de leur ministère au sein de certaines unités de gendarmerie et de police » ou la « récurrence des violences physiques sur les avocats par les éléments de la force de l’ordre ». Chaud devant !
Daniel NDING