Le Haut-commissariat du Canada au Cameroun a lancé, mardi 8 mai 2018, le concept Educ-forum, dont le but est de promouvoir l’entreprenariat féminin. Il s’agit de promouvoir un nouveau profil féminin auprès des jeunes scolaire et universitaire féminines. Ce projet sera implémenté dès octobre 2018 et contribuera à nouer le partenariat entre des universités camerounaises et des universités canadiennes. Seulement, dans un contexte social où les barrières culturelles sont de mise et où les clichés sexistes sont enfouis dans la conscience collective, un tel projet porteur d’intérêt risque de se frotter à certaines pesanteurs.

La première pesanteur d’un projet d’une telle essence est d’ordre culturel. En effet, en dépit de l’avènement de la modernité des mentalités consacrée à la faveur de l’émergence d’un discours juridique libéral, la société camerounaise contemporaine est happée, jusqu’à présent, par le socle des obstacles socioculturels. Les croyances ancestrales, les stéréotypes sexistes, les représentations sociales et les courants culturels conservateurs sont, entre autres, des déterminants sociaux et culturels qui sont susceptibles d’entraver le mode opératoire de l’entreprenariat féminin. Une telle initiative est, sans conteste, innovante et porteuse d’espoir au regard des opportunités d’acquisition du pouvoir entrepreneurial offertes à la gent féminine. Un tel projet est digne d’intérêt vu la détermination à mettre en vitrine le processus d’empowerment féminin, lequel se résume à l’autonomisation de l’être femme. Un tel projet est, en outre, une polarisation de création d’un nouveau schéma mental féminin dont le dessein, à long terme, consiste à s’affranchir des sentiers battus de la perception stéréotypée des femmes. Le quadruple statut de femme-mère, de femme-épouse, de femme au foyer et de femme éducatrice est si ancré dans les mentalités populaires en zones urbaines et surtout rurales que l’on opère illico presto, un questionnement autour de l’ancrage de l’entreprenariat féminin.
Au regard de la permanente confrontation de la tradition à la modernité, de l’urbanité à la ruralité, l’implémentation du paradigme de l’entreprenariat féminin va, à coup sûr, rencontrer un construit mental enclin au conservatisme culturel endogène, dont l’enjeu est la pérennisation de l’ancien type idéal de femme confinée dans le microcosme domestique que l’imaginaire collectif appelle le cocon familial. L’instance de socialisation de base étant le circuit d’éducation des garçons et des filles à la construction de la différence biologique, œuvrer à la promotion de l’inversion du genre dans le contexte social contemporain présente, dans la même veine, un écueil épistémologique lié à la prédominance des modèles éducatifs classiques. Il s’agit des schémas éducatifs imprégnés de l’idéologie coloniale, dont le dessein est de prédisposer la progéniture scolaire et universitaire à des profils d’emploi bureaucratique. La fonction publique étant, par exemple, le canevas régulateur de l’intégration socioprofessionnelle des jeunesses scolaire et académique issues des écoles de formation : l’Enam (École nationale d’administration et magistrature), l’Ens (École normale supérieure), l’Ensp (École nationale supérieure de police), l’Iric (Institut des relations internationales du Cameroun), entre autres. Véhiculer et ancrer donc l’entreprenariat féminin au Cameroun est, certes, un projet catalyseur d’opportunités socioprofessionnelles, mais encore faut-il combattre les pesanteurs mentales, fruit des siècles de domination des modèles éducatifs traditionnels difficiles à être en adéquation avec le processus de la modernisation et de l’urbanisation des mentalités.
Serge Aimé BIKOI