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Economie : quand les impôts jouent avec le patronat

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La guerre éternelle entre les impôts et les opérateurs économique connait une nouvelle phase, avec le patronat qui accuse le directeur des impôts de jouer contre l’économie et ramer à contre-courant de la volonté présidentielle. Mais au fond les deux parties se connaissent bien, dans marché de dupes où personne ne veut se laisser duper.

Le Groupement patronal du Cameroun, le Gicam a adressé en date du 16 janvier 2020 une correspondance au Président de la République, avec en objet « rupture consommée des relations entre le Directeur des impôts et les grandes entreprises. » Le président du Gicam Célestin Tawamba, dans un ton particulièrement dur,  égraine un chapelet d’au moins 7 accusations contre le directeur des Impôts, Modeste Mopa Fatoing. Il s’agit de « sa relation avec les entreprises et les organisations qui les représentent,  sa vision et sa pratique de l’administration fiscale, son inaptitude à dialoguer et à faire face à la contradiction, le climat délétère qu’il a instauré à la Direction général des Impôts qui a entrainé le départ de hauts cadres compétents vers d’autres cieux,  le refus de délivrer des documents administratifs qui a entraîné des retards considérables dans la réalisation des investissements, son incapacité à concevoir une politique fiscale à court et moyen termes de nature à impulser la croissance tout en assurant un niveau appréciable de recettes à l’État, sa méconnaissance de la réalité de l’entreprise ».

D’après le Gicam, l’on assiste dans l’ensemble  à un acharnement particulier du directeur des Impôts qui procède à des contrôles ciblés et des redressements démesurés qui s’apparentent à un règlement de compte. Résultat immédiat, « les faillites et fermetures d’entreprises se multiplient et le secteur informel n’a de cesse de proliférer, parfois par le biais d’entreprises sortant du secteur formel. » Dans le même temps, toujours d’après le Gicam, le pays dégringole dans le tableau de divers instituts et agences de notation, entrainant la baisse des investissements directs à étrangers. Pour simplifier, les patrons sont en train de dire qu’à cause des impôts, les entreprises normalement constituées ferment progressivement les portes pour rentrer dans la clandestinité, que les grands commerçants sont en train de fermer les boutiques pour devenir des vendeurs à la sauvette, quittant ainsi le secteur formel où ils étaient identifiables pour le secteur informel où ils ne sont pas connus.

Lire aussi :Corruption : l’Etat spolié au profit du privé

Guerre permanente

Cette sortie du Gicam vient contredire le président de la République, qui dans son message à la nation le 31 décembre 2019, affirmait qu’ « en ce qui concerne la croissance de notre économie, je crois pouvoir dire qu’elle évolue de façon plutôt satisfaisante, même si elle reste contrariée par, entre autres, un contexte international incertain. » Entre le discours politique et la réalité du terrain, on constate qu’il y là un fossé, que personne ne peut contester. Qui mieux que le Gicam peut en effet dire quel est l’état de l’économie au Cameroun ? Le patronat, dans le fond met sur la place publique  de manière officielle et formelle, ce qui se dit tout bas dans le monde des affaires. Au Cameroun, les impôts restent le service le plus détesté de l’Etat, non seulement parce qu’on doit y payer de l’argent -et par reflexe le Camerounais n’aime pas se mettre en règle- mais aussi à cause du flou qui entoure les différents produits facturés par les impôts.

Dans un marché par exemple, une entreprise ou une industrie, personne ne peut dire de façon spontanée  ce qu’il paye aux impôts chaque année. Pour les commerçants, les petites et moyennes entreprises, la situation est plus floue et compliquée, car entre les services de la commune et des impôts, ils ne savent pas souvent ce qu’ils payent et à qui. C’est ce qui explique en partie  pourquoi les rues et les chaussées sont envahies par les commerçants qui refusent d’occuper les rares boutiques construites dans certains marchés, préférant pêcher dans les eaux troubles de l’informel où tout le monde se débrouille. Bien évidemment dans ces conditions aucune économie ne peut se structurer et devenir compétitive. Le patronat attire donc l’attention du président de la République sur la gravité de la situation, tout en le prévenant de ce que les opérateurs économiques ne pourraient pas s’accommoder plus longtemps de ces blocages et impasses,  sans courir le risque d’affaiblir durablement les entreprises et l’investissement au Cameroun, et partant, l’économie toute entière.

Je t’aime moi non plus

Paul Biya, à qui la correspondance est adressée, prendra certainement la mesure de la situation. Mais est-elle si grave que cela ?  Il serait pessimiste et contre-productif de le dire, dans un contexte où la jeunesse a besoin de rêver. Limoger le directeur des impôts comme le susurrent certains, ne serait pas une solution, car la guerre entre les opérateurs économiques et les impôts va au-delà des simples personnes, et est faite de contours insondables et des écheveaux difficiles à démêler. Dans le monde des affaires, certains s’accordent à dire que Modeste Mopa Fatoing a fait des efforts depuis qu’il est en poste, pour dénicher les circuits de fraude dans lesquels s’engraissaient  agents des impôts et hommes d’affaires véreux, au détriment des caisses de l’Etat. Cela peut légitimement attirer de l’inimitié, et c’est le lieu de relativiser les accusations acerbes du patronat. Les impôts et les affaires entretiennent en effet une relation semblable à celle qui existe entre la langue et les dents, l’une ne peut faire sans les autres et vice versa. Ils passent le temps à se chamailler mais finissent toujours par s’entendre, toujours au gré de leurs intérêts et plus souvent sur le dos des populations. Cette sortie n’est donc qu’une étape de plus dans cette guerre sempiternelle, dans laquelle les populations constituent les victimes collatérales, pendant que les prétendus ennemis dînent  ensemble…chaque soir.

Roland TSAPI

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