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Dr. Jean-Marie Biada : «Vous n’êtes pas concernés par cette taxation  de 0,2% pour envoi et retrait d’argent»

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Depuis le 1er janvier 2022, l’espace public est dominé par ce débat sur la taxation à hauteur 0,2% sur les envois d’argent par mobile money. Dans cet entretien, l’économiste Dr. Jean-Marie Biada, expert en fiscalité et expert formateur certifié Onudi en Diagnostic  et mise à niveau des entreprises délivre les clés de compréhension de cette nouvelle taxation qui fait couler beaucoup d’encre et de salive et qui au demeurant s’avère bien plus complexe qu’elle ne parait.  

LVDK : L’Etat a institué dans la loi des Finances 2022, une taxe sur l’envoi d’argent par les mobile money en plus de la taxe sur les retraits. Elle fait couler beaucoup d’encre. Quel est le bien-fondé de cette nouvelle taxation ?

La loi des Finances qui est entrée en vigueur au Cameroun depuis le 1er janvier 2022, a institué la taxation de tout ce qui est envoi et retrait d’argent via les réseaux de communication électronique. Cependant, il y a quelques exceptions sur lesquelles les gens ne mettent pas l’accent. Il faut savoir que, si vous passez par le réseau mobile money pour payer par exemple une facture chez un opérateur notamment un fournisseur d’utilité que nous avons chez nous, l’eau, l’électricité, les assurances, les supermarchés, si vous voulez payer par un compte marchand, vous n’êtes pas concernés par cette taxation  de 0,2% pour envoi et 0,2% pour retrait. Ce qui veut dire que si  j’entre dans un supermarché pour faire mes emplettes ou si je vais dans une station-service pour  consommer de l’essence et que je veux payer par Orange Money, Mtn money ou Yup, je n’ai pas à supporter les 0,2%, parce que j’envoie de l’argent dans un compte marchand. Il fallait faire cette précision parce tout le monde parle de ces 0,2% sans parler de ces exceptions. C’est tout ce qui est opération du genre, j’envoie de l’argent à quelqu’un, à la famille ou à un ami qui sont astreintes au paiement de  ces 0,2% de taxe pour envoi et 0,2% de taxe pour retrait. Ce matin (mardi, 4 janvier 2022 ndlr) un document a été commenté sur internet disant qu’il est normal de taxer le capital. Que cela se fait dans tous les pays du monde. Oui, on taxe le capital. Mais pas seulement le capital. On taxe le capital, on taxe la consommation et on taxe l’activité.

Lire aussi :Dévaluation du Fcfa : le Fmi fait pression, la Cemac rejette 

LVDK : Parlez-nous des types d’impôts …

À titre de rappel pour vos lecteurs, il existe trois grandes familles d’impôts : l’impôt sur la consommation, exemple la Tva ; la taxe sur la publicité, exemple la taxe de 0,2% qu’on vient d’instituer. Si je consomme le service d’envoi d’argent par le réseau de communication électronique. Je paie parce que j’ai utilisé leur réseau. Si je vais à pied remettre cet argent  à quelqu’un à Bonanjo, il recevra cet argent sans avoir à payer ces 0,2%.  Donc si une infrastructure a été mise en place pour faciliter les transactions, si vous voulez l’utiliser, vous allez la payer. Deuxième famille des impôts, l’impôt sur l’activité. J’exerce une activité en tant que personne physique, je paye l’impôt sur le revenu des personnes physiques (Irpp) ; j’exerce la même activité en tant que personne morale, c’est-à-dire une entreprise, je suis tenu de payer l’impôt sur les sociétés, (Is). Donc l’Irpp et l’Is relève de la famille de l’impôt sur l’activité. Et enfin,  la troisième famille, c’est l’impôt sur le revenu. Par exemple, il y a une société qui a ouvert son capital tout récemment. Lorsque vous achetez une action, vous devenez copropriétaire de l’entreprise. À la fin de l’année, si l’entreprise a réalisé un profit, ce profit peut avoir trois destinations. Premièrement, on le met en réserve: réserve obligatoire, réserve légale ou réserve statutaire, l’Etat ne met pas l’œil dessus. Deuxièmement, on peut réinvestir ce profit ailleurs, l’Etat ne regarde pas. Par contre si on partage ce profit entre les propriétaires ou copropriétaires de cette entreprise que sont  les actionnaires à travers les dividendes, l’Etat demandera à percevoir 16,5% par dividende perçu à titre d’impôt sur le revenu des capitaux mobiliers.

Lire aussi :Jean-Marie Biada : «En l’état actuel, le Conseil économique et social ne sert à rien» 

LVDK : Il existe déjà une taxe sur les envois. Est-ce que cette deuxième taxe n’est pas une double taxation ?

Lorsqu’on vous envoie de l’argent, vous allez prendre cet argent, c’est un revenu que  vous gagnez. Pour cela, l’Etat demande de lui reverser 0,2%. Les 0,2% que je paye pour taxe de retrait d’argent via le canal du réseau de communication électronique vient augmenter la famille des impôts sur le revenu. Ce n’est pas une double taxation. Les premiers 0,2% que vous payez pour l’envoie constitue un impôt sur la consommation. Parce que j’ai utilisé un service qui est le réseau de communication électronique de Mtn, Orange, Camtel, ou de la banque. Lorsque je veux regarder une émission chez un opérateur de câblodistribution, je paye. En résumé, les premiers 0,2% pour l’envoi représente l’impôt sur la consommation alors que les 0,2% de retrait représentent plutôt un impôt sur le revenu. Donc, ces deux-là n’ont pas la même nature juridique, ni économique ni fiscale.

Depuis le 1er janvier 2022, l’espace public est dominé par ce débat sur la taxation à hauteur 0,2% sur les envois d’argent par mobile money. Dans cet entretien, l’économiste Dr. Jean-Marie Biada, expert en fiscalité et expert formateur certifié Onudi en Diagnostic  et mise à niveau des entreprises délivre les clés de compréhension de cette nouvelle taxation

LVDK : Des voix indiquent que cette taxe va beaucoup plus pénaliser les pauvres consommateurs ?

Je voudrais dire qu’entre le 1er janvier 2020 et le 31 janvier 2020, le montant des transactions consolidées s’élevait à 12 voire 13.000 milliards. Pensez-vous que ce sont les pauvres qui ont fait cela ? (rire), je ne crois pas. En fait, lorsqu’on parle d’un impôt sur la consommation, c’est qu’on recherche l’équité fiscale. Celui qui consomme plus, paie plus. Si c’est le pauvre qui utilise plus ce service, c’est normal qu’il le paye. Ce que vous devez dire à vos lecteurs est que, lorsqu’il y a un  impôt sur la consommation, c’est celui qui consomme le plus qui paie le plus. Et même, si on va du côté de l’impôt sur le revenu, c’est celui qui gagne le plus qui paie le plus.

 LVDK : Quelle est la valeur de cette taxe par rapport à toutes les taxes qui existent au Cameroun ?

J’ai cité un ensemble de taxes. Par exemple, la Tva. Son taux est de 19,25% ; l’Is avec son taux qui est de 16,5%, et avant c’était de 38% ; le taux de droit commun aujourd’hui est de 33% ; les centimes additionnels communaux, c’est 10% ; la taxe sur la publicité c’est 3%. Le taux d’imposition le plus bas que le Cameroun ait eu à inscrire jusqu’ici dans son code général des impôts, c’est cette taxe sur l’utilisation des réseaux de communication électronique en matière d’envoi ou de réception de l’argent.

Lire aussi :Cameroun : Comment la Covid 19 a permis à l’Etat d’économiser 

LVDK : À vous entendre, il faut maintenir cette taxe ?

L’Etat a besoin d’argent. Ne l’oubliez pas, depuis 2016, le Cameroun est rentré sous-programme d’ajustement structurel avec le Fonds monétaire international. L’Etat a bénéficié de 326 milliards Fcfa au mois de mai 2021 dans le cadre  de ce qu’on a appelé la deuxième Facilité élargie de crédit. C’est ce qui fait en sorte qu’on élargit l’assiette fiscale. On recherche de nouvelles niches fiscales. Comprenez que, c’est parce que nous sommes sous-programme avec le Fmi, que désormais, on ira regarder dans les activités qui hier étaient négligées. Les opérations qui, hier étaient regardées à rebours ; qui se faisaient sans que l’Etat ne s’y intéresse, cette fois on regardera de très près s’il faut les fiscaliser parce qu’en fait, ce n’est qu’à cette seule  condition que le Fmi va accepter d’être avec nous. Le Fmi veut se rassurer que l’argent qu’il met à ta disposition, tu es capable de le rembourser. Si tu peux rembourser, il reste avec toi. Si tu ne peux pas rembourser, en ce moment il durcit ce qu’on appelle les conditionnalités. En demandant de privatiser telle ou telle autre entreprise. Or, nous avons déjà expérimenté le goût extrêmement amer des privatisations qui ont été un désastre pour nous. Aucune privatisation ne s’est bien dénouée chez nous. On a vu des opérations de privatisations où l’Etat était encore obligé de subventionner l’entreprise privatisée. Pour éviter que le Fmi nous impose à nouveau ces privatisations-là, l’Etat est obligé d’aller chercher un peu,  parce que c’est 0,2%. C’est-à-dire que sur 1000 Fcfa, l’Etat vous demande 2 Fcfa. Sur 10.000 Fcfa l’Etat demande 20 Fcfa. Sur 100.000 Fcfa, l’Etat demande 200 Fcfa, donc ce n’est vraiment pas astronomique. Lorsqu’on regarde certains frais qui étaient déjà prélevés par certains opérateurs, ils étaient largement supérieurs à 0,2% de frais de transfert. Si vous voulez transférer 500.000 par exemple, ce que vous donniez à ces opérateurs dépassaient largement les 0,2%.

Lire aussi :Classement : Mtn Group, première entreprise africaine 

LVDK : Est-ce que l’Etat ne pouvait pas plutôt faire payer ces opérateurs qui semblent réaliser de grosses marges de bénéfices ?

Si on fait payer les opérateurs, ils vont vous répercuter cela d’une manière ou d’une autre. Lorsque vous mettez des taxes au début ou alors tout au long du processus de fabrication d’un produit ou d’un service, le producteur, l’industriel, le fabricant, reste tranquille et à la fin il sort ce qu’on appelle la structure de coûts de son produit. Depuis la matière première, jusqu’au produit fini. L’opérateur va alors ajouter les impôts dessus et sa marge de bénéfice pour facturer cela au client final. Bref, même si l’Etat avait plutôt facturé ces opérateurs qui paient déjà, ces opérateurs nous l’auraient fait payer.  Pour  envoyer 70.000 Fcfa, ils te facturent 1300 Fcfa. Ces 1300 Fcfa à la fin représentent leur chiffre d’affaires et l’Etat venait enlever 19,25% à titre d’impôt sur la consommation. Vous voyez combien l’Etat leur demande. Alors que chez nous, l’Etat demande 0,2%. C’est-à-dire que  sur 1000 Fcfa que l’Etat enlève 2 Fcfa, l’Etat est allé chercher un petit canton de ressources pour pouvoir financer son budget. Et cela va attendrir le Fmi. Lorsqu’il vous voit  faire ces efforts, il est content de rester avec vous. Nous sommes sous-programme jusqu’à 2024. Lorsque j’ai fini de dire cela, la préoccupation pour nous n’est pas les 0,2%. Sur cette somme que l’Etat va prélever, que l’Etat laisse quelque chose aux opérateurs pour pouvoir arranger le réseau afin de nous procurer une bonne qualité du réseau. Quand vous voulez joindre quelqu’un, vous vous y prenez par deux ou trois fois. Vous perdez en temps,  vous perdez en argent, vous perdez en opportunité. Si ces 0,2% sont pour nous donner un réseau fiable, net, sans bug ce serait une bonne chose pour nous. J’estime pour ma part que ces 0,2%, c’est le coût que l’Etat prend pour arranger le réseau.

Entretien avec Blanchard BIHEL   

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