Il ne fait plus de doute, la mort de Monseigneur Jean-Marie Benoît Bala est un assassinat. L’information vient des prêtres eux-mêmes. Réunis en Assemblée plénière extraordinaire au siège de la Conférence Episcopale Nationale à Mvolyé, le mardi 13 juin 2017, les Evêques du Cameroun ont fait une déclaration qui précise leur position dans cette affaire.

Le point numéro 5 de cette déclaration est sans ambages. Il est écrit : « La mort tragique de Mgr Jean Marie Benoît BALA a choqué et bouleversé le Peuple de Dieu, tous les Camerounais et l’opinion internationale. Compte tenu des premiers constats, Nous, Evêques du Cameroun, affirmons que Mgr Jean Marie Benoît BALA ne s’est pas suicidé ; il a été brutalement assassiné. Voilà un meurtre de plus, et un de trop». Par la suite, les évêques disent qu’au regard d’un certains nombres d’assassinat de prêtres restés non élucidés par le passé, ils ont le sentiment que le clergé au Cameroun est particulièrement persécuté par des forces obscures et diaboliques. Et à l’Etat du Cameroun, ils « exigent que toute la lumière soit faite sur les circonstances et les mobiles de l’assassinat de Mgr Jean Marie Benoît BALA. »
Cette sortie est suffisamment musclée pour être soulignée, surtout que le clergé s’est rarement exprimé, et interpellé aussi fortement la Justice et l’Etat à la suite de l’assassinat d’un membre du clergé. Dans le passé pourtant, l’on a connu les assassinats de l’Abbé Joseph MBASSI en 1988 à Yaoundé, du Père Antony FONTEGH en 1990 à Kumbo, de Mgr Yves PLUMEY en 1991 à N’Gaoundéré, des Sœurs de Djoumen 1992, du Père Engelbert MVENG 1995 à Yaoundé pour ne citer que ceux-là. De 1988 à 1995, c’est-à-dire en 7 ans, 6 membres du clergé ont été assassinés dans des circonstances troubles, sans une réaction aussi violente. L’Eglise s’est-elle tue à cette époque-là par complicité ou par crainte ? Pourquoi n’avoir pas interpellé l’Etat en ce moment, alors qu’à côté des prélats, beaucoup d’autres Camerounais ont perdu la vie à cause des remous sociaux et politiques que connaissait le pays ? Cette période correspond en effet à celle des mouvements estudiantins à travers le Parlement en 89/ 90, la naissance du Sdf dans la douleur en 91, les premières élections pluralistes de 1992, la tripartite qui a accouché de la Constitution de 96 qui prolongeait le mandat présidentiel de 5 à 7 ans et le limitait à 2. Durant cette période, l’Eglise auprès de laquelle le faible part chercher du réconfort ne s’est pas fait entendre de la sorte. La Déclaration du 13 juin, dans laquelle le clergé implore l’appui des médias et des réseaux sociaux pour aider à rendre justice, est dès lors qualifiée par un journaliste chevronnée d’être mue par « un égoïsme insoutenable ».
Les réseaux de pédophilie
Il soutient sa thèse par le fait que lorsque la chaine de télévision France 2 a montré de manière univoque, que Monseigneur Atanga avait couvert des actes pédophiles dont certains prêtres étaient coupables, en les remettant à la disposition du Vatican au lieu de les dénoncer à la justice, on n’a pas entendu la Conférence épiscopale. Le documentaire montre d’ailleurs des extraits où un employé du Tribunal dit clairement qu’on ne juge pas les hommes d’Eglise, pour expliquer pourquoi les prêtres accusés n’ont pas été poursuivis, malgré les plaintes de certains parents. C’est dire qu’il a toujours existé une complicité entre l’Eglise et la justice contre le peuple. Si elle considère n’avoir rien à faire avec la justice des hommes, pourquoi demander à cette dernière d’élucider l’assassinat de Monseigneur Bala ? La thèse la plus avancée aujourd’hui pour justifier cet assassinat odieux est qu’il avait entrepris de dénoncer les réseaux de pédophilie qui avaient fait un nid dans son Diocèse. Un réseau qui devait toucher des hommes insoupçonnés, et surtout qui disposent des moyens de faire le ménage. Et ils se sont dits, quand ce sont les hommes d’Eglise nous protégeons, pourquoi dénoncer quand c’est nous.
Dans l’ensemble, cette sortie montre bien que l’Eglise est désormais impuissante devant un système ami, d’où l’inquiétude qui inspire cette réflexion : « Si nos prélats eux-mêmes se demandent s’il y a quelque chose de diabolique dans l’air que fera le fidèle dans la même situation? Il aurait pensé se tourner vers l’église.» Que l’église soit plus rassurante et plus sérieuse. Le courrier des évêques camerounais parait très laïque et demandant presque au peuple le réconfort qu’on attendait d’eux. Où est la vocation? Il fut une époque où rien que prononcer le mot « Monseigneur » était déjà mystique. Voilà aujourd’hui qu’une assemblée de « Monseigneur » donne l’impression d’être sans solution face à un problème récurrent et plutôt simple à résoudre.Aujourd’hui, ils sont victimes de leur comportement. Tant qu’ils ne procèderont pas à une véritable introspection, ils continueront à s’enfoncer dans l’impopularité, l’église catholique avec eux.
Roland TSAPI, Journaliste