Disposant d’une nature écologiquement favorable, le Cameroun pourrait couvrir ses besoins énergétiques en exploitant au maximum ses innombrables potentialités sur le plan des énergies renouvelables et réduire les dépenses colossales engagées dans la construction de nombreux barrages hydroélectriques.
Au Cameroun, pays d’Afrique Centrale, le déficit énergétique est « criard ». Et, pour pallier ce déficit, le gouvernement camerounais multiplie la mise en place des projets structurants. Lom Pangar, Memve’ele, Mekim, sont autant de barrages hydroélectriques, qui ont été ouverts. Ils ont été complétés par a centrale à gaz de Kribi. Deux accords de prêts pour la construction du barrage de Lom Pangar dans la région de l’Est, avaient été signés entre la BAD, la BDEAC et l’Etat du Cameroun, le 18 janvier 2012. Ce barrage d’une capacité de 170 MW, devait être mis en service depuis 2014. Quant au barrage de Memve’le d’une capacité de 216 MW, la mise en service était prévue entre 2016 et 2017. La centrale à gaz de Kribi, qui devait apporter une capacité additionnelle de 216 MW, devait être livrée courant premier trimestre 2013.
Toutefois, ces ouvrages ne peuvent combler le déficit énergétique de près de 50.000 mégawatt d’électricité relevé au Cameroun. En effet, malgré la réforme intervenue dans le secteur de l’électricité en 1998 et tous les efforts entrepris par les pouvoirs publics, le taux d’accès à l’électricité au Cameroun reste encore en deçà de la moyenne, soit 48%, avec des grandes disparités entre le milieu rural à 25% et 65% en milieu urbain, selon les statistiques relevés par l’ancien Ministre de l’Eau et de l’Energie, le Dr Basile Atangana Kouna, en 2017.
D’ailleurs, pour le patronat camerounais (Groupement inter-patronal du Cameroun, le déficit énergétique est en tête des facteurs qui limitent le développement optimal des entreprises au Cameroun. Selon le GICAM (Groupement interpatronal du Cameroun) : « La demande en énergie électrique des entreprises croit de 8% chaque année alors que l’offre progresse d’à peine 2% ». Toujours d’après le patronat : « Depuis 2003, les difficultés d’approvisionnement en électricité ont occasionné aux entreprises membres des pertes estimées à plus de 60 milliards de FCFA, soit plus d’un point du taux de croissance annuel du pays ».
La nature pour lutter contre les délestages
Bien plus, du fait de ce déficit les populations camerounaises broient du noir avec des délestages intempestifs. Pourtant l’offre en énergie pourrait connaitre un léger mieux, si le pays recourrait aux énergies renouvelables, (ceci au risque de ne pas être au rendez-vous de la sécurité énergétique). Mais, ces énergies (solaire, éolienne, géothermie, biomasse) sont « peu valorisées », malgré le potentiel dont dispose le pays. Selon le rapport annuel de 2010 du système d’information énergétique du Cameroun (SIE-Cameroun), l’exploitation de l’énergie éolienne au Cameroun par exemple, reste marginale. Pourtant, le Cameroun dispose d’un potentiel abondant et disponible surtout dans sa partie septentrionale. L’insolation moyenne dans la partie nord du pays est de 5,8 kWh/m2 /jour et dans la partie sud l’irradiation solaire serait de 4 kWh/m2/jour, selon une évaluation de l’Agence de régulation du secteur de l’électricité (Arsel). Pour elle, on observe une insolation moyenne de 4,9 kWh/m2/j.
En plus de son potentiel solaire, le Cameroun jouit d’un patrimoine riche de bois de chauffage. En effet, d’après les statistiques de l’inspection générale du Minee, le Cameroun dispose de 17,4 millions d’hectares de forêt dense, 1,4 million d’hectare de forêt claire et 06 millions d’hectares de savane boisée. D’après le Ministère des Forêts et de la Faune, plus de 2 millions de tonnes de bois et 375 000 tonnes de charbon de bois sont utilisées chaque année au Cameroun. Les forêts sont surexploitées et se dégradent de plus en plus, surtout autour des grandes agglomérations comme Maroua, Douala, Yaoundé, etc. Ce qui entraîne une augmentation des températures, des inondations et une perturbation du calendrier des activités agricoles. Pourtant, avec ce potentiel de bois, et avec les grandes scieries qui génèrent la sciure potentiellement sources d’énergies renouvelables, le Cameroun tient sa solution pour le déficit d’énergie. En outre, en recourant aux énergies fossiles pour faire fonctionner les barrages comme c’est le cas actuellement, le Cameroun ouvre la voie à l’intensification de l’émission des gaz à effet de serre responsable du changement climatique. Ainsi, développer les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique permettrait de produire et consommer de l’énergie de manière plus raisonnée et plus « propre » – sans émettre de pollution et sans dégrader l’environnement.
Bénéfique financier
Le potentiel en ressources naturelles énergétiques dont dispose le Cameroun est donc riche et varié, par conséquent, il serait primordial d’encourager les investissements dans ce secteur. Ceci développera la concurrence et les coûts de l’électricité pourraient-être revue à la baisse. Surtout que le marché est assez important. Selon les chiffres de l’Agence d’électrification rurale (Aer), plus de 30.000 villages à travers le pays sont sans électricité. L’Arsel précise que le taux de couverture d’électricité dans les zones rurales au Cameroun est de moins de 5%. Selon l’Arsel, l’électrification rurale nécessite un investissement de 633 milliards de Fcfa sur les 5.853 milliards de Fcfa d’investissement estimé pour l’électrification au Cameroun. Le régulateur soutient que le secteur privé serait « la solution pour booster ce secteur ».
Le recours aux énergies renouvelables sera également bénéfique sur le plan financier. En effet, en misant sur l’hydroélectricité, les barrages, le Cameroun dépense énormément en infrastructures lourdes qui nécessitent beaucoup de paperasse notamment en terme d’études d’impact environnemental et par ricochet cause des déguerpissements abusifs et sans indemnisation des populations. Pourtant, une rationalisation des différents potentiels de production de l’électricité qu’offre la nature permettrait sans aucun doute de relever le niveau de l’offre en énergie. Avec les centrales photovoltaïques, le Cameroun disposera des relais performants énergétiques et mettrais fin aux coupures d’électricité. Ainsi, au lieu de financer des centaines de milliards de FCFA pour une centrale hydroélectrique, le Cameroun pourrait utiliser ce financement pour créer une multitude de centre de production d’énergies renouvelables, comme les centrales solaires qui coûtent entre 10 et 15 milliards de FCFA.
Les énergies renouvelables coûtent donc moins chers que les générateurs au diesel ou les raccordements à un réseau instable. Mais les subventions faussent les prix et empêchent l’investissement dans les énergies renouvelables. Il faut que ces subventions soient progressivement redirigées vers les projets énergies renouvelables qui bénéficient aux plus pauvres. En outre, les énergies fossiles se raréfient et coûtent de plus en plus chers aux gouvernements qui voient leur balance commerciale de plus en plus déficitaire. Sachant que la consommation sera au moins multipliée par 10 d’ici 2030 en Afrique, la facture énergétique nationale deviendra vite insolvable. Il faut donc anticiper en investissant dès maintenant dans les énergies de demain.
L’exemple marocain peut servir
Pour réussir son envol dans les énergies renouvelables, le Cameroun peut apprendre des autres pays notamment du Maroc. En effet depuis plusieurs années, le Maroc pour avoir son indépendance énergétique (le pays dépend à 97 % de l’étranger pour son approvisionnement en énergie ndlr) et satisfaire la demande croissante (de 6 à 8 % d’augmentation annuelle des besoins en électricité depuis 1998 ndlr), a pris une décision stratégique en se tournant vers les énergies renouvelables. En 2002, 42 % de la production totale d’électricité a été assurée par les énergies renouvelables (en proportions égales entre le solaire, l’éolien et l’hydraulique).
Selon des observateurs, d’ici 2020 la consommation en énergie primaire du Maroc va doubler et celle de l’électricité tripler par rapport au niveau actuel. Pour atteindre cet objectif, le Maroc a mis en place un bouquet électrique optimisé autour de choix technologiques fiables et compétitifs comprenant le développement à grande échelle des importantes ressources nationales en énergies renouvelables, notamment le solaire, l’éolien et l’hydraulique.
Plusieurs projets dans ce secteur ont déjà été engagés. Selon le plan Solaire du Maroc, la construction de 2 GW de capacité de production en électricité solaire est prévue entre 2015 et 2019. Un ambitieux projet de production électrique d’origine solaire d’une capacité de 2.000 mégawatts, sera réalisé d’ici 2020. Le projet sera construit sur cinq ( 5) sites. Le Maroc a également lancé la réalisation d’un parc éolien à Tanger, d’une capacité de 140 MW, et d’un autre à Tarfaya, le programme de l’énergie propre et la station thermo-solaire d’Ain Béni Mathar. Avec ces projets, le Maroc a mis en valeur son potentiel éolien avec des zones où la vitesse moyenne dépasse les 11 m/s et en énergie solaire avec 3000 heures d’ensoleillement par an et une irradiation moyenne de plus de 5,3 Kwh/m2/jour.
Le Maroc pour atteindre ses objectifs, a mis en place un cadre législatif « favorable ». Ainsi, le pays a par exemple ouvert la concurrence de la production d’origine d’électricité renouvelable. Les producteurs d’énergie renouvelable peuvent avoir accès au réseau d’électricité national. L’exportation de l’électricité renouvelable peut être faite à l’aide du réseau nationale et des interconnexions.
Christelle KOUETCHA