Par Jean Ferdinand TCHOUTOUO
La Commission Nationale des Droits de l’Homme et de Libertés (CNDHL) a tenu le 9 mai dernier sa 26e session ordinaire. L’événement pour le moins anecdotique qui a marqué cette cérémonie est l’interruption de l’allocution d’ouverture du Président par le Vice-président. Certes l’on peut déplorer cette insolence, ce manque de courtoisie. Mais ce qu’il faut le plus retenir c’est cette effectivité de la contradiction, cette estocade assenée à l’unanimisme. Une illustration parfaite de la vitalité de la démocratie camerounaise.
Les oiseaux de mauvais augure décèlent les signes avant-coureurs du chaos dans chaque fait et geste. Le soleil qui s’est levé en novembre 82 serait, selon ces apprentis-sorciers, au crépuscule. Bref le régime en place à Yaoundé n’attendrait plus que le coup de grâce pour s’effondrer. Fort heureusement, par cet acte héroïque, le Vice-président du CNDHL, par ailleurs Vice-recteur dans une université de la place, a prouvé le contraire.
Tant pis si Foncha n’avait jamais contredit Ahidjo. Dommage que Etienne Poufong ou Mayi Matip ne se soient jamais opposés vertement à Tandeng Muna. Ça c’était le Cameroun d’avant. Aujourd’hui nous sommes sortis de notre « sauvagerie ». Qu’importe le rythme. Je parie que s’il avait dans son organigramme un Vice-ministre, Augustin Zéro mort aurait été désavoué. Le veinard ! Les piétinés de Bamenda en mai 1990 n’ont jamais fait l’objet d’un discours. Sinon il y aurait eu un quidam dans la salle pour répliquer. Toujours en 1990, l’effronté Célestin Monga avait osé avec son outrecuidante lettre. Il n’en est pour autant pas passé de vie à trépas.
Le secours de Madame la Professeure
Dans notre Etat de droit, havre de paix, la contradiction est rigoureusement respectée. Le dynamisme de l’opposition est proverbial. La presse foisonne de titres. L’on n’a plus besoin de prendre la route du maquis pour exprimer ses idées. Le Pr Vice-président l’a fait. Et il est libre de ses mouvements. D’ailleurs, une consœur lui a emboîté le pas : « Il faut nous consulter avant de venir prononcer un tel discours devant l’assistance », a-t-elle martelé à l’endroit du Président. Comme si pour tenir un discours, le Délégué du Gouvernement auprès de la Communauté Urbaine de Douala se sentirait l’obligation de consulter les habitants de Youpwé ou de Bépanda. Cela obligerait le Président de la République, avant de prendre la parole à la tribune des Nations Unies, à recueillir les avis des citoyens de Guider ou de Mélong.
Les militants du MRC ont défié l’autorité préfectorale. Moins d’une vingtaine d’entre eux ont été blessés de manière létale. Ils ont été internés pour la circonstance dans un hospice du côté de Yaoundé IV. Le Président de la République himself n’échappe pas à cette vague de contestation. Il y a quelques années, dans son discours de nouvel an à la nation, Paul Biya déplorait l’inertie de son administration et partant de son gouvernement. Dans sa lettre ouverte adressée au Président de la République le 22 mars 2019 et signée par Chemuta Divine Banda, le CNDHL interpelle : « Excellence, c’est parce que la CNDHL n’a jusqu’à date reçu aucune réaction suite à ces différentes correspondances qu’elle a opté pour une approche directe à travers cette lettre ouverte ». Madame la Professeure évoquée plus haut soutient le contraire : « Vous donnez l’impression qu’il y a une inaction de la part du gouvernement ». La théorie d’Herbert Marcuse de l’homme unidimensionnel s’applique parfaitement à l’« Afrique en miniature ». En dépit de la vacuité sémantique de notre refrain national « Le Cameroun c’est le Cameroun ».
Le légendaire Pr Vice-président Vice-recteur sera rentré dans l’histoire comme l’ardent défenseur des discours politiquement corrects en vigueur dans le triangle national. Il constitue à lui seul un auvent et un paravent verbal destinés à maintenir l’équilibre précaire. Le bronze pour lui est un métal suranné. Son argent actuel lui sied mal. Vivement l’or.