À la veille du Tét’Ekombo, une exposition-choc s’installe à Douala pour revisiter les origines coloniales du Cameroun. Entre mémoire blessée et récit fragmenté, dix artistes relèvent le défi de réactiver l’histoire, à partir de ses silences et de ses résistances.
Hier mercredi 6 août 2025, la maison du Ngondo sur la mythique place de la Bessèkè, a connu la conférence de presse marquant le lancement de l’exposition « Il était une fois… la naissance du Staat Kamerun 1884-1914 », événement d’envergure historique et mémorielle. Portée par une collaboration féconde entre le Musée National du Cameroun, le Goethe-Institut, la Communauté urbaine de Douala, le MARKK de Hambourg et le Ministère allemand des Affaires étrangères, l’exposition s’ouvre au public le jeudi 7 août, à la veille du Tét’Ekombo, célébration du martyre du roi Rudolf Douala Manga Bell, figure centrale de la résistance anticoloniale.
Dix artistes au service de la mémoire
Conçue comme un geste de réparation symbolique, l’exposition engage 10 artistes et commissaires d’exposition, tous investis dans un travail de restitution critique de la mémoire. À travers une scénographie par fragments, elle interroge les fondements de l’État colonial allemand et les résonances contemporaines de la domination. Cartographie, spéculation, aliénation, genres, sciences, résistances : autant de thématiques abordées pour éclairer les fractures invisibles de notre modernité.
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La Princesse Marilyne Douala Bell insiste : « Cette exposition nous aide à comprendre comment ce pays est né, comment les frontières et le système administratif ont été imposés par la violence. » Pour elle, la transmission historique à la jeunesse est cruciale afin qu’elle puisse agir en conscience. Jean-Luc, commissaire, souligne la rigueur de la recherche, la pluralité des sources et l’esthétique fragmentaire, conçue « par évocation, par couches, comme une poésie visuelle du passé ».
Entre pédagogique et politique
Loin d’un simple événement artistique, ce projet veut restaurer la souveraineté narrative du Cameroun : redonner corps aux héros effacés, restituer la parole aux peuples dominés, et éduquer les générations par l’art et l’histoire. Le choix d’inaugurer l’exposition à la veille du Tét’Ekombo n’est pas anodin. Il consacre une convergence mémorielle entre les pratiques artistiques et le devoir de mémoire, dans une ville qui fut jadis Camerounstadt, berceau de l’État colonial.
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En revisitant le passé, cette exposition rappelle que penser l’histoire, c’est aussi panser les blessures. Elle participe ainsi à ce que les organisateurs nomment un « éveil critique » — un mouvement nécessaire vers la réappropriation de soi. À Douala, dans l’écrin sacré de la Bessèkè, la mémoire reprend langue.
Cheikh Malcolm Radykhal EPANDA