C’est connu de puis ce mardi, 7 août 2018. Neuf candidats sont appelés à concourir pour la présidentielle du 7 octobre 2018. Un postulant à cette échéance électorale a désisté pour se rallier au groupe des 20 partis politiques ayant décidé de soutenir la candidature de Paul Biya, président national du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc). 18 dossiers sont rejetés pour des raisons que le conseil électoral d’Elections Cameroon (Elecam) n’a pas daigné énumérer dans la communication liminaire du président de cet organe en charge de la gestion du processus électoral. Au-delà de tout, force est de retenir six leçons de cette phase de l’avant-match de la présidentielle comparativement au scrutin antérieur de 2011.

Comparativement à l’élection présidentielle de 2011, où il y avait 52 dossiers de candidatures, et dont 23 avaient été retenus après 48 heures de huis clos, il n’y a que 28 qui ont été déposés cette année, et dont 9 ont été sélectionnés sur la base d’une critériologie définie conformément aux exigences du code électoral. Sans conteste, comme première leçon, le montant du cautionnement, qui se chiffre à 30 millions de Fcfa, est le déterminant économique majeur ayant entraîné la baisse de l’avalanche des dossiers de candidatures. En 2011, la caution requise pour candidater était une somme de 5 millions de Fcfa.
De plus, en jetant un regard holistique sur l’ossature des 9 postulants finalement retenus, il apparaît que trois barons de la scène politique reviennent chaque fois qu’il se déroule un scrutin présidentiel. Ce phénomène date de 1992, année marquée par l’avènement de la démocratisation et la libéralisation de la vie politique et, spécifiquement, par le retour au multipartisme au Cameroun. Il s’agit de Paul Biya du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), de Garga Haman Adji de l’Alliance pour la démocratie et le développement (Add) et de Adamou Ndam Njoya de l’Union démocratique du Cameroun (Udc). Seuls manquent à l’appel cette fois-ci le chairman du Social democratic front (Sdf), Jean-Jacques Ekindi du Mouvement progressiste (Mp) et Hubert Kamgang de l’Union des populations africaines (Upa). La 2ème leçon est donc relative à la présence permanente du trio des caciques de l’échiquier politique, dont deux presque octogénaires avaient offert leurs services, l’un, comme ministre de la Fonction publique, et l’autre comme ministre de l’Education nationale. Ces deux leaders opposants ont toujours perdu l’élection, soit quatre fois de suite.
Autre leçon non des moindres à retenir de cette phase de l’avant-présidentielle, c’est l’entrée des jeunes leaders dans le champ de la compétition politique pour cette échéance électorale cruciale. La singularité de ces jeunes loups aux dents longues a trait au fait qu’ils sont, pour la première fois, candidats à ce scrutin. Cabral Libii Li Ngué investi par le parti Univers et Serge Espoir Matomba, 1er secrétaire permanent du Peuple uni pour la rénovation sociale (Purs). Agé de 38 ans, le coordonnateur national du mouvement 11 millions de citoyens, qui a été séduit par Emmanuel Macron, président de la république française, est le seul candidat qui était présent au cours de la session liée à la proclamation de la liste des prétendants à la présidentielle prochaine. S.E. Matomba, 38 ans aussi, qui se frotte sur le sentier politique depuis des années avant Cabral Libii, est pourvu d’un acquis en sa faveur tant il est conseiller municipal dans la commune d’arrondissement de Douala IIème. C’est donc un élu du peuple qui envisage, cette année, de conquérir le pouvoir.
La 4ème leçon non des moindres se rapporte à la présence, pour la première fois, des figures non- négligeables, qui n’ont jamais participé à la présidentielle au Cameroun. Il s’agit de Maurice Kamto, tireur de penalty du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), Akere Muna, candidat du Front populaire pour le développement et de Joshua Osih, prétendant du Social democratic front (Sdf). Si les leaders du Mrc et du mouvement Now ont une côte de popularité repérable et indéniable, leur représentativité, dans les dix régions camerounaises, est faible vu le nombre dérisoire des élus locaux dont regorgent leurs formations politiques. En revanche, le postulant de la principale formation politique de l’opposition camerounaise jouit, individuellement, d’un acquis comme Matomba tant il est un élu local. Joshua Osih est député du Wouri depuis la publication des résultats du double scrutin législatif et municipal. Aussi le Sdf est-il la première force politique de l’opposition largement représentée dans les quatre coins du triangle national. Ces trois formations politiques sont, d’ailleurs, les plus redoutées sur l’échiquier politique national. En témoignent de nombreuses attaques dont leurs prétendants sont victimes ces derniers mois aussi bien par certains patrons de presse que par des activistes sur les réseaux sociaux.
La 5ème leçon est relative la disparition des hommes politiques spécialistes de la présidentielle. La particularité de ces acteurs politiques est relative au fait qu’ils ne se présentent que lors du déroulement du scrutin présidentiel. Sans prétention à l’exhaustivité, il est aisé de remarquer que Pierre Fritz Ngo, président du Mouvement écologique du Cameroun (Mec), Joachim Tabi Owono, président de l’Alliance pour la méritocratie et l’égalité des chances (Amec), Isaac Feuzeu, président du Mouvement pour l’émergence et le réveil citoyen (Merci) et Hubert Kamgang, président de l’Union des populations africaines (Upa) ont, tous les quatre, libéré le plancher de la présidentielle. C’est, probablement, à cause de l’élévation du montant du cautionnement à l’origine de l’effritement de ces aventuriers de la scène publique. D’ailleurs, les scores de ces leaders politiques, au regard des scrutins antérieurs, n’ont jamais débordé 0,2%. Mus par des préoccupations nombrilistes et mercantilistes, certains de ces piètres entrepreneurs politiques ont, bon gré mal gré, décidé de se rallier au groupe des 20 partis politiques, lequel soutient la candidature de Paul Biya, candidat du parti du flambeau ardent. Tabi Owono, Feuzeu et Ngo en sont des exemples.
La 6ème leçon et la dernière est l’inexistence, cette année 2018, des femmes à cette 5ème présidentielle de l’histoire politique du Cameroun. Habiba Issa, présidente nationale de l’Union des populations du Cameroun (Upc), et Genevieve Zeh Amvene, candidate indépendante, sont disqualifiées tant leurs dossiers ont été rejetés par le conseil électoral d’Elecam. Pourtant en 2011, Edith Kah Walla, présidente nationale du Cameroon people’s party (Cpp), et Esther Dang, candidate du Bloc pour la reconstruction indépendante du Cameroun (Bric), étaient les amazones de la présidentielle malgré le médiocre résultat obtenu à l’issue de cette échéance. D’ores et déjà, la seule passerelle qui s’offre à la présidente du bureau du comité directeur du parti historique, c’est celle de se rallier à la coalition gagnante des formations politiques de l’opposition camerounaise, dont la tête de proue est le tireur de penalty, qui sera face au goal keeper du pays organisateur le 7 octobre 2018.
Serge Aimé BIKOI, journaliste et Sociologue du développement