Déclaration de la Commission des droits de l’Homme du Cameroun à l’occasion de la 18e édition de la journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines
6 février 2025
Thème / Accélérer le rythme : renforcer les alliances et créer des mouvements pour mettre fin aux mutilations génitales féminines
La Commission accueille favorablement le choix, par l’Organisation des Nations Unies (ONU), du thème de la 18e édition de la _Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines_, libellé _Accélérer le rythme : renforcer les alliances et créer des mouvements pour mettre fin aux mutilations génitales féminines_, un thème qui, selon le secrétaire général des Nations Unies António GUTERRES, lors de son discours prononcé en prélude à la célébration de cette Journée en 2025, nous rappelle que les mutilations génitales féminines (MGF) sont d’ _« atroces actes de violences de genre [ et plus que ] de 230 millions de filles et de femmes actuellement en vie ont échappé à cette pratique abominable »_.
La Commission relève que, dans le prolongement du préambule de la Constitution du Cameroun du 18 janvier 1996 qui énonce que « [t] _oute personne a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale_ [ ;] _elle doit être traitée en toute circonstance avec humanité_ [et] _en aucun cas, elle ne peut être soumise à la torture, à des peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants»_, qu’en suivant l’ordre de l’énumération de la Loi fondamentale du pays, les MGF constituent une potentielle atteinte à la vie, incontestablement une atteinte grave à l’intégrité physique, une atteinte à la dignité humaine, un acte de torture et une forme de traitement cruel et dégradant.
La Commission relève qu’en juillet 2016, le Code pénal camerounais a été modifié pour y inclure une référence explicite sur les cas de « _mutilations génitales_ », spécifiquement en son article 277-1 qui prévoit qu’« [e ] _st puni_ [d’un emprisonnement de 10 à 20 ans] _celui qui procède à la mutilation de l’organe génital d’une personne, quel qu’en soit le procédé_ [ ;] _la peine est l’emprisonnement à vie_ […] _si l’auteur se livre habituellement à cette pratique_ [,] _le fait à des fins commerciales_ [ou] _si la mort de la victime en résulte_».
La Commission déplore le faible engagement du Gouvernement à éradiquer les MGF, en dépit des propos du ministre de la Promotion de la femme et de la famille (MINPROFF) qui, lors d’un point de presse à Yaoundé à – l’occasion de la _Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des MGF_ en 2024 – a déclaré que « _le Cameroun, en raison de son engagement, est fermement impliqué dans la lutte mondiale_ [contre les MGF] _et traduit son engagement en actions concrètes en prenant des mesures politiques et en établissant un cadre juridique_ [approprié pour la promotion des lois qui les condamnent et pour la protection des victimes,] _tout en soutenant_ [les organisations de la société civile (OSC) [dans leurs actions de sensibilisation des populations sur cette pratique] ».
La Commission regrette qu’en dépit des efforts déployés par l’État, ses partenaires internationaux et la société civile pour éliminer les MGF au Cameroun, un nombre encore important de filles et de femmes reste exposé à cette pratique néfaste, en particulier dans la Région de l’Extrême-Nord, précisément dans certaines communautés basées dans les Départements du Logone et Chari, du Mayo-Sava et du Mayo-Danay où cette pratique est fortement ancrée dans les _us_ et coutumes, sous le regard indifférent des agents d’application de la loi.
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La Commission relève que les initiatives visant à éradiquer les MGF au Cameroun, notamment dans la Région de l’Extrême-Nord, se heurtent à de nombreux obstacles, tels que _« l’impunité des exciseuses et leurs complices qui demeure préoccupante, au regard de la faible application des lois contre les auteurs des MGF ; il faut relever ici pour le déplorer, qu’aucune exciseuse n’a été traduite devant les juridictions compétentes pour les 17 cas de MGF recensés à l’Extrême-Nord en 2024_ ».
La Commission se félicite de ce que, sur les 220 recommandations acceptées par l’État à l’occasion de l’adoption du _Rapport du passage du Cameroun_ au 4e cycle de l’Examen périodique universel (EPU) le 26 mars 2024, cinq sont relatives aux MGF ; elles sont reproduites dans la Déclaration de la CDHC de ce jour et elles ont été ventilées par la CDHC aux structures pertinentes de l’État ainsi qu’aux OSC, chacune en ce qui la concerne.
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La Commission recommande à l’État ainsi qu’à ses partenaires d’assurer la répression systématique des auteurs des MGF après une brève période de sensibilisation intense des chefs traditionnels, des leaders religieux ainsi que des femmes rurales et urbaines autant que de toute autre personne potentiellement concernée sur les risques juridiques et sur les conséquences désastreuses de ces violations structurelles et systémiques des Droits des femmes et des filles sur l’épanouissement ainsi que sur la santé mentale et reproductive des survivantes.
La Commission exhorte tous les acteurs – magistrats, enseignants, avocats, chefs traditionnels, leaders religieux, médias, élus locaux et nationaux, chefs de partis politiques, ONG et autres acteurs de la société civile, parents, femmes et jeunes filles – à s’engager activement pour _éradiquer les MGF au Cameroun avant la fin de l’année 2030_, à travers des processus d’acculturation, l’abandon des croyances culturelles ancestrales qui les légitiment et la multiplication des campagnes de sensibilisation contre ces pratiques aux conséquences désastreuses sur la vie et sur la santé des femmes et des filles.
La Commission invite tous les Camerounais, jeunes et moins jeunes, qui croient encore aux prétendus avantages des MGF ainsi que tous les groupes sociaux qui jugent ces pratiques nécessaires au nom de la souveraineté culturelle ou de la religion à répondre positivement à l’appel de la CDHC et des autres défenseurs des Droits de la femme, afin de mettre définitivement fin à cette pratique cruelle, dégradante et déshumanisante et de mieux sauvegarder la justice, l’égalité et la dignité pour toutes les filles et pour toutes les femmes.
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