Nous poursuivons notre série sur la protection de l’environnement, en parlant aujourd’hui de la pollution olfactive, ou les odeurs que l’on subit à longueur de journée dans les villes. La pollution olfactive concerne donc toutes les nuisances qui gênent l’odorat.

Dans nos villes et campagnes, la principale source des mauvaises odeurs se trouve dans les ordures ménagères. Selon l’entreprise Hygiène et salubrité du Cameroun (Hysacam), en 2010 la production moyenne d’ordures ménagères était estimée à environ 600g/habitant/jour soit plus 1000 tonnes/ jour pour la ville de Douala. Mais ces ordures ne sont pas toutes collectées, pour plusieurs raisons parmi lesquelles l’anarchie dans la construction des habitations, la prolifération de quartiers à habitats spontanés mal desservis en infrastructures routières, le déversement des déchets à même le sol, sur les trottoirs et les terre-pleins centraux, l’incivisme des populations…
Selon le document de stratégie nationale de gestion des déchets, le taux officiel de collecte et d’évacuation des déchets solides dans les villes varie entre 15 et 40 %. Ainsi 60 à 85% reste dans les quartiers, créant ainsi des sources d’émissions des odeurs. Il arrive aussi que la société en charge de la collecte des ordures arrête le travail, pour une raison ou pour une autre, et les villes se transforment en poubelles géantes. Et ça dégage de partout. Et même quand la collecte est faite, les points des dépôts des bacs à ordures dégagent toujours des odeurs pestilentielles. Aucun traitement n’est fait pour atténuer des odeurs, qui prennent finalement corps avec l’environnement immédiat, au point où les riverains finissent par s’en accommoder. La situation est plus grave à la décharge de Hysacam de Pk 10, où les riverains se sont soulevées une fois pour dénoncer les odeurs devenues invivables.

L’Etat et les municipalités ont démissionné
L’autre source des mauvaises odeurs les plus nuisibles, ce sont les eaux usées. Elles proviennent essentiellement des ménages, et sont constituées des eaux des vannes d’évacuation des toilettes et des eaux ménagères d’évacuation des cuisines et salles de bains. Le mode d’assainissement collectif assure la collecte des déchets liquides de seulement 4% de la population de la ville de Douala, selon une étude qui cite la Communauté urbaine de Douala en 2009. Les réseaux d’assainissement collectifs se retrouvent dans le quartier Bonanjo (plateau Joss), dans les opérations MAETUR-SIC (camps SIC Bonamoussadi, cité des Palmiers, Kotto, Ndogbati) et dans les établissements tels que l’université de Douala, l’hôpital Laquintinie et l’hôpital général de Douala. D’après la même étude, parmi ces réseaux, ceux des camps sic Bonamoussadi et Cité des palmiers sont hors d’usage. Ceux qui sont en bon état de fonctionnement ne disposent pas de filière de traitement des eaux usées. Celles-ci sont vidangées régulièrement par des sociétés spécialisées et acheminées au Bois des singes, zone recommandée par la communauté urbaine de Douala ; mais pour gagner en temps certains camions des structures de vidange n’hésitent pas à déverser leur chargement dans les rivières et drains de la ville. Les odeurs qui vont avec sont tout aussi impressionnantes.
Il faut indiquer que dans les quartiers à construction anarchique, et Dieu sait combien il y en a à Douala, les latrines sont faites en plein air. Il n’y a aucun système d’évacuation ou de canalisation des eaux usées, qui stagnent de partout, rendant l’air irrespirable en permanence. Ici aussi les habitants ont fini par s’habituer. Il est à rappeler que les mauvaises odeurs principalement et les odeurs irritantes provoquent de l’essoufflement, des maux de tête, des nausées, des douleurs musculaires, des éruptions cutanées, des symptômes identiques à ceux d’un rhume. Il est vrai que personne ne se plaint de cet état des choses, et tous ont fini par croire que c’est une situation normale. Inutile de relever que pour ce qui est de ce type de pollution, aucune politique lisible de lutte n’existe. L’Etat et les municipalités ont démissionné, abandonnant les populations à elles-mêmes. Même les partis politiques de l’opposition font difficilement cas dans leurs projets de société.
En définitive, les mauvaises odeurs ou pollution olfactive renforcent, malheureusement la pollution de l’air, et doit donc être prise au sérieux par les pouvoirs publics et par nos élus afin de lui apporter les solutions adéquates. La situation des ordures ménagères et des eaux usées évoquée plus haut ne fait malheureusement que s’empirer. L’air devient étouffant, la ville exhale un mauvais parfum. Voyager en campagne les weekends est désormais une occasion que personne ne veut rater, et chacun utilise désormais la formule sacrée : «Je vais en profiter pour respirer de l’air pur».
Roland TSAPI, Journaliste