L’entreprise parapublique Cameroon Télécommunications ou Camtel, est l’une des entreprises de souveraineté du Cameroun, et devrait en temps normal être une fierté de tout Camerounais. Opérant dans la téléphonie, elle a longtemps fait la pluie et le beau temps jusqu’à l’arrivée des opérateurs mobiles. L’entreprise se vante d’être l’opérateur historique du téléphone au Cameroun, et ne croit pas si bien le dire. Son historicité ne tient pas seulement du fait qu’elle est la plus ancienne dans le domaine, Camtel est un opérateur historique surtout parce qu’il reste le dernier sur la marché de la téléphonie, malgré les atouts techniques et technologiques à sa disposition. D’après les statistiques de l’Agence de régulation des télécoms (ART) il y a moins de 4 ans, le secteur de la téléphonie au Cameroun comptait 16,8 millions d’abonnés à fin septembre 2015, contre 16,6 millions en 2014. Sur ce nombre de clients, les trois opérateurs privés cumulaient 98.6%, contre seulement 1.4 % pour Camtel.
Histoire
Elle est créée en 1998 suite à la transformation de la direction des télécommunications du ministère des Postes et télécommunications en société anonyme, à laquelle s’ajouta l’entreprise publique Intelcam, alors responsable des communications téléphoniques internationales. Au départ, pour s’arrimer à la modernité, Camtel s’était dotée d’une filiale de téléphonie mobile, Camtel-Mobile. Pour des raisons jamais élucidées jusqu’aujourd’hui, cette section sera vendue à l’opérateur de télécommunication sud-africain en 2000.
L’étape suivante aurait dû être la privatisation de la société Camtel, qui n’a pu être réalisée faute d’investisseurs, la société ne bénéficiant pas de licence GSM, principal attrait des investisseurs du secteur de la téléphonie à cette époque. Entre temps les deux opérateurs mobiles présents effectuaient une pénétration fulgurante dans la société Camerounaise. Camtel qui regrettait déjà d’avoir vendu sa section mobile, trouva une parade pour ne pas être trop absent sur le marché. Elle lança en 2005 le service de téléphonie Mobile CT-Phone, basée sur la technologie CDMA.
Gestion hasardeuse
Si ce service avait l’avantage de faciliter la communication dans le même réseau, il a très vite démontré ses limites, par la contrainte des terminaux spécifiques à leur technologie. Pendant qu’un téléphone acquis sur le marché local pouvait prendre les deux puces des opérateurs privés, cela n’était pas possible pour les puces Camtel. Le piètre service après-vente, la pénurie des terminaux et le coût trop prohibitif quand il fallait appeler un autre opérateur, ont fini par tuer lentement, mais sûrement le service. Par ailleurs l’entreprise était accusée par les autres opérateurs d’exercer illégalement dans le mobile.
Licence du mobile enterrée
Elle essaiera de corriger cela, et signa le 26 septembre 2014 au ministère des Postes et Télécommunications, la Convention lui octroyant la 4ème licence de téléphonie mobile. La concession de cette licence, la 4eme au pays, portait sur 15 ans. David Nkotto Emane le directeur de Camtel à l’époque, avait au lendemain déclaré que «la disponibilité» de la licence de téléphonie mobile allait permettre à Camtel de «lever des fonds et les garantir». Il envisageait alors de lancer les services de téléphonie dès 2015, au bout d’«au moins six mois» de travaux et formalités préliminaires. Bientôt 5 ans, et Camtel est toujours absent sur ce marché du mobile, là où les opérateurs privés déclarent des milliards de chiffres d’affaire chaque année, multiplient les services et font des bénéfices énormes. Le plus historique dans tout cela, c’est que c’est Camtel qui loue la fibre optique à tous ces opérateurs, et pendant qu’ils l’utilisent pour faire des avancées et se hisser au rang des entreprises les plus prospères, l’entreprise étatique elle traine les pieds.
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Vache à lait des services publics
En plus d’être la dernière de la classe en termes de performance, Camtel apparait aussi comme la vache à lait des services publics. Au mois de septembre 2016, elle a été obligée de lancer une vaste campagne de recouvrement forcé des créances sur l’ensemble du territoire national, à la suite de nombreux rappels faits à ses partenaires pour le paiement de leurs consommations mensuelles dont les créances remontaient à plusieurs mois d’impayés. D’après les chiffres communiqués par l’opérateur historique des télécoms, l’Etat et ses démembrements concentrent la plus grande partie des créances d’un montant estimé à plus de 65 milliards de FCFA. Des entreprises publiques et parapubliques font également partie de la liste des mauvais payeurs.
La Cameroon Radio Television (CRTV), cumulait une dette de 4 milliards de FCFA, la Société de presse et d’édition du Cameroun (Sopecam) était endettée à hauteur de 1 milliard de FCFA, la compagnie aérienne nationale Camair Co qui n’a pas payé ses factures de téléphone et internet depuis plusieurs mois pour un montant de 200 millions de FCFA. En octobre 2017, Camtel avait également été obligé de suspendre la location de la fibre optique à un opérateur privé de téléphonie, pour se voir payer une somme de 1 milliards 600 millions de Fcfa. Dans d’autres pays, l’entreprise de téléphonie nationale est un fleuron de l’économie et fait la fierté de tout un peuple par les services offerts, et les prix défiants toute concurrence.
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Au Cameroun la Camtel nationale a du mal d’année en année à se faire une place de choix sur le marché de la téléphonie, qui pourtant est un secteur névralgique. Lors de la 12eme édition du Cameroon Business Forum lundi à Douala, il a été une fois de plus prôné le patriotisme économique. Les Camerounais voudraient bien par patriotisme et par fierté consommer les produits Camtel, mais qu’est-ce que cette entreprise d’Etat offre comme service, en termes de disponibilité, de qualité et de prix ?
Roland TSAPI
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