Tel Obelix et la potion magique, Olivier Tshimanga est tombé dans marmite de la musique très jeune. Il avait 8ans. La guitare qu’il s’était fabriquée pour panser son traumatisme va lui ouvrir les portes d’une longue et brillante carrière. Lutumba Simaro, Carlos Santana, Papa Wemba, Manu Dibango, Chantal Ayissi, Charlotte Dipanda, Ben Decca… Olivier a travaillé aux côtés de sommités de la musique. Sa présence depuis quelques jours au Cameroun est un rêve réalisé, grâce à son «grand» frère Guy Bilong. C’est d’ailleurs pour accompagner l’illustre batteur dans son GB Tour (ce 7 novembre à Douala Bercy) qu’Olivier est à Douala. Lavoixdukoat a pu lui arracher une interview au cours des répétitions générales du 5 novembre à Douala Bercy. (V.T.)
Quels sont vos rapports avec les artistes camerounais ?
Je dis d’abord un grand merci à ce pays, le Cameroun qui m’a vraiment adopté. Le Cameroun c’est ma deuxième patrie, parce que quand je suis arrivé en France entre 2003 et 2004, la communauté qui m’a accueillie, à part la communauté congolaise, c’était la communauté camerounaise, par Chantal Ayissi, Queen Eteme. J’ai croisé après, mon grand Guy Bilong. C’est dans son studio que j’ai enregistré la première fois à Paris. Après il y a eu papa Manu Dibango, Yves N’Djock, ils sont nombreux. Il y a aussi Charlotte Dipanda que j’ai accompagnée dans ses trois premiers albums. J’ai composé le dernier titre de Lady Ponce ‘‘Connais-tu l’amour’’. Vraiment avec les artistes camerounais, je suis en famille. Ils m’ont adopté. J’ai aussi beaucoup appris à leurs côtés. Le Congo et le Cameroun c’est presque la même chose, mais il y a une différence au niveau rythmique, la manière de penser, les arrangements…, tout cela m’a permis d’acquérir une certaine maturité dans la musique, donc le Cameroun c’est mon pays.
Pourquoi, malgré ces nombreuses collaborations, vous ne foulez le sol camerounais que maintenant ?
Laissez-moi vous dire que pour être là aujourd’hui c’était une guerre. Je croyais que c’était Charlotte ou Queen Eteme ou Lady Ponce qui m’amènerait ici. Je pensais aussi à un moment que papa Ben Decca ou Prince Eyango avec qui j’ai aussi collaboré, me ferait venir au Cameroun. Mais j’ai été surpris d’avoir le coup de fil de mon grand frère Guy Bilong que je respecte énormément, me dire «Oliver, il y a un voyage au Cameroun». J’ai juste répondu «grand c’est quand ?» Je n’ai même pas voulu savoir la raison du voyage. J’ai raté l’avion le premier jour, ce qui m’a fait très mal parce que je pensais au ndolè, au bâton de manioc que j’allais rater. Le lendemain, je suis allé dormir à l’aéroport pour ne plus rater ce voyage. Le Cameroun est très important pour moi. Fouler le sol camerounais, c’est un grade que prend ma carrière.
Que représente le Cameroun pour vous ?
Au niveau artistique, pour moi, le Cameroun représente beaucoup. Il fait partie des pays où quand un artiste passe, si son lendemain n’est pas brillant, alors on ne l’a pas bien lavé (rire). C’est vraiment une grande porte qui vient de s’ouvrir pour moi.
Qu’est-ce qui fait la spécificité du Cameroun ?
L’hospitalité. Quand un artiste d’ailleurs vient au Cameroun, il est très bien accueillir. Ils sont d’une grande simplicité, pourtant ce sont nos pères, comme Dina Bell. Tenez, papa Ben Decca est venu me chercher parce qu’il a organisé un diner pour m’accueillir. Ce n’est pas donné à tout le monde. Il y a des artistes que quand vous arrivez, ils vous regardent de haut, mais du haut de son niveau, Ben Decca fait ce geste pour moi. J’appelle Ben Decca le Papa Wemba camerounais. Je fais des cœurs pour Dina Bell, pour Ben Decca, c’est un rêve mon Dieu !
C’est peu de dire que vous maîtrisez les rythmes camerounais. Etes-vous d’avis avec des artistes comme Ben Decca, Kareyce Fotso qui estiment que la musique camerounaise est en train de perdre de son originalité ?
On ne peut jamais oublier ses racines. Je fais de la musique, si tu m’amènes dans le rock, tu trouveras la rumba dedans parce que c’est ma racine. Peu importe où je vais, quand on m’amène une chanson, je fais ce qu’on me demande, mais je leur montre aussi ce que nous avons chez nous. Il faut savoir que la musique africaine c’est la musique mère du monde. Tout ce que nous entendons, le rock, la funk…, vient de l’Afrique. Je demanderai juste aux Africains de ne pas avoir honte de leur culture. Richard Bona par exemple n’a jamais chanté en français, juste en sa langue et un soupçon d’anglais, pourtant il tourne énormément dans le monde entier. Ces étrangers que nous croyons spéciaux ne le sont pas vraiment. Ils ont besoin de découvrir en nous nos richesses. Imaginez que j’aille aux Etats-Unis, je ne ferai pas du jazz comme Georges Benson, non. Je connais la technique du jazz, mais j’ai une manière avec mon originalité, de montrer à Georges Benson qu’il ne pourra jamais faire ce que je fais. Nous avons une richesse énorme et la musique camerounaise est beaucoup trop riche. Il y a une façon de la développer pour qu’elle intéresse les autres.
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Dans la même veine, que pensez-vous de la thèse de certains artistes africains, qui soutiennent que Trace Tv veut uniformiser les musiques africaines ?
Trace est en train de déformer la musique africaine. Il donne une image de la musique africaine qui ne l’est pas. Ce que Trace montre, ce n’est pas la musique africaine. Trace fait juste du business, il gagne son pognon et certains tombent dans ce piège. Il y a des artistes, des musiques qui représentent mieux les artistes et notre continent. Je ne suis pas contre Trace, mais je dis que c’est leur business. Maintenant si un artiste veut tomber dans le panneau, qu’il tombe. Je demanderai aux mécènes pourquoi pas, de mettre une chaîne qui valorise les vrais artistes qui font de la vraie musique.
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Vos œuvres sont plus vieilles que vous, vous n’avez que 36 ans. A quel moment êtes-vous tombé dans la sauce de la musique ?
Je suis tombé dans la marmite de la musique à l’âge de huit ans, grâce à ma mère. Je vais vous raconter une petite histoire. Avant, j’aimais beaucoup le football. A huit ans, j’ai eu un accident à l’œil droit. J’étais tellement triste au point de vouloir me suicider vers 9 et 10 ans. Mon reflet dans la glace m’irritait. Je me suis fabriqué tout seul une petite guitare et c’est grâce à elle que j’ai essayé d’oublier mes soucis. Ma maman a constaté que j’étais tout le temps concentré sur ma guitare, sous le manguier. C’est grâce à cette guitare que j’ai compris que j’ai quelque chose à dire au monde. Par la suite, je suis allé dans une école de la musique au Congo Kinshasa en 1998, puis j’ai été déniché dans un grand orchestre de la place. J’ai joué comme guitariste, après j’ai été découvert – sur le titre ‘‘Europa’’ de Carlos Santana- par Lutumba Simaro le grand poète qui nous a quitté. C’est grâce à lui que je suis allé en Europe, avec un contrat. Papa Wemba est venu et a encore fait monter la sauce.
Entretien avec Valgadine TONGA