A la quête des constructions sociales autour du sens et de la puissance des noms de famille au Cameroun! Connaissez-vous la signification de votre nom? Si vous ne le savez pas, dites-moi comment vous vous appelez et je vous dirai si votre nom est « porte-bonheur » ou « porte-malheur ».

Le nom qu’un individu porte peut avoir un impact sur le cours de sa vie. Que l’on soit fils natif du Sud, de l’Est, de l’Ouest, du Nord, du Centre, du Littoral ou du Nord-Ouest Cameroun, chaque patronyme revêt un sens donné. Alors que certains noms, dans l’imagerie populaire, sont porte-bonheur, d’autres sont porte-malheur. Bien que les noms de famille fournissent les indicateurs les plus substantiels sur l’histoire de la famille d’appartenance, les prénoms et les pseudonymes éventuels peuvent également être précieux pour tracer l’arbre généalogique. L’on décompose souvent les noms en trois parties: les prénoms ou noms de baptême sont ainsi désignés parce que les premiers chrétiens, lors du baptême, changeaient leurs prénoms païens pour des prénoms de Saints chrétiens.
La plupart des prénoms employés aujourd’hui dans le monde contemporain provient de l’hébreu, du germain, du grec et du latin. Mais la forte pénétration des mass médias supra nationaux dans la société camerounaise actuelle, la libéralisation à outrance de la modernité occidentale et la mondialisation de la société de consommation ont été à l’origine de l’adoption des prénoms d’obédience exogène inspirés des télénovelas, films et téléfilms des stars étrangères. Marimar, Isaura, Brondon, Carington, Alain Delon, Belmondo, Berverly, sont, entre autres, des identités remarquables juxtaposées aux patronymes camerounais. Toute chose qui structure la confrontation entre le global et le local, entre l’ailleurs et l’ici, entre le Blanc et le Noir. Dans ce dialogue de cultures assorti de l’aliénation des êtres noirs vu la sublimation des prénoms et des noms à connotation occidentale, la perte des repères endogènes est très vite constatée et débouche sur l’acculturation desdites catégories qui ne maîtrisent guère le sens, voire la puissance des patronymes de leur familles. Au demeurant, l’on bascule dans le primat des « Dynamiques du dehors »(facteurs extérieurs) sur les « Dynamiques du dedans »(facteurs intérieurs).
Personnalité négative
Au-delà de ce jeu de captation des noms d’étrangers, il y a un sérieux débat sur le choix de la typologie des noms que l’on porte et qui, d’après l’imaginaire collectif, peuvent avoir, à court à moyen et à long terme, une incidence sociale sur les manières d’agir, de penser, de sentir et de faire des concernés. Suivant les représentations de la socioculturalité des communautés d’ici et d’ailleurs, il existe des noms jugés périlleux que d’aucuns appellent « porte-malheur » et des noms qualifiés d’heureux que d’autres nomment « porte-bonheur ». Attribuer, par exemple, le nom d’un homosexuel, d’un sorcier, d’un brigand ou d’une prostituée à un enfant est problématique au regard de l’incarnation de la personnalité négative de cette typologie de pègres sociales. Donner à un enfant le nom de « Liemb »(en Bassa), qui réfère à sorcier en Français, de « Mindjougou »(en Ewondo), qui signifie la souffrance, de « Medjo », (en Ewondo) qui renvoie aux problèmes,, de « Abe »(en Eton), qui veut dire mauvais, de Meyok(en Ewondo), qui veut dire la boisson, etc participent des patronymes controversés, dont l’impact peut se ressentir sur l’agir comportemental de ceux qui revêtent ces identités. Sur ces entrefaites, il est impératif de maîtriser le contenu d’un nom traduisant un destin, de faire la lecture de la nature, dont on ignore le cadre de vie. Aussi est-il idoine de se défaire des carcans idéologiques des religions traditionnelles pour ancrer le choix des noms et prénoms en fonction d’une spiritualité donnée.
Serge Aimé Bikoi, Journaliste et Sociologue du développement