Depuis un mois, des guéguerres ethno-régionales animent l’agora à coups de posts et de tribunes ravivant la haine tribale entre les laudateurs et les pourfendeurs du système gouvernant en place. Aucune journée ne se passe sans que l’on observe des querelles de chiffonniers entre les pro-Kamto et les anti-Kamto, le tout agglutiné autour des invectives austères. Ce qui est fort curieux dans ces diatribes, c’est la propension à la criminalisation de Maurice Kamto et de ses pairs qu’une brochette d’universitaires, un groupe de presse et des transfuges du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) vouent, sans coup férir, aux gémonies. En effet, que ce soit avant la tenue de la convention nationale de cette formation politique, laquelle s’est étalée sur trois jours en mi-avril, que ce soit même après le déroulement de cette assise au palais des congrès de Yaoundé, cette constellation de commentateurs de l’espace public s’est arc-boutée autour de la personnalité politique de Kamto, dont elle accuse, en général, d’être un parti « ethno-fasciste », « ethniciste » ou « clanique ».
Des universitaires connus du giron scientifique endogène ont, de surcroît, surfé sur le « paradigme de la bahamisation » du Mrc. Toute chose qui, sans conteste, est battue en brèche par le Président et d’éminents cadres dudit parti. Si Mathias-Eric Owona Nguini, Socio-politiste, est fort exubérant et fort excessif dans le déroulé argumentatif de ses tribunes, ce qui prête le flanc à l’entretien d’une certaine acrimonie et d’une certaine aigreur zélées et passionnées à l’égard de Kamto et de ceux qu’il appelle les Mrcistes. Claude Abe, moins prolifique à ce sujet et, a fortiori, pondéré a commis deux tribunes libres non moins critiques sur la modalité sur laquelle, explique-t-il, s’appesantit cette formation politique. Pour le Sociologue, le Mrc a basculé dans ce qu’il nomme le «factionnalisme communautariste». De toute évidence, le dénominateur commun du courant de pensée de ces deux universitaires, tous mus par une «solidarité mécanique» chère à Emile Durkheim se résume à la perception stéréotypée du Mrc comme un parti «ethniciste». En témoignent les tribunes libres que les deux scientifiques ont dûment publiées, ces dernières semaines, sur leur page facebook. «Le syndrome du dragueur éconduit: pourquoi les zélotes Mrcistes dénigrent des intellectuels et publicistes à qui le Mrc a jeté le maïs», «Qui n’est pas avec le Mrc est contre le Mrc et ne peut être que tribaliste: le manichéisme claniste, la propension clientéliste, l’inclination chauviniste et la tentative ethno-fasciste» sont, entre autres, deux tribunes de Owona Nguini. «Sur la stratégie politique trouble du Mrc» (Qu’est-ce qui est faux dans cette thèse de la complicité et de la roublardise politique dont M.-E.Owona Nguini accuse le Mrc?) «Ceux des Camerounais qui veulent s’adonner au jeu du factionnalisme communautariste vont trouver les autres en face» sont les deux posts publiés par Abé ces dernières semaines.
Owona Nguini et Abé tirent à boulets rouges
La posture des universitaires organiques de gauche développée ces derniers temps est fort curieuse quand nous nous souvenons des positions iconoclastes de ces derniers à l’égard du régime en place. Il y a, visiblement, un retournement de veste qui est constaté tant cette classe d’universitaires fait, sans coup férir, le jeu du système gouvernant en place, qui raffole des critiques faites à l’endroit des opposants politiques. Lorsque Alain Fogué, Géostratège, avait organisé un débat, il y a une décennie, à l’amphi 700 de l’Université de Yaoundé 1, des universitaires laudateurs(Jacques Fame Ndongo, Sémioticien; Joseph Vincent Ntuda Ebodé, Géostratège; Rachel Bidja Ava, Philosophe; Mabou Mabou, Historien-enseignant des sciences de l’information et de la communication) étaient viscéralement opposés aux universitaires pourfendeurs (M.-E. Owona Nguini, Socio-politiste; C.Abé, Sociologue; Xavier Messè, enseignant de journalisme) du système gouvernant. C’était au sujet du rôle de l’intelligentsia dans le procédé de la fabrication des motions de soutien au Cameroun. Le trio des universitaires de gauche avait tellement battu en brèche les positions des universitaires de droite que l’on a du mal, ces derniers mois, à comprendre la rétractation des critiques du présent régime. A. Fogué, à l’époque leader du Mouvement pour la révolution populaire (Mrp), est, d’ailleurs, celui qui avait, quelques années plus tard, été à l’origine de la sollicitation de ces intellectuels de gauche pour participer au projet de la création d’une nouvelle formation politique dénommée le Mrc (Mouvement pour la renaissance du Cameroun), dont Maurice Kamto avait été choisi pour tenir les rênes. Owona Nguini, Abé, Stephane Akoa, St Eloi Bidoung, Olivier Bilé, Frank Hubert Ateba, Fabien Assigana sont, entre autres, des figures ayant été des membres fondateurs de ce parti. Ils avaient contribué à la conceptualisation des textes fondateurs de cette jeune formation. Au point d’aider cette entité politique à sortir des fonts baptismaux, il y a sept ans, au Hilton hôtel. Ce jour-là, le lancement officiel des activités du Mrc se fit dans l’obscurité. Si bien que d’aucuns soupçonnèrent une connivence des autorités gouvernantes pour saper cet événement. C’était une parenthèse historique.
Pendant que Owona Nguini et Abé tirent à boulets rouges aujourd’hui sur Kamto et sur les Mrcistes alors qu’ils avaient œuvré, tous ensemble, à la structuration et à la fondation des jalons de cette organisation politique, laquelle fait des émules, cela ressemble, à s’y méprendre, à une forme de perfidie ou, du moins, à une forme de trahison des membres fondateurs, dont la volte-face est avérée et patentée. Comme le précise la ritournelle populaire, seuls les imbéciles ne changent pas d’avis!
La stigmatisation du Mrc par des transfuges et des figures médiatiques
Si la meute des universitaires se coalise pour lancer des flèches lacérées à la tête de proue du Mrc et à ses collaborateurs, deux transfuges de cette formation politique et des figures d’une chaîne de télévision privée locale participent, sans vergogne et sans scrupule, ces derniers jours, à des scènes de déconstruction du leader et des cadres. Le fait d’inviter F.H. Ateba et F. Assigana, démissionnaires du Mrc, sur un medium sans souci d’équilibrisme est un acte imbibé d’inconvenance et d’indécence. En effet, c’est malséant de passer le plus clair du temps à donner exclusivement la parole à des contestataires qui plus est des démissionnaires sans que la partie adverse ne puisse avoir, en revanche, une tribune pour répondre à des propos couverts d’infamie dont elle est l’objet. Dans cette arène de combat, ces deux joueurs-flingueurs assènent des coups tordus et font des tacles irréguliers au tireur de penalty. Professionnellement parlant, déontologiquement parlant, suivant les canons universels des sciences de l’information et de la communication, c’est une scorie, le fait de cribler de balles la bête noire sans que celle-ci ne puisse avoir droit à un droit de réponse. Indéniablement, il naît, dans cette corporation médiatique, une sorte de chape de plomb, mieux une épée de Damoclès suspendue sur le Mrc et, a fortiori, sur Kamto qu’il faut clouer aux piloris. Ce chassé croisé de propos stéréotypés et désobligeants tenus à l’endroit de Kamto et de ses congénères relève d’une dynamique de construction de la pyramide d’acharnement, dont la fin n’est pas imminente en cette année électorale pourvue de tous les enjeux. Cette piètre besogne médiatique est, de surcroît, faite au mépris du Conseil national de la communication (Cnc), organe de régulation des médias, dont le mutisme importunant est une curiosité légendaire. Quand nous savons que les décisions du Cnc infligées audit groupe de presse sont restées lettres mortes à plusieurs reprises, l’on peut comprendre que les dérives récurrentes des actants laissent l’équipe de Peter Essoka dans une tiédeur remarquable. Ce type d’excroissance entretenu dans l’agora au vu et au su des autorités officielles sans sanctions participe à appréhender cet organe de régulation comme un épouvantail sans coercition.
Que dire pour conclure?
Au demeurant, ergoter, tout le temps, sur M. Kamto et sur les Mrcistes est une espèce de publicité, mieux une sorte de marketing pour ces figures et, par corollaire, sur cette formation politique. En réalité, en sapant et en dé-construisant un homme politique d’une telle essence, il y a, certes, un formatage de l’opinion publique, dont le dessein est, sans doute, de ternir l’image du Juriste-Constitutionnaliste. Mais l’effet boomerang escompté est celui de faire une publicité au Mrc bien que ce soit à l’aune des clichés péjoratifs. Vu ce conditionnement de l’opinion publique autant dans certains médias que sur les techno-médias, les publics souscrivent-ils, comme des moutons de Panurge, à la théorie du « viol des foules », dont parle Serge Tchakotine? Les opinions des universitaires et des acteurs médiatiques sont-elles des déterminants de contrôle et de façonnement de la posture idéelle des grands publics, dont les esprits éveillés sont dotés d’une potentialité de distinguer la graine de l’ivraie? Les acteurs médiatiques sont-ils exclusivement les invariants exclusifs de la régulation de la météo des positions des uns et des autres au sens de la théorie de la toute-puissance imparable et incontestable mass médias dont Francis Balles, théoricien français des sciences de l’information est l’auteur? De toute évidence, personne n’est dupe tant quiconque mieux averti sait quel est le jeu des acteurs divers, auteurs de l’étiquetage, dont l’enjeu est de tourner en dérision la personnalité incriminée.
Alors, pourquoi Kamto fait-il si peur au point d’entretenir l’aigreur et l’acrimonie autour de lui et de ses partisans dans certains médias et sur les réseaux sociaux? Kamto fait-il plus craindre que Josua Osih, que Me Akere Muna, que Cabral Libii Li Ngué, que Serge Espoir Matomba, tous candidats à la présidentielle de cette année? Qu’est-ce qui explique cet acharnement patent observé autour de cette personnalité politique? Entre-temps, l’homme politique et ses collaborateurs s’investissent, tous azimuts, sur le terrain politique. Question de conquérir la masse de la population électorale. C’est non sans pertinence que Kamto et compagnie préfèrent garder mutisme et rester sereins pour se consacrer à l’essentiel, les joutes de l’espace public procédant de l’accessoire. Puisque le silence est un mode communicationnel prégnant, il est aisé de conclure à l’aphorisme suivant lequel «le chien aboie, la caravane passe».
Serge Aimé BIKOI, Journaliste et Sociologue du développement