
Aussi bien en amont qu’en aval, des individus manifestent les relents d’ethnocentrisme dans leur segment culturel, une plaie à l’unité nationale.
…La cristallisation des replis identitaires
Ceci se vérifie, en effet, à travers la création des réseaux associatifs ethno-régionaux, lesquels enracinent les replis identitaires. Dans des lycées et collèges, ainsi que dans des universités, il existe, entre autres, les associations des ressortissants de la Lekié, du Mbam, de Foumban, d’Eseka, de Moundourou, d’Ebolowa, de Douala, de Nyassosso, de Moliko, etc. Cette fixation sur l’ethnie ou sur la tribu participe, à long terme, à créer la frontière entre les diverses communautés locales. Pourtant, la mondialisation postule, au plan éminemment culturel, la suppression des barrières interethniques et interrégionales. Question d’agréger et de sédimenter le sentiment d’intégration nationale.

Même dans la bureaucratie gouvernante, des élites renforcent cette division. En témoigne l’appel de la Lekié, le 31 août 2014, contre la secte islamiste et terroriste Boko Haram. Appel lancé par Henri Eyébé Ayissi, ministre délégué à la Présidence de la République chargé du Contrôle supérieur de l’Etat (Minconsupe). Au vu et au su de tous, cet appel périlleux a criminalisé les figures nordistes comme des activistes animant la rébellion armée dans la partie septentrionale. Toute chose ayant suscité la désapprobation et l’aversion de Cavaye Yeguié Djibril, Porte-parole de l’élite du Nord, qui a, illico presto, assené une réplique à son congénère du Rdpc (Rassemblement démocratique du peuple camerounais).
Autre velléité irrédentiste non des moindres le 29 février 2008, au lendemain des émeutes urbaines, l’Association fraternelle pour l’entraide et la solidarité des élites du Mfoundi (Asfesem) avait, lors d’une réunion tenue par André Mama Fouda à Yaoundé, averti : « Tous ceux qui seraient tentés de rééditer les actes de vandalisme au Cameroun doivent savoir qu’elles (les élites) vont répondre au coup par coup. « A partir de maintenant, œil pour œil, dent pour dent », s’était écrié, la mine colérique, le ministre de la Santé publique (Minsanté), ci-devant porte-flambeau de l’élite du Mfoundi. « En outre, nous invitons fermement les prédateurs venus d’ailleurs à quitter rapidement et définitivement notre sol… », avait alors conclu in fine Mama Fouda ce jour-là.
L’illusion de l’équité à travers l’équilibre régional
Le dernier scandale du concours de l’Iric (Institut des relations internationales du Cameroun) est la preuve expérimentable et expérimentée de la chimère entretenue par l’application de l’équilibre régional au Cameroun. Depuis la période post-indépendante, le système des quotas, théoriquement présenté dans l’architecture textuelle, n’est que « l’écran de fumée des tripatouillages » (Pascal-Charlemagne Messanga Nyamding) qui masquent la cooptation et le parrainage des fils à papa. A cause de la gageure de l’équité, l’équilibre régional reste et demeure un leurre et contribue à structurer les inégalités, les injustices et les discriminations entre la classe des filles et des fils des bourgeois et celle des filles et des fils des pauvres. Telle est la fourchette des déterminants qui mettent en péril la dynamique unitaire au Cameroun. Lorsque s’y greffent, de surcroît, les velléités sécessionnistes de la partie anglophone et la météo socio-politique contemporaine assortie de la revendication du Fédéralisme, l’on comprend manifestement que le long fleuve, a priori, tranquille est, a posteriori, secoué par des vagues turbulentes des catégories sociologiques non-négligeables du pays. Beaucoup reste donc à faire pour cimenter, de façon structurelle et fonctionnelle, l’auréole et la dynamique unitaires dans les régions camerounaises.
Serge Aimé Bikoi, Journaliste indépendant et Sociologue du développement