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Le Cameroun malade de son port et de ses routes

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Le Cameroun est en train de perdre lentement, mais sûrement, une importante ressource financière, avec l’abandon progressif des opérateurs économiques du Tchad et de la République centrafricaine de la plateforme portuaire de Douala, pour l’importation de leurs marchandises. Les principales raisons évoquées, sont motivées par des fléaux dénoncés tous les jours, mais pour lesquelles le gouvernement reste sourd, ou propose des solutions cosmétiques sans attaquer le problème au fond. On évoque le coût trop élevé des frais de douane, la corruption rampante sur le corridor Douala-N’Djamena-Bangui et l’Etat des routes sur le territoire camerounais.

Les coûts trop élevés à la douane sont illustrés par l’histoire d’une camerounaise résidant en Occident, et qui a aujourd’hui développé une activité d’import au Togo. En 2015, elle décide de faire venir un conteneur de marchandises au Cameroun, mais après renseignement, elle apprend qu’elle devra débourser près de 15 millions de francs pour la douane. Elle se retourne vers le port de Lomé au Togo et apprend que là elle payera pour le même conteneur moins de 5 millions, avec des délais de passage très expéditifs et des facilités fiscales bénéfiques. Sans réfléchir, elle réoriente son conteneur vers ce pays, y fait venir son neveu qu’elle voulait aider et y installe son commerce. De passage récemment au Cameroun, elle a été ahurie de constater qu’un fer à repasser de deuxième main était vendu à 15 000 Fcfa, alors qu’elle vend le même fer au Togo à 3000 francs au plus.

Lire aussi :Transit en zone Cemac : Les transporteurs tchadiens en rang dispersé

Voies de contournement

Ces coûts très élevés des frais de douane au port de Douala, ajouté à la corruption qui y a fait son nid, ce ne sont pas les Camerounais seuls qui en souffrent, mais aussi les Tchadiens et les Centrafricain dont les marchandises transitent par le Cameroun. Si les opérateurs économiques camerounais n’ont pas le choix, les étrangers eux, cherchent des voies de contournement. D’après le site internet camerounweb.com, 50 % des importations du Tchad ne passent plus par le Cameroun, pareil pour la RCA qui abandonne le Port de Douala à cause de la corruption pour le Soudan et le Benin. Ils dénoncent les tracasseries administratives qui découragent les importateurs.
La  Centrafrique renforce le transit avec le Congo suite à l’accord signé le 30 mai 2018. L’objectif de cet accord étant la facilitation et la promotion du transit des marchandises entre les deux pays. Ceci à partir du port autonome de Pointe-Noire, à travers le Chemin de fer Congo-Océan, le corridor routier via les routes nationales 1 et 2, ainsi que par bateau, à partir du fleuve Congo. De même, 50 % des importations du Tchad aujourd’hui transitent par les ports de Cotonou et du Soudan.

Ce  qui n’est pas sans conséquences économiques. Lors de la clôture de l’exercice budgétaire 2017, le constat a été fait sur la chute du bénéfice net du port. Un résultat net bénéficiaire de 455,5 millions de francs Cfa, contre 940,5 millions de FCFA en 2016 tel que annoncé par l’entreprise dans un communiqué ayant sanctionné le Conseil d’administration tenu le 24 mai 2018. Selon  Cyrus Ngo’o, le Directeur général du Port autonome de Douala, c’est près de 200 milliards que le Cameroun perd chaque année sur l’autel des intérêts personnels. Mais les tracasseries du port ne sont pas le seul calvaire des opérateurs économiques tchadiens et centrafricain. Une fois sortis des mains du port, il faut affronter celles de la route.

Cyrus Ngo’o, DG du Pad.

120 postes de contrôle

Tous les transporteurs ont désormais intégré le vocable « frais de route» dans leur budget, quand ils doivent mettre un camion en route. Il désigne une somme d’argent, comprise entre 30.000 Fcfa et 250.000Fcfa en fonction de la destination à partir du port de Douala, ou d’une usine quelconque. Cette somme permet aux chauffeurs de « gérer la route » pour emprunter au jargon du milieu. C’est-à-dire qu’elle est  distribuée dans les postes de contrôle érigés tout le long du corridor par la police, la gendarmerie, la douane et les agents de la prévention routière. Dans un rapport présenté au public en février 2018, les syndicalistes du secteur du transport  ont recensés 120 postes au total. D’après eux, la centaine de postes de contrôle de la police et de la gendarmerie engloutit entre 1000 et 2000 francs CFA chacun. Les agents de la prévention routière se contentent de 1000 francs CFA par camion, tandis que les douaniers, visiblement plus exigeants, n’empochent pas moins de 5000 francs CFA par camion.

D’après le journal en ligne, cette corruption à ciel ouvert est telle que, sur la base des informations fournies par les syndicalistes, chaque camionneur doit prévoir au moins 187 000 francs CFA par voyage, pour graisser la patte aux douaniers, gendarmes, policiers et autres agents de la prévention routière. En supposant que chacun de ces camions effectue un seul voyage par mois, cette corruption quasi officielle pèse un peu plus de 2,2 millions de francs CFA dans le coût d’exploitation annuel de chaque camion en activité sur le corridor. Ce calcul rapporté à l’ensemble des 78 000 camions en activité entre le port de Douala, la partie septentrionale du Cameroun et la capitale tchadienne, permet de révéler que la corruption sur le corridor Douala-N’Djamena coûte aux transporteurs environ 175 milliards de francs CFA, par an.

«Voie de contournement»

Cette somme équivaut pratiquement à la moitié de la valeur des marchandises tchadiennes transportées chaque année, sur ce corridor, marchandises que la douane camerounaise évalue à environ 340 milliards de francs CFA. Selon Dieudonné Onana, le Secrétaire général de la Communauté portuaire de Douala qui s’est confié à un journaliste de camerounweb.com, il est prévu une descente tous les mois dans les corridors. En associant les hiérarchies de la police, de la gendarmerie et de la Douane, pour que sensibilisation soit faite sur le terrain au niveau des agents qui pourraient ne pas être au courant de ces problématiques. De manière à ce que ces tracasseries qui sont l’une des plaies que nous reprochent nos proches, à défaut de disparaître, cessent.

Comme si tout cela ne suffisait pas, il faut y ajouter l’état des routes sur le territoire camerounais. Affaissement des buses, étroitesse de la chaussée et autre. Alhadji Ousmanou, un responsable de l’Organisation des transporteurs terrestres du Cameroun (Ottc), s’est confié au trihebdomadaire régional l’œil du Sahel.  «Le mauvais état de la route entre Maroua et Kousseri nous oblige désormais à prendre une voie de contournement. Nous prenons la bretelle qui va de Touboro pour le Sud du Tchad, et remonte à N’Djamena. Ce qui occasionne un retard énorme sur les délais de livraison des marchandises. Entre  Maroua et Kousseri, c’est moins de 800 km. Mais, en contournant par le Tchad, on fait presque le double», dit-il.

Autant de freins qui vont empêcher le pays d’atteindre son émergence de 2035, à moins que le pouvoir ne se décide à prendre les taureaux par les cornes, en donnant un coup de pied dans la fourmilière par exemple.

Roland TSAPI

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