L’assemblée plénière du parlement européen a servi de tribunal pour juger et condamner des Etats comme le Cameroun, coupable de pénaliser l’homosexualité. Une pratique sexuelle qui tient à cœur aux européens. Dans le même temps, pas un mot sur la crise des Gilets Jaunes qui secoue la France depuis des mois.
Le parlement européen oublie-t-il ses priorités ? Répondre par l’affirmative ne serait pas exagéré. Les résolutions de son assemblée plénière, tenue cette semaine, sont lourdes de sens. La Chine, le Sultanat de Brunei et le Cameroun, ont été jugés et condamnés par contumace par les «sages» européens. Trois pays qui ne font point partie des 28 Etats membres de l’Union européenne. Pourtant, les députés européens les ont condamnés pour «violations des droits de l’Homme». Si dans ses textes, l’Union européenne insiste sur le respect de la souveraineté et de l’indépendance des pays membres, elle n’a cure du respect de la souveraineté des autres pays.
Le parlement européen veut se placer au-dessus de la loi camerounaise, sous le prétexte fallacieux que «les violences à caractère sexiste et les persécutions des minorités demeurent des problèmes graves, que le code pénal camerounais punit les relations sexuelles entre personnes de même sexe». Le parlement va encore plus loin, en invitant les partenaires au développement à cesser toute aide en direction du Cameroun. Le parlement européen est opposé à la légalisation de la polygamie (une pratique matrimoniale reconnue par la majorité des constitutions africaines) sur son sol, mais se donne le droit d’imposer à des pays souverains la ligne de conduite à suivre sur certains sujets, y compris quand cette ligne est en opposition flagrante avec les us et coutumes des pays concernés. A ce rythme-là, il exigera bientôt la dépénalisation du vol, de la prostitution, de l’inceste…
Pendant que les parlementaires européennes accablent le Cameroun, au Yémen ça détonne de tous les côtés. Et les armes utilisées, proviennent de pays européens. Le site d’informations Disclose a publié un document confidentiel de la Direction du renseignement militaire (préciser de quel pays). Le document lève le voile sur les ventes d’armes françaises pour nourrir la guerre au Yémen. Des ONG comme Acat, Amnesty international, Care, Handicap international, Médecins du Monde, Obsarm, Oxfam France, Some of Us, ont demandé à la France de «stopper immédiatement» ce jeu machiavélique. Pas de condamnation du Parlement européen. Pourtant, la guerre au Yémen, débutée depuis 2014 a déjà fait un nombre incalculable de morts. Autre crise : celle des Gilets Jaunes. Déjà des mois qu’ils manifestent dans les rues françaises pour de meilleures conditions de vie. Plusieurs d’entre eux ont été blessés, condamnés, ou sont en garde à vue. Pire encore, certains Gilets Jaunes ont perdu la vie. Tout cela en France, pays de l’Union européenne.
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Le chaos libyen
Faisant fi de tous ces cas graves d’atteintes aux droits de l’homme, le Parlement européen invite l’Onu à intervenir… au Cameroun pour résoudre la crise séparatiste. Nonobstant la prise de position de la députée du Rassemblement national, Dominique Bilde, qui plaidait quelques heures auparavant pour un soutien au Cameroun «sans parti pris, sans ingérence et surtout sans condescendance ». Avec en mémoire le chaos libyen, qui avait fait suite à l’interventionnisme tous azimuts de certains pays européens. Le soutien des parlementaires aux révolutionnaires libyens fut quasi lyrique. «Pour nous le Printemps arabe est l’un des développements politiques les plus importants depuis la fin de la Guerre froide. Nous les Européens, si proches du Monde arabe par les relations historiques et géographiques, nous souhaitons à ce printemps de s’épanouir », déclarait le président du Conseil européen, Herman Von Rompuy devant les Etats membres de l’Assemblée générale de l’Onu. A ce sujet, le site d’informations Investig’Action écrit : «Les bombardements, qui n’ont pas cessé depuis 8 mois et qui ont fait plusieurs milliers de victimes civiles (il y en avait déjà 1.000 à la fin du mois de mai) ont très vite perdu leur caractère militaire, pour devenir essentiellement politique : renverser le régime de la Jamahiriya et, si possible, procéder à l’élimination physique de Kadhafi et de ses proches par des tirs ciblés. C’est ce qui a été fait à Syrte le 20 octobre, à la suite d’une opération de l’aviation française… L’ensemble de ces actes sont constitutifs de crimes de guerre, voire des crimes contre l’humanité, relevant de la compétence de la justice pénale internationale ».
Le pyromane-pompier
Après avoir créé le désordre en Libye, les Européens en subissent l’effet boomerang : l’immigration clandestine qui s’est intensifiée sur leurs côtes méditerranéennes. La séance plénière de cette semaine a permis au Parlement d’adopter la nouvelle législation renforçant le corps européen des garde-frontières et garde-côtes. L’objectif est d’assurer une meilleure protection des frontières extérieures de l’UE. «Après un déploiement initial de 5 000 personnes en 2021, le corps permanent serait pleinement opérationnel d’ici 2027 avec 10 000 agents. En outre, une réserve de réaction rapide sera créée pour les interventions urgentes aux frontières», lit-on sur le site du parlement européen. Allumer le feu et venir jouer aux pompiers – à défaut de s’en laver les mains – telle semble être la position du Parlement européen hors de sa forteresse.
Valgadine TONGA