Le gouvernement Ngute du 04 janvier 2019, le tout premier du 7eme mandat de Paul Biya, présentait déjà beaucoup de singularités au départ, ce qui se confirme chaque jour davantage. Les multiples dysfonctionnements souvent constatés semblent s’expliquer au fur et à mesure que les jours passent, par une progression en rangs dispersés, sans cohésion totale. Lire aussi :Conseil ministériel : Paul Biya prescrit la réduction du train de vie de l’Etat
L’opinion l’avait déjà observé le 26 janvier au soir, au cours d’une conférence de presse conjointe donnée par les ministres de la Communication René Emmanuel Sadi et de l’Administration territoriale Paul Antanga Nji, pour faire savoir la position du Gouvernement sur l’attitude des forces de l’ordre au cours des manifestations de cette journée-là. L’on avait bien noté que le Mincom, dans un ton pondéré, expliquait que les forces de l’ordre avaient fait usage des armes conventionnelles et qu’aucune balle réelle n’avait été tirée sur les manifestants, alors que tout juste à côté de lui, le Minat, avec l’allure des administrateurs coloniaux, martelait qu’il n’y avait pas du tout d’armes à feu ce jour sur le terrain.
L’opinion a également observé que le 1er février, le Mincom encore, dans sa posture de porte-parole du Gouvernement, déclarait sur les antennes de Radio France Internationale, que les journalistes interpellés le 28 janvier au soir dans le domicile d’Albert Nzongang à Douala ont participé aux marches interdites et devaient faire face à la loi. Dans la même journée ils ont été mis en liberté, quoique devant rester à la disposition de la justice. Il n’en était rien de leur participation aux marches, les deux ayant été arrêtés en situation professionnelle, dans le cadre des descentes sur le terrain recommandé dans la profession.

Désaveu public
L’opinion a encore observé le 4 févier 2019 que le Gouvernement, par la voix de son porte-parole, a lâché un de ses membres Jean De Dieu Momo, à la suite d’une énième frasque verbale de ce dernier, qui a cette fois touché à l’honneur de l’Etat d’Israël, lequel n’a pas manqué de le faire savoir par son ambassadeur au Cameroun. Pour une des rare fois, pour ne pas dire l’unique, le quotidien gouvernemental Cameroon Tribune a mis à sa Une du 05 février 2019 la substance du communiqué du Ministre de la Communication dans lequel le gouvernement prenait ses distances en ces termes : « Le gouvernement de la République du Cameroun tient à souligner que le responsable concerné s’exprimait à titre personnel. Le Gouvernement camerounais déplore vivement les propos inappropriés de ladite personnalité et s’en dissocie totalement.» En un mot comme en mille, le gouvernement se désolidarisait ainsi de son ministre délégué auprès du ministre de la Justice, et l’a fait savoir à la face du monde.
Equipe gouvernementale ou groupe gouvernemental ?
La solidarité gouvernementale est pourtant l’une des prescriptions faite par Paul Biya à ses ministres chaque fois qu’il a l’occasion de les rencontrer. Et il l’a réitéré encore le 16 janvier dernier pendant les 15 minutes qu’il a passé avec eux pour un Conseil de ministres. « La plupart de nos projets nécessitent l’intervention de plusieurs départements ministériels, il convient donc qu’une coordination optimale soit assurée », disait-il. Et de préciser que : «Pour être efficace, il sera utile d’observer, plus que par le passé, une parfaite solidarité gouvernementale. » Commentant ces propos dans un article intitulé « Gouvernement, l’exigence de solidarité », parut dans Cameroon Tribune du 01 février 2019, Badjang Ba Nken dit ceci : « Aucune place ne devrait être laissée ni aux conflits ni aux actions isolées à des fins égoïstes. A ses compatriotes, le chef de l’Etat a coutume de citer en modèle notre sélection nationale de football, les Lions indomptables, pour leur sens de cohésion, de l’engagement, de l’abnégation dès lors qu’il s’agit de mettre toutes ses forces au service du drapeau national.»
Les enseignements en management font généralement la différence entre un groupe et une équipe. Le groupe se distinguant par le caractère disparate et individuel des objectifs recherchés par ses membres. Dans les groupes les membres sont en mesure de se marcher dessus entre eux, chacun recherchant et protégeant ses propres intérêts sans forcément se soucier des autres. L’équipe quant à elle est constituée des membres qui ont une vision commune, un même objectif à atteindre, et les actes et comportements des uns et des autres concourent exclusivement à l’atteinte de cet objectif, qui est celui de marquer des buts et gagner des matches, si l’on prend l’exemple des Lions indomptables. Le propre d’une équipe est surtout d’assumer entièrement et en toute solidarité les victoires comme les défaites.
Dans le langage courant on parle de l’équipe gouvernementale au Cameroun, mais dans la pratique tout porte à croire que l’on a affaire plutôt à un groupe gouvernemental. Et les résultats sont palpables à partir de la piteuse image que présente le pays dans tous les domaines, à cause des incohérences et des contradictions permanentes dans les prises des décisions et les définitions des politiques. Dans le domaine de la mobilité urbaine et interurbaine par exemple, pendant que des pays voisins modernisent le transport en adoptant les tramways, les villes camerounaises ont modernisé leur transport urbain par les motos taxis. 69 ans après les indépendances !
Roland TSAPI