Dans la précédente chronique nous indiquions que les frais d’Apee exigés dans les établissements scolaires publics sont souvent exorbitants, variant entre 15 000 Fcfa et 35 000 Fcfa, bien loin au-dessus des frais légalement exigibles. Dans les établissements secondaires à plus fort taux d’élèves, les frais d’Apee peuvent aller jusqu’à 75 millions de Francs Cfa, si l’établissement a par exemple 3000 élèves à raison de 25 000 chacun.
La gestion de ces fonds a toujours été source de conflits dans l’établissement scolaire. Certains parents se plaignent qu’ils ne voient jamais de réalisation alors qu’ils paient chaque année. Les chefs d’établissements sont alors accusés de détournement, en complicité avec les présidents de l’association, dont la désignation est souvent sujette à discussion. Rappelons que d’après le décret du président de la République du 19 février 2001 portant organisation des établissements scolaires publics et attributions des responsables de l’administration scolaire, les contributions de l’Apee font partie intégrante des ressources financières des établissements scolaires publics, et sont des deniers publics. A ce titre, ils obéissent aux mêmes mécanismes de contrôle que ceux des fonds publics.
Le même décret précise en son article 19 que les établissements d’enseignement secondaire sont administrés par un Conseil d’Établissement composé de vingt-huit (28) membres au plus, dont douze (12) membres de droit et seize (16) membres élus par leur association ou corps de métier. Parmi les membres de droit il y a le président, le secrétaire et le trésorier de l’Apee. Ce Conseil d’Etablissement, d’après l’article 23, est l’organe de supervision, de conseil, de délibération, de contrôle et d’évaluation du fonctionnement de l’établissement secondaire général. Il est chargé d’adopter le projet d’établissement, adopter le budget de l’établissement et en contrôler l’exécution, approuver les comptes administratifs et de gestion, adopter l’organigramme de l’établissement, approuver les besoins de l’établissement en personnels, constructions, équipements et matériels didactiques, s’assurer de la bonne utilisation des infrastructures, des ressources humaines, financières et matérielles entre autres. Il est par ailleurs indiqué à l’article 39 que l’intendant ou l’économe est l’agent financier dans les lycées ou les collèges. A ce titre, entre autres missions, il collecte les contributions exigibles et tous les fonds reçus à l’établissement, les frais de l’Apee y compris bien entendu.
Les lois sont faites pour les tiroirs
En résumé, le décret est fait de sorte que le chef d’établissement n’a pas la possibilité de toucher l’argent de l’Apee, puisque toute dépense doit être approuvé par le Conseil d’Etablissement, présidé d’après le même décret en son article 21 par le président et le Vice-Président du bureau, élus parmi les membres dudit Conseil pour un mandat d’un (1) an renouvelable deux fois, et qui ne peuvent en aucun cas être membre du personnel de l’établissement. Même pour les opérations de recrutement des élèves ainsi que de celui des personnels vacataires et d’appoint, le chef d’établissement doit être assisté par une commission permanente créée au sein du Conseil d’Etablissement. D’où vient-il alors, avec l’existence d’un décret aussi clair dans l’organisation des établissements scolaires et l’attribution des rôles, que la gestion des frais de l’Apee soit toujours source de conflits ? Comment les chefs des établissements en sont arrivés à avoir une mainmise totale sur la gestion de ces fonds et, même s’arrogent le pouvoir seul de procéder au recrutement des élèves ? C’est tout simplement parce que comme de coutume dans la plupart des cas au Cameroun, les lois sont faites pour les tiroirs.
Un banc en plus des frais d’Apee
L’argent de l’Apee est devenu simplement l’argent de la palabre. A l’issue de plusieurs discussions avec les parties prenantes, il en ressort d’abord la méconnaissance des textes régissant l’Apee par les parents d’élèves, pour ne pas dire l’ignorance. Les parents qui sont forcés de payer des sommes exorbitantes, ne sont même pas au courant que le décret présidentiel leur donne la latitude de postuler au poste de président du Conseil d’établissement, position qui leur confère le pouvoir de veiller au grain sur ces fonds. Ensuite, profitant de cette ignorance, les chefs d’établissements s’arrogent tous les pouvoirs et s’autoproclament seuls ordonnateurs de décaissement de ces fonds, d’où les dérives, les fautes de gestion, les détournements. Les projets en pâtissent donc, d’années en années l’argent est collecté mais les bâtiments restent en matériaux provisoires comme au lycée de Logpom dans l’arrondissement de Douala V, où il est même exigé aux nouveaux élèves d’apporter un banc en plus des frais d’Apee.
Enfin, le Conseil d’établissement n’existe simplement pas, ou ne se réunit jamais. Il faut noter que de fois, la constitution de ce conseil est fortement politisée. Pour briguer le poste de président de l’Apee qui fera de l’élu un membre de droit du Conseil d’Etablissement, il faut appartenir au parti au pouvoir. Le Conseil se retrouve à la fin être un regroupement d’amis qui gèrent entre eux leurs intérêts au détriment des intérêts de l’établissement. Le pouvoir de contrôle qu’il devait avoir est alors diluée dans de la complaisance, et le jour où d’autres parents ouvrent les yeux, les conflits naissent, jetant du discrédit sur des fonds qui à l’origine étaient volontairement collectés par les parents pour améliorer les conditions d’apprentissage des élèves.
Roland TSAPI, Journaliste