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AccueilFêtes légales : la mendicité d’Etat

Fêtes légales : la mendicité d’Etat

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La préparation de la fête de l’unité de cette année 2019, comme toutes les précédentes, est une occasion pour les autorités administratives de se mettre en scelle, et cela se fait le plus souvent positivement ou négativement. Dans tous les cas cela permet d’apprécier les relations qui existent entre l’Etat et les populations. Curieusement, ces relations s’avèrent le plus souvent être celles de la mendicité, et le mendiant se trouvant du côté où l’on soupçonne le moins, c’est-à-dire du côté de l’Etat. Illustration : le 09 mai 2019, le préfet du département du Nkam dans la région du Littoral, l’administrateur civil principal hors échelle Amougou François, a signé le message porté numéro 114/mp/c17/Sp adressé aux forces vives du département du Nkam.

Frappé de la mention « urgent », le message porté a pour objet l’appui au comité départemental d’organisation des festivités marquant la célébration de la 47 eme édition de la fête nationale de l’unité à Yabassi. Le corps du message dit : «Dans le cadre collaboration instituée administration d’Etat et population stop, honneur solliciter votre appui financier en vue parfaite organisation et succès des festivités marquant la célébration de la 47eme édition de la fête nationale de l’Unité à Yabassi le 20 mai 2019 stop. » Pour montrer le sérieux, le préfet donne dans le message porté un numéro de téléphone par lequel ces contributions doivent être transférées, avant de faire valoir ses considérations distinguées. Voilà le représentant de l’Etat au niveau du département qui tend la main aux forces vives pour organiser une fête nationale et légale.

L’habitude des agapes

Par déduction logique, on peut aisément conclure qu’en dessous des préfets, au niveau des arrondissements les sous-préfets font la même chose, et au-dessus d’eux les gouverneurs également, car chacun est supposé organiser la fête suivant le même procédé, tous étant des représentants du chef de l’Etat dans leurs territoires de commandement. La loi n°73/5 du 7 décembre 1973 fixant le régime des fêtes légales en République unie du Cameroun définit les différentes fêtes et leurs dates, mais reste muette quant au contenu et à l’organisation matérielle.

Mais d’après la pratique, la célébration de ces fêtes se résume souvent à peu de chose, ou a deux grands moments, le défilé à la place des fêtes, suivi des agapes le soir dans la résidence du représentant de l’Etat. C’est aussi parfois l’occasion de poser les médailles sur les poitrines de quelques valeureux camerounais. Mais dans l’ensemble, le rituel est le même d’année en année sans innovation. Pourtant chaque année, l’approche de la célébration de la fête est une période intense pour les administratifs qui multiplient ce qui est appelé réunions préparatoires, aux cours desquelles l’essentiel se résume au nombre des convives à inviter le soir, le reste étant déjà acquis comme l’organisation protocolaire et l’aspect sécuritaire. Le volet budget ne manque jamais à l’ordre du jour, et une fois arrêté la question se pose toujours de savoir comment on le réalise. Une question qui ne devrait pas se poser, car l’administration a un budget de fonctionnement, qui intègre l’organisation des fêtes qui sont par ailleurs non seulement légales mais participent à l’affirmation de l’existence de l’Etat. Et en plus des budgets de l’Etat, toutes les communes de la République intègrent toujours dans la confection de leurs budgets annuels une ligne intitulée « participation à l’organisation des fêtes légales », toujours bien fournies. Et dans l’exécution, cette ligne passe toujours en priorité sinon le représentant de l’Etat ne le signera pas.

Le bien-être des populations sacrifié à l’autel des fêtes

Cela semble ne pas suffire à un Etat habitué à festoyer, au lieu de faire attention aux problèmes de fond qui minent une société de plus en plus pauvre. On n’a jamais vu un préfet signer un message porté pour demander aux forces vives de contribuer pour la construction d’une école, pour l’équipement d’un hôpital, la dotation d’un point d’eau ou l’installation d’un kit solaire. Au contraire quand une Ong collecte des fonds et du matériel pour faire un don dans une école ou un hôpital d’une localité, il faut encore donner le carburant du chef de terre pour qu’il vienne présider la cérémonie.

L’Etat est descendu bien bas avec ces pratiques, et mêmes ceux qui occupent ces fonctions semblent ne plus se prendre au sérieux. Sinon un administrateur civil hors échelle se garderai bien de signer ce qui ressemble bien à un billet d’aide que des particuliers distribuent à leurs connaissances quand ils organisent une cérémonie de mariage ou de baptême. D’après l’article 3 du décret n° 2008/377 du 12 novembre 2008 fixant les attributions des chefs de circonscriptions administratives, et portant organisation et fonctionnement de leurs services, le gouverneur et le préfet sont dans la région et le département, respectivement, représentants du président de la République, du gouvernement et de chacun des ministres, le sous-préfet est dans l’arrondissement le représentant du gouvernement et de chacun des ministres.

C’est dire que lorsqu’un préfet pose un acte dans son département, il le fait au nom du chef de l’Etat et même de tous les ministres du gouvernement. Peut-on donc comprendre que dans les départements en ce moment, le président de la République est en train de solliciter des forces vives un appui financier pour l’organisation de la fête de l’unité ? Jusqu’ici on connait Paul Biya comme un mendiant de la paix, il ne faut pas le transformer en mendiant de l’argent pour organiser les fêtes.

La préparation de la fête de l’unité de cette année 2019, comme toutes les précédentes, est une occasion pour les autorités administratives de se mettre en scelle, et cela se fait le plus souvent positivement ou négativement. Dans tous les cas cela permet d’apprécier les relations qui existent entre l’Etat et les populations. Curieusement, ces relations s’avèrent le plus souvent être celles de la mendicité, et le mendiant se trouvant du côté où l’on soupçonne le moins, c'est-à-dire du côté de l’Etat. Illustration : le 09 mai 2019, le préfet du département du Nkam dans la région du Littoral, l’administrateur civil principal hors échelle Amougou François, a signé le message

Roland TSAPI

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