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Education : l’école entre les mains des commerçants

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La vocation de l’éducation est-elle de s’enrichir ou de participer à l’édification de l’homme ? Cette question vaut la peine d’être posée au Cameroun, dans un contexte où les promoteurs des établissements scolaires privés, profitant de ce terrain laissé en friche par une gouvernance hasardeuse, ont trouvé dans le secteur de l’éduction une niche d’investissement d’où ils voudraient tirer le maximum de profit en donnant le moins possible. Tous les élèves de ces établissements privés qui vont en congés à la fin de l’année scolaire, reçoivent annexées à leurs bulletins, des fiches de renseignement donnant des informations sur les inscriptions de l’année suivante. Presque toujours, les parents se rendent compte que les frais de scolarités sont revus à la hausse.

Prix hors de portée
De nos jours, on trouve sur le territoire camerounais des établissements scolaires privés où les frais vont au-delà de 600 000 Fcfa, partis de 50 000 Fcfa. S’appuyant en effet sur la porte ouverte dans loi n° 004/022 du 22 juillet 2004 fixant les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement de l’enseignement privé au Cameroun, qui dit à l’article 21 alinéa 1 que «les taux de frais de scolarité des établissements libres sont fixés par le fondateur». Chaque année, les promoteurs trouvent des prétextes pour augmenter les coûts, sans que cela ne soit soutenus par autre chose que du superflu et des accessoires inutiles.
Superflus publicitaires du genre « personnel de qualité et à la pointe. » Pourtant, non seulement il est difficile de voir ces promoteurs respecter les dispositions de l’article 16 de cette loi qui stipule à l’alinéa 4 qu’un établissement scolaire ou de formation privé ne peut, en aucun cas, fonctionner avec un quota de personnel enseignant vacataire supérieur à 40 % de l’effectif global des enseignants. En plus, il est rare de voir un promoteur d’établissement scolaire organiser des séances de formation ou des ateliers de remise à niveau au bénéfice des enseignants. Nous parlons là des séances de recyclage faite par des cabinets agréés soit en développement personnel soit en utilisation de l’outil internet, pas de séance de spiritisme où le promoteur rassemble les enseignants plus diplômés que lui dans une salle et fait le savant et racontant combien de fois il consent des efforts pour honorer ses engagements salariaux.

Lire aussi :Education/Secteur privé : L’enseignement vaut de l’or

Le fond reste le même
1+1 est égal à 2 et le restera, que cela soit enseigné aux élèves par un enseignant blanc ou jaune, dans une salle de classe au sol recouvert de marbre ou de simple béton. L’élève utilise le manuel scolaire inscrit au programme par le ministère concerné. Le contenu du livre ne change pas parce que les frais de scolarité sont plus élevés dans un établissement. La mission de l’éducation est dévolue à l’Etat et est son rôle régalien. L’article 3 de la loi sus-cité dit que « Les établissements scolaires ou de formation privés poursuivent les mêmes objectifs que ceux assignés aux établissements scolaires ou de formation publique, A ce titre, ils appliquent les programmes officiels ou autonomes dûment agréés et préparent aux diplômes correspondants. » Si l’on comprend que l’Etat ne peut pas tout faire, cela ne veut pour autant pas dire qu’il devra laisser l’anarchie s’installer dans le domaine.
Promotion de l’exclusion par l’absence de régulation
Autant l’Etat a fixé un standard et un certain nombre de conditions à remplir pour ouvrir une école primaire, un collège d’enseignement secondaire général, technique ou polyvalent, un institut privé d’enseignement supérieur, autant il peut fixer un seuil à ne pas franchir pour ce qui est des frais de scolarité. Cela n’a aucun sens qu’un élève inscrit en classe de terminale au lycée paye 8 500 francs de frais exigible, tandis que son camarade du même niveau d’études paie 300 000 frs de scolarité dans un collège privé tout à côté. Cela n’a aucun sens qu’un élève de la classe du cours élémentaire 2eme année inscrit dans une école primaire publique paie 1500 Fcfa de frais d’inscription et en principe pas de frais de scolarité, tandis que son camarade à l’école privé « le grand tantampion » paie 150 000 Fcfa.
Cela contribue seulement à creuser le fossé dans la société, créer des classes sociales et renforcer le sentiment d’exclusion au sein de la jeunesse grandissante. Cela permet surtout d’exclure une bonne partie de la population du système éducatif. Il n’est un secret pour personne que les Camerounais en grande majorité vivent dans la pauvreté. Dans une situation pareille, que deviennent les enfants qui n’ont pas eu la chance d’être déclarés admis au concours d’entrée en 6eme au lycée, et dont les parents n’ont pas 250 000 pour l’inscrire dans un établissement privé ?

Lire aussi :Education : violence à l’école comme reproduction de la société

Décrochage scolaire
Il ne leur reste pas beaucoup de choix que le décrochage scolaire, c’est-à-dire une sortie définitive ou temporaire du système éducatif. Pour faire quoi ou pour devenir quoi ? Les plus chanceux se retrouvent dans le garage de papa ou de l’oncle, l’atelier de soudure du cousin, la boutique du frère au marché ou le champ de la grand-mère. D’autres qui n’ont pas qui suivre se retrouvent dans le commerce à la sauvette où ils vendent avec plateaux et cartons sur la tête. Il est fréquent en effet de rencontrer des jeunes filles de 12 ans en pleine année scolaire avec des beignets sur la tête, qui arpentent les rues, et répondent à ceux qui demandent pourquoi elles sont là qu’elles n’ont pas eu le concours d’entrée en 6eme et les parents n’avaient pas d’argent pour payer la scolarité au privé. Une dernière catégorie se retrouve simplement dans la rue, ou à errer oisivement dans les quartiers sans repères, exposés à toute sorte de danger ou de tentations passives ou actives.
Il est temps que l’Etat reprenne conscience du rôle de récupération et d’occupation de la jeunesse que joue l’éducation scolaire. Faute de pouvoir ouvrir des écoles pour tous les jeunes, il ne devrait pas abandonner cette jeunesse entre les mains des commerçants pour qui les élèves sont plus des clients que des êtres humains à éduquer.
Roland TSAPI

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