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Education : l’école aux commerçants (2)

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Le secteur de l’éducation au Cameroun est aujourd’hui pris en charge plus par les opérateurs privés que par l’Etat. Dans la ville de Douala par exemple, pour une école primaire publique on compte une dizaine d’écoles privées. Le même ratio étant applicable au niveau de l’enseignement secondaire. On en est arrivé à ce qui peut légitiment être appelée l’industrie de l’éducation. Le débat sur le comment on en est arrivé là n’est plus d’actualité du fait que l’Etat a abdiqué de ses missions régaliennes. La question centrale aujourd’hui est celle de savoir si cette industrie respecte au moins le minimum de règles qui gouvernent le secteur.

Modernisation de surface

Dans le précédent papier, nous avions relevé que les frais de scolarité dans le privé étaient libres et que les promoteurs n’y vont pas du dos de la cuillère pour pratiquer des prix exorbitants, sous le fallacieux prétexte d’amélioration des conditions pour obtenir de meilleurs résultats. Ils prétendent suivre le standard en dotant leurs établissements des bâtiments modernes, équipements de pointes. On peut leur accorder le bénéfice du doute, car l’on voit effectivement que certains font des efforts pour améliorer le cadre de travail, sauf qu’à bien y regarder, cette amélioration se limite à l’aspect extérieur.

Les bâtiments sont modifiés en hauteurs, les murs recouverts de carreaux ou de peinture, mais tout s’arrête généralement là. A l’intérieur, en dehors des salles de classes dont l’espace doit respecter des normes ministérielles, les bureaux des personnels sont plus souvent moins que des boites de sardines. Dans les bureaux, les employés sont à l’étroit, étouffés par une paperasse qui manque de mobilier pour le rangement, le climatiseur est un luxe dont ils n’ont pas droit, la connexion internet là où elle existe est sécurisée et le mot de passe réservé à une ou deux personnes privilégiées. Bref, l’environnement immédiat de travail est loin d’être sain.

Lire aussi :Education : l’école entre les mains des commerçants

Traitement ouvrier des enseignants 

Le traitement du personnel relève également d’un archaïsme à nul autre pareil. Non seulement les salaires proposés aux enseignants est insignifiant, mais en plus, à la faveur du code du travail camerounais qui laisse la possibilité à un employeur de négocier le salaire, les enseignants de même niveau se retrouvent à avoir des salaires différents pour les mêmes taches et dans un même établissement. Alors que l’article 61 du code de travail prévoit à l’alinéa 2 qu’à «conditions égales de travail, d’aptitude professionnelle, le salaire est égal pour tous les travailleurs, quels que soient leur origine, leur sexe, leur âge, leur statut et leur confession religieuse, dans les conditions prévues au présent article.» Plus grave, les quelques enseignants des établissements privés qui bénéficient d’une inscription à la Caisse nationale de prévoyance sociale, sont considérés comme des privilégiés, encore que si cela arrive, c’est généralement dans le but de compléter un dossier administratif que les promoteurs s’y plient. Il n’y a aucun plan de carrière, les enseignants du privé n’ont aucun avantage d’un travailleur comme un crédit bancaire garantit par l’employeur en mesure de les aider à investir sur une maison d’habitation, une assurance maladie et autres.

Bref, malgré les coûts prohibitifs des frais de scolarité pratiqués par les promoteurs des établissements scolaires privés au Cameroun, les enseignants et le personnel d’appui restent des laisser pour compte. Le nombre de cours de répétitions qu’ils prennent en privé montre à suffire que leurs salaires sont loin de leur permettre de mener une vie décente digne des éducateurs.

Ressource humaine

La ressource humaine est pourtant au cœur du management moderne, étant le premier capital d’une entreprise. A quoi bon investir des centaines de millions pour construire des bâtiments et payer les enseignants en monnaie de singe, a quoi bon équiper un atelier de travaux pratiques à hauteur de 200 millions et l’enseignant qui s’en sert est payé à moins de 75 000 Fcfa le mois ? Moderniser le système éducatif, qui est le prétexte des taux élevés à payer par les élèves, c’est surtout moderniser la gestion de l’établissement, ce qui passe par l’intégration de la notion de responsabilité sociétale.

Une gestion qui place l’humain au cœur de l’activité et lui accorde une importance particulière. Il s’agit de créer une ambiance de bien vivre dans l’entreprise qui permette à l’enseignant de se sentir à l’aise. Il doit également être fier de sortir le matin pour se rendre à son lieu de travail, sans être agressé par le bailleur.  Renouveler la peinture des bâtiments c’est bien, mais penser à un salaire décent et à un profil de carrière pour ces enseignants, c’est encore mieux. Jusqu’ici les enseignants de la plupart des établissements privés sont plutôt esclavagisés, situation qui a souvent favorisé sans le dédouaner les détournements par les responsables et autres des frais d’examens officiels des élèves, la vente des notes et autres dérives constatées au sein de ce corps de métier.

Enseignants abandonnés à eux-mêmes

Ce qui est dommage, c’est que ceux qui sont supposés veiller à ce que ces enseignants du privé soient bien traités, semblent plutôt cautionner cet état de chose. Dans une interview accordée à la presse le 2 septembre 2017 au sortir de l’assemblée générale des promoteurs d’établissements scolaires privés, le secrétaire à l’Education du Littoral Barthélemy Bassong, lui-même promoteur d’un établissement privé, tentait de justifier les salaires misérables des enseignants à qui l’éducation des enfants est confiée en ces termes : «Le salaire est bas par rapport aux revenus de l’établissement scolaire. Nous avons encore dans nos écoles, et ce n’est pas le fait du privé laïc, des salaires mensuels de 35-40 000 Fcfa. Tout dépend des revenus de la structure. Nous avons des établissements dans la ville de Douala qui sont utiles dans leurs zones d’implantations, mais qui ont 200 élèves avec les pensions de 15 000 Fcfa. Combien voulez-vous qu’on donne à un enseignant ? Le salaire correspond au revenu de l’établissement scolaire. »

Le coup de massue dirait-on. Quand le loup est désigné pour défendre la cause des agneaux, voilà exactement ce que cela donne. Pendant que les promoteurs des établissements scolaires privés s’engraissent, les enseignant et autres personnels dégraissent,  sous le regard complice du gouvernement, et tant pis pour la qualité de l’éducation….

Roland TSAPI

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