Depuis la disparition mystérieuse de l’évêque du diocèse de Bafia, Jean-Marie Benoît Bala, le 31 mai 2017, disparition suivie, près de 72h après, de sa mort, cet environnement triste s’est transformé en sujet d’amusement et de railleries inimaginables sur les réseaux sociaux.
Alors que les recherches du corps du prélat étaient encore en cours, le message « Je suis dans l’eau » laissé par ce serviteur de Dieu a fait l’objet de toutes formes de sarcasmes grossiers sur la toile.
Des internautes insoupçonnés et insoupçonnables ont transformé en « Evêque challenge » le message en question. D’aucuns, suivant leur invention, ont posté une photo avec quelques pièces personnelles et des messages du genre: « Je suis dans l’eau »; « je suis au W.C. »; « je suis au bar »; « je suis en brousse »; « je suis aux États-Unis »; « je suis dans la voiture », etc. Visiblement, la disparition mystérieuse et austère de l’évêque de Bafia, dont le corps a été retrouvé, le 2 juin 2017, sous les eaux de la Sanaga à Tsang non loin de Monatelé dans le département de la Lekié, n’a guère ému certaines catégories sociales qui, contre toute attente, manquent, curieusement, de compassion et expriment une indifférence totale à l’égard de ce triste événement.
Garder mutisme
Il est donc apparu, pour une raison ou pour une autre, une catharsis sociale matérialisée par le traitement hilare et la caricature de mauvais aloi de la consternante nouvelle de la disparition de Mgr Bala. Faut-il être chrétien d’obédience catholique pour s’en apitoyer et en évaluer le caractère dramatique d’une telle situation? Doit-on appartenir à la famille de l’évêque décédé pour s’émouvoir de douleur, d’horreur et de stupeur par compassion? En réalité, selon les règles élémentaires de la convenance sociale, il faut, tout simplement, comprendre que face au décès tragique, choquant et offusquant d’un moindre individu qui plus est prélat d’une telle envergure, la moindre posture à adopter consiste à garder mutisme. Le recueillement, la méditation et la compassion sont requises et recommandés en pareille circonstance.
Les activistes des réseaux sociaux ne sont donc pas susceptibles d’exprimer toute sensibilité et toute tristesse face à la perte d’un être cher. Puisqu’ils ont passé le plus clair de leur temps à relayer toutes formes de messages ironisants, abscons et déshonorables à l’endroit de cette personnalité religieuse. Avec l’ancrage des techno-médias dans la société camerounaise contemporaine, des Camerounais insoucieux et indélicats ont franchi le cap de la construction des actes immondes, en banalisant et en désacralisant le phénomène social incontournable de la mort.
Serge Aimé Bikoi, Journaliste et Sociologue du développement.