Face à la résurgence de ces maux qui gangrènent la société et enveniment les rapports entre certaines ethnies, la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme (Cnpbm) annonce pour les trois prochains mois, une vaste campagne de communication dans les dix régions du Cameroun.
Le mal est profond et ne cesse de s’enraciner. Telle une pieuvre qui étend ses tentacules, il sévit. De l’école à la maison, du bureau au marché, dans les lieux publics comme dans les églises, les supermarchés, les universités, les ministères et les sociétés publiques ou privées, le discours de haine tend à imposer son diktat. Il est donc d’un impératif de stopper l’hémorragie si on veut être à l’abri du pire. C’est pour l’avoir compris que le président de la République vient de prescrire à la Cnpbm, la conduite d’une nouvelle campagne nationale de communication contre le discours de haine et la xénophobie au Cameroun. Soit deux ans après la mise sur pied au sein de cet organe, d’un comité de lutte contre ces fléaux.
Cette prescription du Chef de l’Etat intervient dans un contexte de recrudescence du discours de haine et de publications xénophobes diffusées dans les médias et les réseaux sociaux. D’où l’urgence d’aller en croisade contre cette gangrène qui se caractérise dans sa forme écrite, orale ou visuelle, par toute incitation à la discrimination, harcèlement, menace ou violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe en raison de leur origine, de leur sexe, de leur appartenance à une tribu, une ethnie, une race ou une religion. La xénophobie quant à elle, correspond au sentiment de crainte, d’hostilité, voire de haine envers les étrangers qui n’appartiennent pas au même groupe du point de vue de la culture, la religion, la langue, etc. « Il s’agit dans les deux cas, d’un fléau qui ne s’accommode pas de la tolérance, de l’inclusion et de la diversité multiforme qui constitue du reste notre fierté et notre richesse, en même temps qu’un héritage à préserver. Le discours de haine et la xénophobie fragilisent l’unité nationale, le vivre ensemble, la cohésion sociale, l’intégration nationale, la paix durable et la stabilité sociale. Ils structurent les replis identitaires et concourent au dénigrement et au rejet de l’autre. Le discours de haine contribue à l’exacerbation ainsi qu’à l’instrumentalisation de nos différences », confesse d’entrée de jeu Peter Mafany Musonge, président de la Cnpbm.
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Plus de lisibilité et d’efficience
Face à la presse vendredi dernier à Yaoundé, l’ancien Premier ministre reconnaît que les difficultés au quotidien, les revendications aussi pertinentes et légitimes soient-elles, ne sauraient autoriser le discours à ces pratiques qui affectent négativement les rapports intercommunautaires. « Ce fléau gagne du terrain ; il n’est plus conjoncturel, mais tend à devenir systémique », explique-t-il. Suffisant pour déclarer la guerre à ce phénomène pour sauver ce qui reste du patriotisme, de la citoyenneté, de l’acceptation de l’autre. Pendant les trois prochains mois, il sera donc question de « mener des campagnes de sensibilisation contre le discours de haine dans toutes les régions du Cameroun, établir des partenariats stratégiques avec les acteurs intervenant sur la question, faire le rappel de la réglementation internationale et nationale réprimant le phénomène, capitaliser les activités déjà menées ou en cours d’exécution par les parties prenantes, pour les renforcer et les affiner afin d’obtenir plus de lisibilité et d’efficience ».
La Cnpbm a élaboré un programme de grande ampleur qui fera intervenir tout un éventail de parties prenantes. « Nous comptons sur les acteurs de la société civile, les journalistes, les opérateurs téléphoniques, l’Agence nationale des technologies de l’information et de la communication, la Commission nationale des droits de l’Homme, le Conseil national de la communication, l’Agence de régulation des télécommunications, etc », a annoncé le président de la Cnpbm, qu’accompagnait pour la circonstance Jean de Dieu Momo, ministre délégué à la Justice. Dans cette perspective, souligne Mafany Musonge, il ne s’agit nullement de censurer la liberté d’expression. « Celle-ci n’a de pertinence que dans le strict respect des lois et des règlements de la République ».
Daniel NDING