La troisième journée de la semaine panafricaine des Panafrican Awards, a réuni des économistes autour de la problématique des cryptomonnaies en Afrique.
Les thèmes se suivent et sont aussi intéressants les uns que les autres, à la deuxième édition des Panafrican Awards. Ce lundi 12 décembre 2022, trois panels se sont succédés à la maison du parti de Bonanjo à Douala, au Cameroun. Parmi eux, celui sur le thème « Crypto-monnaie et crypto-actifs : une solution pour l’indépendance monétaire de l’Afrique ». Pour éclairer la lanterne du public, les économistes Dr Jean René Ndouma, Dr Yamb Ntimba et Edmond Kuate.
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De l’économie de leurs différentes interventions, on retient que la souveraineté monétaire de l’Afrique se fera avec les crypto-actifs. Conseiller en finance digitale, le Docteur Jean René Ndouma relève que « les cryptomonnaies sont venues démocratiser la finance. Dans la finance, on parle d’un nouvel ordre mondial monétaire, parce que les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ont décidé de ne plus garder leurs réserves en dollar. La Russie a d’ailleurs décidé de ne plus vendre ses produits ni en dollar ni en euro, mais en rouble. Ça veut dire que les Brics vont récupérer leur souveraineté. »
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L’inconvénient quand vos réserves sont en dollar, c’est qu’à « tout moment, les Etats-Unis peuvent décider de geler vos réserves. Il faut bien que l’Afrique se demande déjà quelle place elle va avoir. Elle doit chercher à créer une cryptomonnaie, adossée sur une valeur réelle. Si le Cameroun veut payer sa cryptomonnaie de banque centrale, il lui faut avoir une banque centrale souveraine dans laquelle il est seul à avoir le dernier mot. » Raison pour laquelle le Dr Yamb Ntimba soutient que « la monnaie est d’abord une question politique avant de devenir une question économique. Il faut que les hommes politiques prennent cette décision. C’est ce que le président Nayib Bukele a fait au Salvador, et que le président Touadéra a fait en Rca. Nous espérons que le président Biya le fera, ou son successeur. »
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Quid de la traçabilité des cryptomonnaies ? «Les gens ont tendance à dire, quand ils veulent discréditer la cryptomonnaie, que ce sont les choses des bandits, qui veulent dissimuler leurs transactions. C’est faux. Les seules transactions qui ne sont pas traçables est de l’ordre de 0,0015, donc c’est presque insignifiant. Alors que sur le marché monétaire actuel, on est sur 5% donc on est sûr, et 20% donc d’incertitudes. Aujourd’hui, nous sommes en train de travailler en Rca sur un système qui permettra d’utiliser la cryptomonnaie -le sango-, comme le mobile money. D’ici quelques mois, on proposera un portefeuille qui fonctionne exactement comme le Mobile money, et donc accessible à tout le monde. Aussi, les paradis fiscaux ne pourront plus exister avec les crypto actifs », argumente Yamb Ntimba.
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La monnaie digitale a également l’avantage de tordre le cou au terrorisme. Face à l’adoption des crypto actifs, il ne sera plus possible de financer le terrorisme. «Avec les crypto-actifs, les flux financiers deviennent traçables Lorsqu’on met des coupures des 5000 Fcfa et de 10.000 Fcfa dans des valises depuis Chamalières, en direction des terroristes au désert du Sahara, personne ne peut les contrôler. Et c’est avec cet argent que les terroristes se ravitaillent », renseigne l’économiste Edmond Kuate.
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Selon Edmond Kuate : « Comment pouvez-vous expliquer que les terroristes de Boko haram au Nord du Cameroun, se payent 300.000 à 400.000 Fcfa le mois ? Cet argent ne vient pas du Cameroun. Le Colonel Assimi Goita avait compris cela, quand sur le champ de guerre, chaque fois qu’il abattait un terroriste, il retrouvait sur lui d’énormes sommes, des millions de Fcfa de premières coupures, c’est-à-dire que c’est de l’argent imprimé à Clermont-Ferrand en France et envoyé directement aux terroristes. Aucun Etat africain ne peut contrôler cet argent puisqu’il imprimé en France, sans aucun représentant de pays du Fcfa, pour être sûr de la quantité de coupures imprimée. C’est pour cela que nous perdons la lutte contre le terrorisme. Ça fait 20 ans que nous combattons le terrorisme en Afrique, mais il ne s’est jamais aussi bien porté, parce qu’on n’arrive pas à couper la source de ravitaillement. La seule façon de combattre le terrorisme c’est d’arrêter de le financer, c’est-à-dire qu’il faut arrêter avec le Fcfa. Le terrorisme prospère plus dans les zones du Fcfa, notamment au Burkina Faso, au Niger, au Cameroun, en Centrafrique, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Tchad, la Rca. »
Les Panafrican Awards, initiés par l’association African Revival, se tiennent jusqu’au 16 décembre.
Valgadine TONGA