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AccueilCrise sociopolitique au Cameroun : Léonora Miano s’insurge contre la stigmatisation d’une communauté

Crise sociopolitique au Cameroun : Léonora Miano s’insurge contre la stigmatisation d’une communauté

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L’écrivaine camerounaise est montée au créneau pour dénoncer un post de Patrice Nganang désignant les Bulu comme seuls responsables du malheur camerounais.

«Insupportable, inadmissible en soi. Aucun de nous ne peut laisser dire cela et laisser passer cela», a déclaré Léonora Miano sur sa page Facebook en réaction au post de Patrice Nganang. L’écrivain et activiste politique assez controversé taxe les Bulu de «Hutu» du Cameroun, et donc de génocidaires. Il va jusqu’à attribuer à ces Camerounais originaires du Sud, toute la responsabilité de la souffrance de l’ensemble du triangle national.

Une sortie assez osée que n’a pas apprécié la lauréate 2016 du prix Goncourt des lycéens. Et Léonora Miano n’est pas allée du dos de la cuillère pour dénoncer les propos de Nganang. «La violence de ces mots est injuste et irresponsable», indique-t-elle.  L’écrivaine camerounaise estime qu’une partie de l’opinion, de surcroît, certaines personnes seraient prêtes à pousser le pays vers les extrémités pour des raisons obscures. Elle s’inscrit en faux contre les affirmations de cet autre écrivain qui voudrait présenter les Hutu du Rwanda qu’il assimile aux Bulu, comme des génocidaires ataviques. «Si les Bulu comptent parmi les bénéficiaires du régime, d’autres aussi en profitent». L’auteure de «Marianne et le garçon noir» estime que  les ressortissants de toutes les régions font partie des privilégiés du système. D’après Léonora qui a visité plusieurs fois le Sud à travers sa profession, la communauté Bulu visée dans sa globalité, habite les régions les plus sinistrés du pays. «Faut-il redire qu’il n’y a pas de route à Sangmélima ? », se questionne-t-elle.

Notre icône de la littérature fait remarquer également que comme ailleurs dans d’autres régions, on s’est battu en pays Bulu pour la libération du Cameroun. Et certains fils de cette région en ont payé les frais. Il est donc indécent voire maladroit, selon Léonora, d’incriminer de la sorte un groupe humain entier dont il est aisé de démontrer qu’il est loin de jouir de son appartenance à la même sphère d’origine du chef de l’État. «Cela ne peut que servir à dresser les Camerounais les uns contre les autres», s’indigne-t-elle.

«Ceux qui profitent du régime sont connus de tous. Chacun a un nom, lequel ne saurait se confondre avec celui de sa communauté. Ce ne sont pas les villages entiers qu’il faudra un jour traduire au tribunal mais des individus. Il importe de s’en souvenir», soutient-elle. Pour la dame de la plume, ceux qui se sont battus pour libérer le Cameroun l’ont fait en tant que Camerounais. Pour le Cameroun et l’Afrique, c’est la vision et l’héritage fédérateur, fraternel et ce désir puissant d’unité qui transcenderait les frontières au-delà du Cameroun,qu’il faut faire prospérer. Elles conseillent par ailleurs aux Camerounais de ne pas se laisser enfumer par le discours vindicatif de Nganang. «Les luttes politiques sont légitimes. La haine de l’autre ne l’est jamais», conclut-elle. Ci-dessous, la mise au point de Léonora Miano sur son compte Facebook.

Félix EPEE

«POUR DEFENDRE LES HUTU, PARDON, LES BULU – PAR LEONORA MIANO

Vous le savez, je ne m’exprime pas sur le Cameroun. On me le reproche d’ailleurs assez souvent, ce qui ne suscitera de ma part aucun changement d’attitude dans une situation d’ores et déjà trop polarisée.

Pourtant, ce matin, je voudrais dire un mot des propos ci-dessous qui me bouleversent. Ils révèlent, bien sûr, l’état d’une partie de l’opinion et, surtout, les extrémités vers lesquelles certains seraient prêts à pousser le pays pour des raisons opaques, tant ces mots s’éloignent de tout patriotisme véritable, de tout esprit de fraternité.

La déclaration ci-dessous sous-entend que les hutu du Rwanda seraient en quelque sorte des génocidaires ataviques, qu’ils le seraient parce que hutu (leur nom devient ici une manière de désigner les criminels), qu’il n’y aurait eu, parmi eux, personne à sauver, et qu’il en est toujours ainsi (l’énoncé est au présent, le propos affirmatif). Ceci est déjà insupportable, inadmissible en soi. Aucun de nous ne peut laisser dire cela, laisser passer cela.

Mais au-delà, en ce qui concerne les bulu du Cameroun, la violence de ces mots est injuste et irresponsable. Si des bulu comptent bien parmi les bénéficiaires du régime actuel au Cameroun, d’autres aussi en profitent. Et non seulement des ressortissants de toutes les régions du pays font-ils partie des privilégiés de ce système, mais en ce qui concerne la communauté bulu (visée dans sa globalité, sans la moindre nuance), faut-il rappeler qu’elle habite une des régions les plus sinistrées du Cameroun? Faut-il redire qu’il n’y a même pas de route pour se rendre à Sangmelima? Est-il nécessaire de faire remarquer que, comme ailleurs, on s’est aussi battu en pays bulu pour la libération du Cameroun?

Incriminer de la sorte un groupe humain entier dont il est aisé de démontrer qu’il est loin de jouir de l’appartenance du chef de l’Etat à cette communauté, n’a pas de sens. Cela ne peut que servir à dresser les Camerounais les uns contre les autres, un peu plus chaque jour.

Ceux qui profitent du régime au Cameroun sont connus de tous. Chacun a un nom, lequel ne saurait se confondre avec celui de sa communauté. Ce ne sont pas des villages entiers qu’il faudra un jour traduire devant la justice, mais des individus. Il importe de s’en souvenir.

Ceux qui se sont autrefois battus pour libérer le Cameroun du joug colonial l’ont tous fait en tant que Camerounais. Pour le Cameroun. Pour l’Afrique. C’est la vision qu’ils nous ont laissée, un héritage fédérateur, fraternel, un puissant désir d’unité qui transcendait les frontières du Cameroun. C’est ce qu’il faut faire prospérer, aujourd’hui plus que jamais.
Les luttes politiques sont légitimes. La haine de l’autre ne l’est jamais.

NB: Ne vous laissez pas enfumer par des explications selon lesquelles « bulu » ne ferait pas référence à la communauté bulu. Le procédé visant à utiliser le nom d’un groupe humain en guise de métaphore du mal est de toute façon plus que problématique. En particulier dans le climat qui règne actuellement au Cameroun.

Si même il s’était agi d’indiquer que tout le groupe n’est pas responsable des méfaits dus à une minorité (cas donc des hutu), l’analogie ne sied pas. On n’en est tout de même pas là. Enfin, tout ce qui est excessif, etc. »

 

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