Rapport de domination entre l’artiste et le manager, les risques de signer avec les majors…voilà quelques problématiques soulevées dans cette interview entre l’artiste chanteur ivoirien Lino Versace et La Voix Du Koat.
LVDK : Il y a-t-il une raison particulière qui vous amène au Salon de la musique d’Abidjan ?
Il faut comprendre que nous sommes des artistes. Nous avons un centre d’intérêt commun qui est la musique et la culture. Dès lors qu’il y a un évènement qui vise à promouvoir la culture, il est nécessaire pour moi d’être présent et d’apporter mon soutien.
LVDK : Plusieurs ateliers ont parlé des rapports manager-artiste. Comment vous, artiste, voyez-vous la relation avec un manager ?
Entre un artiste et un manager, il y a une complémentarité. L’artiste a ses obligations, le manager aussi. Le seul problème qu’on a en Afrique c’est que les managers n’ont souvent pas d’obligation. On a comme l’impression de se retrouver entre amis, entre frères, entre connaissances. On utilise malheureusement mal ce titre de manager, et les personnes ne sont pas diplômées, formées, n’ont pas d’expertise, ne maîtrisent pas l’environnement et n’ont pas de réseau. Pourtant, un artiste peut avoir du talent, mais s’il n’a pas le manager pour réfléchir, organiser, coordonner son plan promo, sa carrière, il aura beaucoup de problèmes. Les deux entités sont complémentaires. Un artiste peut avoir peu de talent, mais avoir un manager efficace qui est très bon en stratégie de communication, en réseau, en relations internationales.
LVDK : Nous vous posons la posons la question qui divise plus d’un, qui de l’artiste ou du manager est patron de l’autre ?
Il n’y a pas de patron. Je vais vous expliquer le pourquoi. Vous prenez le corps d’un être humain. Chaque organe joue un rôle bien défini qui participe au bon fonctionnement de ce corps. Dès lors qu’un organe est défectueux, c’est un handicap qui se crée. Donc dans le corps musical ou artistique, le manager joue un rôle prépondérant dans toute la chaîne, ainsi que l’artiste, le bookeur, l’éditeur, le producteur, le distributeur, l’attaché de presse, le mixeur, l’arrangeur, le preneur de son. Tous ces corps de métier sont complémentaires pour que l’on puisse avoir, un résultat positif à 75% voire 80%. Il faut comprendre que dans la musique, on n’a pas la science infuse, on ne maîtrise pas le succès. On peut maîtriser la réalisation d’une œuvre artistique, la production d’un projet artistique, l’organisation d’un évènement artistique mais on ne peut pas maîtriser à 100% le succès d’une œuvre artistique. Et c’est ce que les gens doivent comprendre.
LVDK : Vous pensez que la taille d’une boîte n’est pas synonyme de succès d’un artiste ?
Ce n’est pas parce qu’on travaille forcément avec un grand producteur, ou une maison de disque, qu’on va avoir forcément un succès. Je pense qu’aujourd’hui, les acteurs culturels ont besoin d’éducation, de témoignages palpables, qui vont créer en eux un déclic, et leur permettre de comprendre un certain nombre de choses. Ce qui est dommage ici, c’est que nos jeunes frères ont encore ce complexe qui leur fait croire qu’en travaillant avec des structures de renom, ils sont forcément avec des personnes qui peuvent changer leur vie. Il faut comprendre qu’une major a de grandes obligations, c’est ce que les gens oublient. Une major c’est des multinationales. Je vous donne l’exemple d’une multinationale qui a des succursales à Paris et qui est sous contrat avec Rihanna. Rihanna doit sortir son album. Et au même moment, vous Africain, arrivez avec votre projet. La multinationale va s’impliquer dans votre projet, mais pas de la même manière qu’avec Rihanna. Rihanna a déjà un réseau, un succès, une fan base, une expérience. Donc c’est une garantie de revenus pour la major. Il faut comprendre que ces majors sont des businessmen. Donc selon les statistiques qu’elles font, elles sont sûres de vendre avec Rihanna. Comment vont-elles par conséquent se concentrer sur ton projet qu’elles doivent développer ? C’est ce qu’il faut souvent amener les artistes à comprendre.
LVDK : Quelle est l’actualité de Lino Versace ?
J’ai sorti un album de 13 titres l’année dernière intitulé ‘‘Condamné à réussir’’. J’ai sorti deux singles aussi ‘‘C’est le travail qui paie’’ et ‘‘Je fais le beau’’. L’album est disponible sur les différentes plateformes numériques.
LVDK : Vos fans au Cameroun bénéficieront-ils d’un spectacle autour de cet album ?
Ecoutez, le Cameroun c’est chez moi. Je reste disponible pour toute sollicitation au Cameroun, parce que j’ai été adopté par le peuple camerounais et je suis Camerounais dans le sang.
Lire aussi :Côte d’Ivoire/Industrie musicale : le Sama fusille les managers ‘‘coursiers’’
LVDK : Lino Versace ne met pas son show uniquement au service du business. Vous êtes de plus en plus dans le social…
Bien sûr ! Comme je le dis, les artistes sont le miroir d’une société. Ils doivent pouvoir promouvoir, comme toute autre personne, les actions de citoyenneté. Je pense vraiment qu’il est important que chaque artiste se sente capable de mener une noble cause, dans le but d’améliorer les conditions de vie des populations. Aujourd’hui, la musique nous permet d’avoir une notoriété qui est comme une carte de visite. A travers cela, nous pouvons développer pas mal de choses. Je prends vraiment un énorme plaisir, et je peux même dire que c’est une passion pour moi de disposer du temps pour améliorer les conditions de vie des populations. On a initié le 25 juin dernier l’évènement Proximité Santé, avec l’association Servons Treichville qui a pour président Daouda Bakayoko. Un événement en partenariat avec la Fondation Coupé-Décalé donc je suis le président. Cette campagne consistait à installer des tentes, des armoires climatisées, et on donnait la possibilité à la population de bénéficier de consultations gratuites (la prostate, le diabète…) des collectes de sang, la vaccination. Les artistes profitaient de la même occasion pour sensibiliser la population sur son hygiène de vie.
Lire aussi :Côte d’Ivoire/Charles Memel Kacou : l’As de l’innovation
Entretien avec Valgadine TONGA