43 ans après l’enclenchement de la dynamique unitaire au Cameroun, il est possible de se réjouir de quelques acquis engrangés à la faveur de la construction de l’unité nationale dans la diversité sociale, ethnique, culturelle, géographique et politique.
Serge Aimé Bikoi.
L’exemple de la cohabitation pacifique entre les différentes composantes ethnico-tribales est une preuve palpable et tangible de l’ancrage de la ferveur unitaire dans les ‘Ways of life » (manières de vivre) des concitoyens. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, chaque communauté ethno-régionale s’escrime à insuffler, mieux à enraciner, autant que possible, l’être-ensemble et le vivre-ensemble dans la quasi-totalité des régions camerounaises. Fondamentalement, les « Camerounais d’en bas », pour reprendre Jean-Marc Ela, Sociologue, et Achille Mbembe, Historien et Politologue, vivent le triple élan solidaire, sociétaire et unitaire. Ceci se vérifie à l’aune de l’expression de la socialité, de la solidarité, de la sociabilité, de l’interactivité, de l’affectivité et de la générosité. Même si de temps à autre, il y a quelques poches de conflictualité qui entachent les rapports sociaux, mais qui n’obèrent pas la longue marche vers l’unité nationale. Que vous alliez à Logbaba à Douala IIIème, à Etoug-Ebe à Yaoundé VIème, à Baboutcheu Ngaleu dans le Haut-Nkam, à Muyuka dans le Sud-Ouest, à Mbengwi dans le Nord-Ouest, à Akom II dans le Sud, à Tokombéré dans l’Extrême-Nord, à Garoua dans le Nord, à Ndjohong dans l’Adamaoua, les populations locales des bas-fonds ressentent, en dépit de quelques pesanteurs, cette mouvance d’unité, d’unicité et d’uniformité dans les manières d’agir, de penser, de sentir et de faire bien que chaque localité défende, chacune dans son giron, ses singularités culturelles. Toute chose caractérisant l’hétérogénéité socioculturelle.
« La bourgeoisie compradore »
Cependant, le vent unitaire est, en permanence, ébranlé, voire érodé par la bourrasque des aspérités plurielles qui jonchent la quotidienneté ambiante et qui, généralement, sont ravivées par les « Camerounais d’en haut », qui se recrutent parmi les membres de l’aristocratie gouvernante, ce que Jean Ziegler, Sociologue suisse, appelle « la bourgeoisie compradore ». Il s’agit, en effet, de l’élite bureaucrativo-politique ayant, hélas, patrimonialisé et caporalisé les biens publics et participé au brigandage, au pillage et, partant, à la dé-construction de l’Etat camerounais.
La structuration de la dichotomie entre les « Camerounais d’en bas » et les « Camerounais d’en haut »
Parler des « Camerounais d’en haut », revient à traiter des Camerounais aisés et nantis qui jouissent de l’amas des biens comptabilisés licitement ou illicitement. C’est, en réalité, l’élite administrative de la classe gouvernante composée, en majorité, des gérontocrates érigés au frontispice des arcanes des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Aussi y a-t-il, parmi cette classe de jouisseurs, des hauts cadres des bureaucraties publiques. Ce sont ces prédateurs, pour la majorité, qui peuplent et colonisent les prisons camerounaises pour avoir été coupables de distraction de deniers publics. L’aisance financière et matérielle de ces prébendiers participe à créer un schisme entre la bourgeoisie compradore, qui est une minorité, et la classe des paupérisés et des misérables constituant une majorité démographique dans la presque-totalité des régions. L’on peut donc comprendre pourquoi Hubert Mono Ndjana, Philosophe, soutient, mordicus dans son argumentaire scientifique, qu’il y a deux ethnies dominantes au Cameroun, à savoir l’ethnie des riches, qui vit dans l’opulence financière et matérielle, et l’ethnie des pauvres, empêtrée dans la relégation chancelante et déstructurante. Le fait de l’existence de la ségrégation entre les embourgeoisés et les paupérisés traduit, en substance, la crise viscérale entre la première catégorie à cause de qui l’Etat est en faillite dû à la prédation de la chose publique, et la seconde qui reste et demeure meurtrie tant elle est en proie à la récession économique ambiante et sempiternelle.
L’instrumentalisation de l’ethnie à des fins de positionnement politique et de cooptation des tiers et des fraters tribaux
La fièvre des mémoranda ayant sévi ces dernières années au Cameroun est l’une des pesanteurs ayant fragilisé la cohésion et l’intégration nationales. Le mémorandum du grand Nord, dont les signataires, en 2002, étaient Issa Tchiroma Bakary, Dakolé Daissala, Amadou Moustapha, Sali Dairou, etc, avaient, tous, agité la fibre tribale. Histoire de poser « les problèmes de la sous-représentativité des régions du grand Nord dans les structures de l’Etat, l’absence de la prise en compte de certaines questions par les pouvoirs publics, telles que la sous-scolarisation ». A la faveur de ce mémorandum dans lequel des filles et fils ne se reconnaissaient pas tous, les étudiants ressortissants de la partie septentrionale, tous ou presque s’étant présentés au premier concours de l’Ecole normale supérieure (Ens) de Maroua furent retenus dans ce cadre de formation des enseignants.
Autre mémorandum, non des moindres, celui des élites de l’Est-Cameroun, dont la tête de proue fut Philémon Adjibolo, ancien député de la nation décédé. Les figures emblématiques de la région du soleil levant exigeaient, en effet, la création d’une université dans leur contrée. Toute chose n’ayant pas rencontré l’assentiment du Président de la République. Toutes ces revendications régionalistes, dont la litanie n’est pas exhaustive, ravivent davantage le sectarisme, le séparatisme, le népotisme et le favoritisme des frères et fraters de la même composante ethnico-tribale. Ce qui flagelle et entrave le sentiment d’unité et de cohésion nationales… (A Suivre)
Serge Aimé Bikoi, Journaliste indépendant et Sociologue du développement.