Nous traiterons aujourd’hui de l’économie, ou plus exactement des épargnes déposées dans les institutions financières que sont les banques et les microfinances. Pour tirer la sonnette d’alarme sur un danger qui guette les épargnants dans les mois à venir, si rien n’est fait. Depuis la semaine dernière en effet, le gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale en abrégé BEAC, a annoncé que les banques de la zone Cemac ont un déficit de trésorerie. En terme simple, il n’y a plus d’argent dans les banques.

D’abord il faut noter que la Cemac, entendez Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale, regroupe le Cameroun, le Congo, le Gabon, le Tchad, la Guinée Equatoriale et la République centrafricaine. Ensuite, le gouverneur de la Beac, le Tchadien Abbas Mahamat Tolli explique que face à cette tension de trésorerie, la Beac prépare en ce moment un dispositif d’apport de liquidité en urgence à ces banques. Une mesure motivée par « le contexte régional marqué par la vulnérabilité de la situation de trésorerie de plusieurs banques, en liaison notamment avec les difficultés financières des Etats».
Il va plus loin pour expliquer que la mesure consistera «à fournir, de façon discrétionnaire et exceptionnelle, de la liquidité à une institution financière solvable, mais souffrant de tensions de liquidité sérieuses pouvant entraîner un risque financier majeur pour la sous-région». Pour lui, c’est «une logique d’anticipation» et «les modalités pratiques de ce dispositif seront finalisées d’ici la fin de l’année 2017», mais le Comité de politique monétaire de la BEAC «pourrait répondre aux urgences pouvant survenir avant la fin de l’année». Dans cette zone Cemac, lLe Cameroun est concerné au premier chef par cette situation, car il compte le plus grand nombre de banques dans la zone Cemac, à savoir 14, devant le Congo et le Gabon qui en comptent dix chacun, le Tchad 8, la Guinée Equatoriale 5 et la République centrafricaine 4. Dire que les banques ont un déficit de trésorerie c’est dire que l’argent peut arriver à manquer dans les banques. Et le Cameroun serait le premier touché.
La baisse des recettes pétrolières
Et c’est là la première inquiétude. Comment l’argent peut arriver à manquer dans les banques, alors qu’il y à peine deux ans la situation des banques de la zone étaient présentée comme sur liquide ? Et on expliquait cette situation par le fait que les banques ne finançaient plus l’économie, n’accordaient plus des prêts à cause du climat des affaires peu satisfaisant et surtout l’incapacité de ceux qui pouvaient solliciter des crédits à donner des garanties fiables ? Les épargnants ont d’ailleurs ressenti cela à travers la baisse des taux d’intérêts sur les épargnes. L’une des explications est donnée par le gouverneur de la Beac, quand il dit que la vulnérabilité de la situation de trésorerie de plusieurs banques est en liaison notamment avec les difficultés financières des Etats. Ces Etats qui, frappés de plein fouet par la baisse des recettes pétrolières qui représentent entre 25 et 85% des recettes publiques des cinq pays producteurs de pétrole de la Cemac (exception faite de la République centrafricaine), se sont rués sur le marché des capitaux à la recherche des financements nécessaires pour assurer leur fonctionnement et les investissements publics.
Voilà la deuxième inquiétude. Car ce qu’il faut comprendre simplement, c’est que les Etats ont emprunté de l’argent dans les banques pour financer leurs fonctionnement, et qui dit fonctionnement de l’Etat dit d’abord salaire des fonctionnaires. Ainsi les impôts et taxes ne suffisent plus à supporter les charges de fonctionnement des Etats et autres charges, il faut encore qu’ils aillent prendre l’argent des épargnants dans les banques, au point de mettre celles-ci en situation de déficit de trésorerie, comme l’avoue le gouverneur de la Beac. Même les grands projets en cours de réalisation dans ces pays sont aussi financés par cette épargne, que les Etats prennent à travers le mécanisme d’emprunt obligataire. C’est ainsi que les banques de la zone, qui ont généralement pour principaux partenaires commerciaux les Etats et leurs entreprises, sont de plus en plus sollicitées. Soit pour d’importants retraits de fonds, soit pour des prêts directs, ou alors indirects, via notamment le marché des titres publics lancé par la BEAC, en novembre 2011, et sur lequel les institutions bancaires de la zone Cemac sont pratiquement toutes agréées comme Spécialistes en valeurs du Trésor (Svt). A titre d’exemple, depuis le lancement de ce marché des titres, les Etats y ont officiellement mobilisé plus de 4 000 milliards de francs Cfa. Ce qui représente environ 40% des 9 827 milliards de francs Cfa de dépôts bancaires enregistrés dans la zone Cemac à la fin juillet 2016.
Voilà comment les banques seraient arrivées à manquer de l’argent, et quand l’information est donnée par le gouverneur de la Beac lui-même, il n’y a priori plus de question à se poser, mais plutôt se demander ce que va devenir l’argent des épargnants, si la situation perdurait ? La solution préconisée par la Beac de renflouer les coffres forts de ces banques va-t-il résoudre le problème et éviter des tensions sociales ? Nous tenterons d’en comprendre davantage dans la prochaine chronique.
Roland TSAPI, Journaliste