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Cameroun : quand la tribu divise

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L’après élection présidentielle de cette année a entrainé des débats qui au fur et à mesure que le temps passe, glissent hélas vers des considérations tribales. Des personnes parfois insoupçonnées alimentent les conversations sur les réseaux sociaux, au cours des débats médiatiques et dans la rue, faisant croire aux Camerounais qu’ils sont différents les uns des autres du simple fait de leur origine ethnique.

D’après un observateur de la scène socio-politique du Cameroun, c’est avec  l’arrivée de Paul Biya aux affaires que le pays glisse vers ce qu’il appelle la « bêtisation »
Une bidonville de Yaoundé.

Sociologiquement, les joutes tribales sont un grand danger pour une nation, le conflit des consciences comme le disent les philosophes, le niveau primaire de ce qu’on appelle le vivre ensemble. Lorsque l’égo de chacun rencontre l’autre, il le considère à priori comme un adversaire, un danger. C’est ce qui se remarque quand deux chiens, deux chats ou deux coqs se rencontrent. Ils commencent par se battre, et c’est au cours de ce combat qu’une similitude se révèle. Ils se rendent compte qu’ils ont quelque chose en commun et à partir de ce moment ils se séparent en paix ou commencent à cheminer ensemble. Le Cameroun est encore malheureusement à ce niveau et a même pris 36 ans de retard, car au début des années 80 ces débats avaient commencé à s’estomper,  dans l’université du Cameroun par exemple. Rarement les gens s’insultaient par rapport à leur tribu.

La tribu du ventre…

D’après un observateur de la scène socio-politique du Cameroun, c’est avec  l’arrivée de Paul Biya aux affaires que le pays glisse vers ce qu’il appelle la « bêtisation » du pouvoir, la transformation du pouvoir républicain en pouvoir tribal. La perception de l’exercice du pouvoir pour ceux qui arrivent en 1982 devient tribale, parce qu’elle est d’abord « alimentariste. » En réalité au Cameroun, il n’existe depuis les indépendances, et aujourd’hui plus encore, que deux tribus, comme le soutenait l’économiste Camerounais Célestin Monga. D’un côté il y a la tribu du ventre, minoritaire celle-là, composée d’une poignée de personnes qui ont fait main basse sur les richesses du pays qu’ils gèrent sans partage et se battent pour conserver.Ceux-là ne connaissent pas le prix du pain. Ils ne connaissent combien coûte le litre  du carburant, du kilowatt d’électricité ou du mètre cube d’eau que parce qu’ils en fixent le prix dans les bureaux feutrés, ou parce qu’ils vendent tous ces services. Ils ont des salaires ou des revenus mensuels à trois 7 chiffres, des maisons de fonction, des bons de carburant et l’assurance maladie. Parmi eux certains ont la signature, d’autres des conteneurs.

…contre la tribu du peuple

De l’autre côté la tribu opprimée, celle du bas peuple et de la souffrance. La première tribu a décidé que celle-ci peut avoir un salaire de 36 000 francs, et payer là-dedans le loyer, l’électricité, les soins, le transport, la scolarité des enfants, la nourriture s’ils veulent, sinon ils peuvent toujours mourir. Les membres de cette tribu  se serrent dans les taxis en ville et les « opep » au village. Leurs enfants s’entassent à plus de 150 dans les salles de classes étouffantes en ville, ils achètent leurs médicaments dans la rue faute de moyen pour aller en pharmacie. Leurs enfants prennent le chemin du désert pour s’enfuir vers l’Europe et finissent dans la mer méditerranée au-dessus de la Libye ou comme des esclaves au Liban. Ils se battent pour un morceau de pain, un bout de pagne ou pour un billet de mille francs qu’on leur lance pendant la campagne électorale. Cette tribu parle la même langue, celle de la misère. Et cette misère se retrouve dans toutes les régions du Cameroun. Elle touche ceux dont le nom commence par la lettre A ou par la lettre Z de la même façon. Une misère indescriptible qu’on tente de noyer dans l’alcool.

On est descendu bien bas aujourd’hui, avec l’étiquetage ethnique parce que la situation s’est aggravée avec l’appauvrissement constant et croissant. On s’est retrouvé dans un pays où les gens ne travaillent pas, où psychologiquement chacun a peur de ne plus rien avoir demain, alors il se déclenche automatiquement  chez lui le réflexe de protection. C’est ce qui s’observe au sein de la tribu du bas peuple.Du côté de la tribu du ventre, c’est le même réflexe de protection qui s’observe, même cette fois parce que la quantité de ce qu’ils mangent diminue, ou est sérieusement menacée. C’est pourquoi ils sont devenus hargneux vis-à-vis de ceux qui ne sont ni leurs frères ni leurs enfants. Ils alimentent alors facilement le débat tribal, et recrutent au sein de la deuxième tribu quelques naïfs qui, contre argent, amplifient à longueur de journée, dans les réseaux sociaux et les médias des idées selon lesquelles les ressortissants de telle région sont un danger, sans être capable d’en apporter un argument convaincant. Ils tentent de semer la haine entre des amis qui jusqu’ici vivent en paix et s’appellent affectueusement « les amis de galère », qui se partagent le kilichi, le sanga, le mitumba, le taro, le ndolè ou le djapshe sans complexe, fier d’être ensemble chacun  avec sa particularité.

Sortir de l’oisiveté

Comme l’explique Jean Baptiste Sipa, dans un pays organisé où l’effort de tout le monde est de produire pour qu’il y ait suffisance, il n’y pas de place pour la lutte tribale. Chacun est occupé à produire, et serait même content d’en donner aux autres. Il propose pour sortir de cette situation la réorganisation de la société, la mutation vers une gouvernance de production.Il recommande au prochain président de réfléchir à mettre tout le monde au travail, en établissant l’égalité des chances et le mérite. Ce qui passe par la réforme des institutions qui permettrait à  chacun d’être libre de s’exprimer et d’entreprendre. Ceux qui amplifient les débats tribaux son dans l’ennui, le vice et le besoin, trois grands maux que le travail éloigne de nous, comme le disait l’écrivain français Voltaire.

Roland TSAPI

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