Devant la presse ce mardi 23 octobre 2018, le président de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun a étalé avec fermeté, ses grosses inquiétudes et attentes quant au devenir du pays.

Dialogue national. C’est l’un des points saillants de la rencontre entre la presse et l’archevêque métropolitain de Douala, ce mardi 23 octobre 2018. Mon Seigneur Samuel Kleda ne passe pas par quatre chemins pour souligner l’urgence de ce dialogue, longtemps appelé par la société civile, des leaders politiques. «J’espère qu’après cette élection nous serons d’avantage entendus. Nous continuerons à plaider pour qu’il y ait le plus vite possible l’instauration d’un dialogue inclusif pour construire notre pays. Il est temps qu’on s’asseye autour d’une même table pour mettre fin à cette crise parce que tout ce qui est conflit retarde le développement d’un pays», martèle le président de la Conférence épiscopale nationale du Cameroun. Samuel Kleda se souvient qu’avant la meurtrière crise anglophone, «beaucoup de conteneurs accostaient au port de Douala, et prenaient la direction des régions de la zone anglophone. Depuis que la crise a éclaté, ce n’est plus possible. Ce qui veut dire que le développement de ces deux régions s’est arrêté, et c’est un retard. A côté de cela, l’éducation de nos enfants. Quand les enfants d’une partie de notre pays ne vont pas à l’école, ça crée des problèmes d’injustice, et ça risque déboucher sur d’autres problèmes dans le futur. Voilà pourquoi il est urgent qu’après les élections, on trouve le plus vite possible des solutions à cette crise.»
Les analphabètes
A écouter l’archevêque, il ne faut pas un QI de 120 pour comprendre qu’il ne partage pas le résultat de la présidentiel proclamé le 22 octobre courant. Paul Biya ne serait-il pas le choix de Dieu ? Réponse : «L’Eglise demande qu’une élection soit transparente, libre, et ce sont les citoyens qui choisissent. Si quelqu’un est élu de manière transparente, c’est à partir de ce moment qu’on dit que Dieu lui a donné le pouvoir.» Et d’argumenter : «Si je prends l’Extrême-Nord, le Rdpc a eu 89%. Cela me fait beaucoup réfléchir, dans ce sens que cette région est aujourd’hui la moins développée au Cameroun. Dire que cette région qui vit la pauvreté partout, a voté à 89% le parti au pouvoir, ça me pose sérieusement un problème. On dirait qu’il y a beaucoup d’analphabètes, des gens qui ne sont pas capables par eux-mêmes d’analyser et donc, on profite de cette situation.» Il se surprend aussi de la victoire du Rdpc dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. «Au moment où on n’a pas pu battre campagne là bas, d’où viennent tous ces pourcentages du parti au pouvoir? Ce sont les questions que je me pose concernant ces élections, et que tout Camerounais devrait se poser. Ça veut dire que tous les problèmes que nous cherchions à résoudre avant les élections, demeureront et ne trouveront pas de solutions ? Etant donné que tout va continuer normalement.»
Code électoral
Interrogé sur le Code électoral, Mgr Samuel Kleda ne va pas du dos de la cuillère. Il faut un amendement. «Effectivement, même au niveau de la conférence, des évêques avaient fait des propositions pour changer le code électoral. Il est temps, dans l’intérêt des Camerounais, de revoir le Code électoral, même s’il faut le faire à une date lointaine. Mais réviser un Code électoral ne prend pas mille ans, ça peut se faire en quelque temps. Le but est que tous ceux qui vont aux élections aient la même chance de gagner. Je suggérerai que ce Code soit révisé avant les municipales et législatives que nous attendons, et je crois qu’on saura maintenant qui perd et qui gagne.» L’homme de Dieu invite le président reconduit, à se pencher sérieusement sur les sujets de mécontentements du peuple, et d’y apporter les solutions.
Valgadine TONGA