Le budget de l’année 2019, corrigé en cours d’exercice par le président de la République, reste supérieur à celui proposé pour l’année 2020.
Le premier ministre camerounais Joseph Dion Nguté, a présenté le 29 novembre 2019 devant les députés de l’Assemblée nationale, la proposition du budget de l’Etat pour l’année 2020, d’un montant de 4951,7 milliards de francs Cfa. Comparativement à celle de l’année 2019 qui était de 4850,5 milliards, l’enveloppe 2020 est en hausse de 101,2 milliards, ce qui parait logique si l’on considère que dans le principe le montant du budget de l’Etat est le reflet des besoins des populations, et ceux-ci augmentent d’années en années avec cette population qui est croissante.
Vote sans contrôle
Quand le gouvernement propose une enveloppe budgétaire à l’Assemblée nationale, c’est surtout pour que les députés vérifient que son contenu épouse effectivement la réalité, et au cas contraire qu’ils le réajustent, car dans les faits ils sont supposés être plus proches des populations qu’ils représentent, et en conséquence au parfum de leurs besoins. Mais plus souvent, ces députés se contentent de poser quelques questions arrangées aux membres du gouvernement quand ils défilent au perchoir pour défendre chacun son budget, et à la fin l’enveloppe ressort de l’Assemblée comme elle est entrée, alors qu’elle est parfois en déphasage avec la réalité, tout en faisant la part belle aux dépenses de fonctionnement. C’est ce qui s’est passé pour le budget de l’exercice en cours, quand en décembre 2018 les députés ont laissé passer la proposition du budget 2019 de 4850,5 milliards, montant que le président de la République a été obligé de corriger 6 mois plus tard.
Le 29 mai 2019 en effet, la président Paul Biya a signé une ordonnance modifiant et complétant certaines dispositions de la loi des finances 2019. Il faisait passer ce budget 2019 de 4850,5 milliards à 5212 milliards de Fcfa, soit une augmentation de 361,5 milliards. Ce qui est remarquable dans cette modification apportée par Paul Biya, c’est qu’elle a réduit les dépenses de fonctionnement de certaines administrations, en commençant par celles qui étaient réservées à ses propres services.
L’enveloppe que la présidence de la République devait consommer pour le fonctionnement a été diminué de 6 351 millions, passant de 44 milliards 489 millions à 34 milliards 138 millions, celle des services rattachées à la présidence ont subi une coupe de 798 millions, les services du premier ministre ont été délestés de 1 milliard 283 millions. Le ministère de la défense a aussi vu son budget de fonctionnement diminuer de 13 milliards 438 millions, celui de la délégation générale à la sûreté nationale de 4 milliard 415 millions, et celui de l’administration territoriale d’un milliard 219 millions de francs Cfa, pour ne citer que ces exemples. Dans le même temps, le budget réservé à l’investissement publique du ministère des Sports et de l’éducation physique a été augmenté de 45 milliards 15 millions, passant de 37 milliards 766 millions à 82 milliards 781 millions, celui de l’Eau et de l’Énergie a été augmenté de 24 milliards 596 millions, et celui du ministère des Travaux publics est passé des 296 milliards 114 millions validés par les députés, à 355 milliards 403 millions, soit une augmentation de 59 milliards 289 millions de francs Cfa, juste quelques exemple aussi.
Dans la globalité, la correction apportée par l’ordonnance du président de la République a consisté à diminuer de façon substantielle les budgets de fonctionnement pour gonfler les budgets d’investissement. De là à se demander comment les députés continuaient à laisser passer des budgets sans tenir compte de la réduction du train de vie de l’Etat, comme le recommandent toutes les études et toutes les propositions visant à apporter un souffle à l’économie nationale ?
Réajustement ?
Si l’on considère l’enveloppe finale de 2019 après l’ordonnance du chef de l’Etat, qui est de 5212 milliards, l’on constate que le budget proposé par le gouvernement pour l’année 2020 est plutôt en baisse de 260 milliards de franc Cfa. Dion Nguté et ses collègues ont-ils appris la leçon de l’économie sur les dépenses de fonctionnement, on le saura dans la distribution des enveloppes par ministères et services. En attendant, l’on peut supposer que la confection de ce budget aura suivi les directives de Paul Biya. Dans la circulaire programmatique qu’il a fait publier le 24 juillet 2019, l’année 2020 devrait être marquée par l’intensification de la lutte contre la corruption et les atteintes à la fortune publique, la poursuite de l’assainissement du fichier solde de l’Etat, l’accélération de la mise en œuvre du système d’évaluation des performances des agents publics, l’amélioration de la transparence budgétaire, la réduction des délais de paiement, l’amélioration du climat des affaires entre autres.
Prêche au désert
Toutes ces recommandations sont très belles à lire et à entendre, et seraient une lueur d’espoir si elles n’étaient pas les mêmes qui sont faites chaque année, s’adressant au même gouvernement à l’effectif pléthorique et donc budgétivore, à la même Assemblée nationale dominée par un même parti qui applaudi et laisse passer toutes les lois, aux mêmes fonctionnaires plus soucieux de servir le pouvoir et eux-mêmes au passage au lieu de servir le peuple, aux mêmes populations qui se complaisent dans l’insouciance et qui ont choisi les moyens détournés pour faire leur business.
C’est dans un environnement des affaires de plus en plus rude que le budget va passer, avec des grands discours, et tout le long de l’année les grandes théories seront développées pour dire comment il est mis en œuvre avec efficacité. Mais à la fin de l’année, comme d’habitude, les conditions de vie se seront dégradées un peu plus, et sans faire le bilan du budget précédent, le gouvernement va revenir proposer un autre, avec une fois de plus une augmentation de quelques centaines de milliards. Un pays où on ne parle que des milliards dans les discours, pendant que dans la rue on ne trouve même plus 100 Fcfa, pour payer la moto taxi.
Roland TSAPI