Le ministre de la Santé publique, André Mama Fouda a effectué une visite éclaire lundi dernier dans la ville de Douala. En moins de 3 heures de temps d’horloge, il a dû visiter trois institutions hospitalières les plus importantes de la ville, à savoir l’hôpital Gyneco Obstétrique et pédiatrique de Yassa, l’hôpital Laquintinie et l’hôpital général de Douala.

Une visite voulue discrète, car le ministre n’aurait même pas souhaité être accompagné par les autorités de la ville de Douala. Le communiqué envoyé quelques jours plutôt aux responsables des différents hôpitaux faisait état de ce qu’il venait s’entretenir avec le personnel de ces formations médicales.Nul doute qu’il a été motivé pour cela par la grogne des médecins qui ne cesse de manifester depuis plusieurs mois pour revendiquer l’amélioration des conditions de travail entre autres. C’est l’occasion pour nous de faire un arrêt sur l’une des revendications du Syndicat des médecins du Cameroun, qui jusqu’ici est passée inaperçue, mais qui nous interpelle tous et requiert le soutien de tout le monde. Il s’agit de l’assurance maladie pour tous.
Il faut relever que dans leur motivation, les médecins expliquent qu’ils sont fatigués de recevoir dans des hôpitaux des malades qui n’ont pas les moyens de se soigner, et de les voir mourir sans pouvoir y faire quelque chose. Il n’est pas rare en effet que des malades soient abandonnés dans nos hôpitaux sans soins parce qu’il n’y a même pas d’argent pour acheter du sparadrap et faire un bandage, ou un glucosé pour une perfusion. Dans un document intitulé « proposition du Symec sur la mise en place d’une assurance maladie universelle », les médecins expliquent qu’aucune nation ne s’est développée sans accès universel aux soins de santé. L’instauration immédiate de l’assurance maladie et la couverture universelle se présente comme le point de départ de cette marche. Ils réclament dès lors une assurance maladie universelle immédiate au vue de l’urgence sanitaire que traverse notre pays.
La prise en charge à 100% des maladies chroniques
Urgence illustrée par des scandales en milieu hospitalier sans précédent, notamment le décès du docteur Fayçal, le docteur Ngo NKANA et l’éventration à ciel ouvert de Madame Koumatekel de regrettée mémoire respectivement dans la ville de Poli, à l’hôpital général de Douala et à l’hôpital Laquintinie de Douala. Pour eux, il serait malsain et regrettable de ne pas tirer des leçons de la mort de ces nobles concitoyens. Dans cette logique et ne supportant plus d’assister à cette mort programmée des malades par notre système de santé, les médecins apportent leur contribution à l’édifice en démontrant la faisabilité de cette dernière. Plus concrètement, nos hommes en blouse proposent la mise en place d’un système unique de financement de la sante incluant toutes les couches de la Société. La caisse d’assurance maladie serait en charge de la prise en charge d’un pourcentage défini des soins médicaux de chaque habitant pour les maladies courantes ; la prise en charge totale à 100% des maladies chroniques : hypertension artérielle, la maladie rénale chronique, les cancers …. La prise en charge totale des maladies psychiatriques.
Conscients que l’Etat dirait que le projet est couteux, les médecins sont allés plus loin pour proposer les modes de financement de cette assurance maladie universelle. Pour eux, seule la volonté politique des décideurs constitue une limite à la mise en place de ce système. Et ils ne sont pas allés très loin des habitudes. Selon eux on peut par exemple créer une taxe santé sur les produits alcoolisés. En effet, l’alcool est responsable de nombreux problème dans notre société : cirrhose du foie, cancers, problèmes psychiatriques, neuropathies, hypertension artérielle, diabète … Il apparait tout à fait normal que l’alcool soit taxé pour la prise en charge des problèmes de santé des Camerounais. Avec 620 Millions de litres de bière consommés par les Camerounais en 2013 pour la seule production nationale, en imposant 100 frs par litre de bière, soit moins de 50 Fcfa la bouteille de bière, cela permettra à l’assurance maladie d’engranger au moins 62 Milliards franc CFA à la caisse d’assurance maladie. Ceci sans compter la bière importée ; en effet en 2010, le Cameroun a importé près de 11 millions de litre d’alcool ; ce qui donnerait 1 milliard francs CFA à la caisse d’assurance maladie. La même taxe santé peut être créée sur les embarquements aux aéroports, sur l’accostage des navires au port, sur le tabac, les hydrocarbures, les transferts d’argent, la téléphonie mobile etc…
En mettant ensemble ces rubriques mentionnées, ceci permettrait de renflouer la caisse d’assurance maladie d’au moins de 543.25 Milliards de Fcfa par an, soit plus de 2/3 des dépenses de santé des Camerounais. Voilà l’un des rêves des médecins, accompagné même des propositions. Un système qui permettrait à tous de se soigner librement dans tout hôpital et de se faire rembourser les médicaments comme cela se fait dans les pays européens où nos dirigeants ont pris la nationalité. Mais au lieu de les écouter on préfère les envoyer en brousse.
Roland TSAPI, Journaliste