L’année prochaine, en 2018, les conseillers municipaux, entre autres, vont remettre leurs mandats en jeu pour le renouvellement dans les communes. Cinq ans seraient passés depuis le dernier mandat, cinq ans après lesquels le citoyen d’une commune est incapable de les évaluer.
Le bilan d’un mandat est en effet généralement imputé au maire, les conseillers n’étant dans l’imagerie populaire responsables de rien, simplement parce qu’ils ont démissionné de leurs rôles de contrôle dans les mairies. Dans le principe, les textes leurs confèrent des rôles aussi variés qu’importants, comme la participation aux sessions du conseil par les propositions d’actions, l’évaluation de l’action de l’exécutif, le recensement et la défense des intérêts des populations qu’ils représentent, le contrôle citoyen de l’action du maire, ce qui suppose une bonne maîtrise du « langage » du développement local et de la gestion communale. Le Cameroun compte 315 communes rurales, 45 communes d’arrondissement et 14 communautés urbaines. Dans un contexte où on parle de décentralisation, il n’est pas exagéré de dire que 90% des 10. 626 conseillers municipaux que comptent les 360 communes n’y comprennent pas grand-chose. Alors qu’une décentralisation effective voudrait dire que les pouvoirs de gestions de la cité à tous les niveaux sont désormais délégués aux conseillers municipaux.
Jusqu’ici que remarque-t-on ? On ne connait généralement pas les conseillers municipaux dans leurs quartiers respectifs, ils ne mènent aucune action concrète sur le terrain, le niveau de vie des citoyens se dégrade sous leur nez sans qu’ils ne lèvent le petit doigt, les populations ne peuvent pas compter sur eux pour bénéficier de l’éclairage public dans les rues, ou de l’ouverture des routes qui n’existent que sur le plan dans les nouveaux quartiers. Au niveau de la commune, au lieu de participer aux sessions du Conseil municipal, ils y assistent plutôt. Les comptes administratifs truffés d’irrégularités passent comme une lettre à la poste. D’ailleurs très peu en prennent connaissance, puisque d’après des témoignages, dans la commune de Douala V par exemple, les conseillers avec un confort intellectuel consistant, sur lesquels d’autres comptent pour déceler les failles, entrent souvent en possession du document dans la salle du Conseil. Selon l’avocat au Barreau du Cameroun Alex Bebe Epale, il faut concevoir la décentralisation comme une opportunité de libérer les énergies locales et de favoriser un développement des territoires basés sur leur potentiel et leur permettre de répondre aux aspirations de base des populations, que sont l’aménagement urbain, l’eau, l’électricité, la salubrité publique, la culture, l’éducation, la promotion des langues nationales.
L’obéissance servile
Ces enjeux doivent en principe être des préoccupations permanentes des conseillers municipaux. Sauf qu’ils n’y comprennent pas grand-chose, ou refusent d’y comprendre quelque chose. La raison étant à chercher dans l’engagement et les motivations qui poussent les uns et les autres à se retrouver dans les conseils municipaux. L’expert en développement local Gilbert Soffo, explique que l’appropriation des rôles du Conseiller municipal est plombée à l’entrée même. Au moment de la constitution des listes, celui qui nourrit des ambitions d’être maire paie les frais de dossiers et les cautions des autres membres de la liste, ce qui leur enlève de facto toute possibilité d’indépendance. La plupart des conseillers municipaux, dit-il, ne connaissent même pas la constitution du dossier, ils apposent juste leurs signatures en bas des documents qui leurs sont présentés.
Plus, le fait que les candidats sont investis par le parti, les astreint au mutisme et à l’obéissance servile. Ainsi, plus tard, si c’est un camarade qui est élu maire, la discipline du parti interdit à tous les autres conseillers du même parti de contester ses actions, bloquer ses initiatives ou voter contre le compte administratif. Finalement, les gens entrent au conseil pas par conviction, mais constituer le bétail électoral d’un parrain, d’aucuns pour chercher des marché tandis que d’autres s’y cachent pour couvrir des forfaits et se protéger par le titre qui devient un passe-droit pour ouvrir certaines portes. Le pourrissement, la mal gouvernance, le clientélisme dans les mairies en résultent comme conséquences. Le maire qui n’a personne en face se permet tout. La cité se meurt, le conseiller attend avec impatience les sessions du conseil pour émarger les frais de session et se gaver à la fin. Voilà l’image que nous renvoient nos conseils municipaux de nos jours.
Mais quels conseillers municipaux pour demain ? La question est plus que jamais d’actualité, même comme les partis politiques tardent à se l’approprier et accorder une attention particulière. A tous les niveaux des institutions de l’Etat (exécutif, Parlement, conseils régionaux et conseils municipaux), la tendance est au renouvellement du personnel politique, mais surtout au rajeunissement. D’aucuns proposent qu’il y ait des candidatures indépendantes pour les prochaines élections municipales, mais cela est légalement impossible, si les textes sont maintenus à l’état actuel. Il reste aux partis politiques de prendre la mesure de la situation, et préparer dès à présent une jeunesse consciente des enjeux de la modernité, qui pourra prendre d’assaut les conseils municipaux du pays et impulser une nouvelle dynamique, pour des cités un peu plus vivables.
Roland TSAPI, Journaliste