Le 5 décembre 2025, le Palais Royal du Canton Bell a annoncé la naissance des princesses jumelles de Son Altesse Royale Jean Yves Eboumbou Douala Manga Bell. Un événement rare, chargé d’une forte symbolique dans la tradition negro-africaine.
Un souffle mêlé de gravité et d’allégresse a traversé, le 5 décembre 2025, les ruelles et les mémoires du Canton Bell. L’annonce officielle de la naissance des princesses Douala Bell Ekedi Emmanuelle-René Anne et Douala Bell Engome Adèle-Christelle Yvonne, filles de Son Altesse Royale Jean Yves Eboumbou Douala Manga Bell et de la Reine Clarisse, n’a pas seulement ému : elle a réveillé un écho ancien, un chant enfoui dans la mémoire des peuples de la côte. Ce n’est pas un simple bonheur domestique ; c’est la reprise d’une respiration séculaire.
Quand la tradition éclaire la modernité
Dans l’imaginaire négro-africain, la naissance de jumeaux porte une charge symbolique d’une rare intensité. On les dit porte-voix des ancêtres, messagers de fécondité, signes d’harmonie cosmique. « Là où naissent les jumeaux, les ancêtres murmurent encore », expliquait le doyen Jacques DOO BELL. En effet, chez les peuples côtiers, cette bénédiction revêt une portée quasi-institutionnelle : le double-né est perçu comme un sceau sur l’avenir, et plus encore lorsqu’il naît au sein d’une lignée royale. Ce double souffle féminin apparaît alors comme un rappel puissant de la capacité des dynasties à se renouveler, à équilibrer forces visibles et forces invisibles, à préserver l’ordre symbolique du royaume.
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Dans la cour de Bonanjo, la salve de tambours et le drapeau hissé au-dessus de la Cour Royale prolongent des gestes immémoriaux. Ils rappellent les rites de proclamation qui, jadis, marquaient les grandes étapes de la dynastie Bell. Ces emblèmes ne sont ni décoratifs ni anecdotiques : ils attestent de ce que la chefferie, gardienne de la mémoire du peuple, demeure un repère identitaire au cœur d’une ville en perpétuelle transformation.
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Mais ce communiqué, rigoureux dans sa forme, numéroté, adressé à l’opinion publique et signé du Cabinet royal, dit plus encore. Il montre une institution coutumière pleinement insérée dans les exigences de la modernité. Une royauté non plus coercitive, mais morale ; non plus politique au sens strict, mais mémorielle et culturelle. Elle éclaire sans gouverner, elle apaise sans administrer, elle relie sans dominer. C’est là que se dessine l’une des harmonies les plus fines de notre époque : la coexistence pacifiée entre tradition et démocratie.
Quand la chefferie traditionnelle éclaire la démocratie
Dans un Cameroun où la pluralité des légitimités est une richesse plus qu’une fracture, la chefferie traditionnelle ancre la République dans le réel. L’autorité élue gouverne ; l’autorité coutumière relie. L’une organise le présent, l’autre veille sur la continuité. Comme le disait un notable du Wouri, avec une sagesse dépouillée : « La République dit le droit ; la tradition rappelle d’où nous venons. »
En officialisant cette double naissance, le Palais Royal Bell n’a donc pas seulement annoncé l’arrivée de deux enfants. Il a affirmé la vitalité d’un héritage, rappelé le rôle de la mémoire dans la modernité, et démontré que lorsque tradition et État se reconnaissent mutuellement, ils ne s’annulent pas : ils se grandissent. C’est ainsi que, dans le dialogue silencieux entre l’institution républicaine et les dynasties ancestrales, surgit un modèle dont la force réside précisément dans la dignité de ses racines.
Cheikh Malcolm Radykhal EPANDA






