Les candidats au Baccalauréat série A et plusieurs enseignants sont indignés face aux épreuves notamment de Géographie et de Philosophie qui n’ont eu aucun rapport avec le programme dispensé pendant l’année.
Epreuves non conformes sur la forme et dans le fond. L’information circule dans le milieu des enseignants depuis ce vendredi 11 juin 2021. Les indiscrétions dénoncent une grosse erreur dans la formulation des épreuves du Baccalauréat A de cette année scolaire. Pour avoir le cœur net, La Voix Du koat s’est rendu au Lycée Joss à Douala. Pas besoin d’interroger les grappes d’élèves dans la cour. Le sujet est au centre des discussions. «Depuis des années avec le nouveau style du ministre Nalova, les enseignants nous dispensent les cours en fonction du système Apc. Même les épreuves viennent en style Apc, on ne compose plus en Apo. Nous sommes étonnés et choqués parce que ce n’est pas le style Apc qui est venu ni en Géographie, ni en Mathématiques, encore moins en Philosophie. On n’a pas vu cet autre style durant toute l’année mais on vient nous surprendre avec lors de l’examen national… Comment l’Obc (Office du Baccalauréat du Cameroun, ndlr) peut beuguer de la sorte ?…Les gars, notre sort est scellé…En philosophie, même l’épreuve ne contenait aucune matière au programme. C’était les cours de la Seconde», devisent-ils, sur un ton colérique.
Une colère qui est partagée par les enseignants. Sous cape, un enseignant lance : «Je ne peux pas corriger cette épreuve parce que ce n’est pas ce que j’ai appris à mes élèves.» En fait, nous explique Paul, enseignant de Géographie en classe Terminal dans un lycée à Douala, «à une certaine époque, l’enseignement se faisait par objectif. De ce fait, l’évaluation en terminal était la dissertation, le commentaire de document ou l’explication de texte. Mais avec les Apc (Approche par compétence) il y a d’abord la vérification des savoirs et la vérification de la compétence. Dans les savoirs, on demande par exemple à l’enfant d’expliquer en quelques lignes un concept. Dans la compétence, on pause trois questions à l’enfant auxquelles il répond. Nous les enseignants avons assisté durant l’année à des séminaires de formation sur l’Apc, sur comment évaluer l’enfant…nous avons acheté de nouveaux documents. Nous n’avons pas eu suffisamment de temps, mais nous nous sommes appuyés sur le nouveau programme instauré en Terminal cette année, avec la méthodologie de l’Apc et non la méthodologie de l’Approche par objectif (Apo). Une méthodologie (parlant de l’Apo, ndlr) qui s’appuyait non seulement sur les enseignements, mais également sur l’évaluation. Donc l’épreuve présentée aux élèves n’est conforme ni au contenu, ni au niveau de la forme. L’enfant n’a pas été évalué sur le contenu de ce qu’il a vu tout au long de l’année. Pire, il ne sait pas comment on rédige une dissertation en histoire ni comment on rédige une explication de texte ou un commentaire de document.»
Lire aussi :Can Total Energies 2021 : Mouelle Kombi chausse les crampons contre la rumeur
A refaire!
Selon un autre enseignant qui a lui aussi requis l’anonymat, «les enfants de Terminal de cette année sont les enfants de l’Apc depuis la classe de 6ème. Cette génération qu’on a en Terminal aujourd’hui n’a jamais su ce que c’est qu’une dissertation historique ou une dissertation en géographique. Cette année, il y avait un nouveau programme selon l’Apc, de nouveaux livres, nouvelle manière d’évaluer, bref tout était nouveau. Ce n’était plus les dissertations, les commentaires de document. Malheureusement ils ont eu une épreuve qui se travaille avec la méthode par objectif, et non par rapport à l’Apc, ni dans la forme ni dans le contenu. Les enfants n’ont rien compris. Ils ont beaucoup pleuré. Les inspecteurs ont échoué à ce niveau. C’est une épreuve à refaire.»
«Cette épreuve doit être recomposée, martèle une autre enseignante. Qui argumente : Il n’y a pas deux solutions. On ne peut pas ajuster les notes. On ajuste les points lors des corrections lorsque l’épreuve est conforme à 50% ou 75%. L’épreuve n’est même pas conforme à 10%, que ce soit sur le contenu ou sur la méthodologie. Comment les inspecteurs ont pu commettre pareille erreur ? Le mot erreur est même un euphémisme. C’est inexplicable, injustifiable que cette épreuve ait pu se retrouver au Baccalauréat A.» Le Baccalauréat série littéraire semble ne pas être un cas isolé. Selon un autre enseignant, «l’épreuve de Géographie séries scientifiques était normale, mais celle d’Ecm ne respectait pas la nouvelle méthodologie d’évaluation. Les enfants pleurent, nous fusillent du regard. D’autres ont le regard empli de déception et de colère. Nos plaintes ne peuvent hélas rien changer face à l’échec qui attend nos apprenants.»
Lire aussi :Insécurité à Douala : plusieurs ‘‘microbes’’ dans les mailles de la police
Dans la tentative de trouver auprès de l’inspecteur pédagogique du Lycée Joss, l’explication sur ce qui prend les allures d’une catastrophe, le reporter a été bousculé, froissé, traité de tous les noms d’oiseau par deux gardiennes de la paix sur ordre d’une responsable du Lycée Joss. «Sortez, faites sortir cette dame…Arrêtez là…Fermez la barrière, ne la laissez pas sortir… Détruisez tout ce que vous avez filmé…Présentez votre lettre de mission…», vociférait-elle. Il aura fallu l’intervention en cascade du proviseur pour calmer les esprits en surchauffe de ses collaborateurs.
Des préoccupations restent sus jacentes: qu’est-ce qui n’a pas marché au niveau de l’Office du Baccalauréat du Cameroun ? S’agit-il d’une erreur ou d’un piège savamment orchestré ? Comment procédera l’Obc pour rectifier sa copie ?…
Valgadine TONGA