Louis Paul Motaze a engagé, le 15 avril 2018, la traque des fonctionnaires fictifs. Le ministre des Finances (Minfi) annonce un comptage physique s’étendant du mois d’avril à celui de juin 2018. L’enjeu consiste à débusquer et à expurger du fichier solde de l’État les agents publics qui y émargent irrégulièrement du fait d’une absence non-justifiée, d’une démission ou d’un décès non-déclaré. Un serpent de mer que le gouvernement n’arrive pas toujours à exterminer.

Justement, cette opération de toilettage, qui vient d’être, à nouveau, diligentée par le ministre des Finances n’est pas la première du genre. En effet, depuis trois décennies, le Cameroun s’est engagé dans la traque des fonctionnaires et des agents publics fictifs. C’est dans cette optique qu’avait été mise en place l’opération « Antilope », laquelle s’est enclenchée en 1986. Puis était né le système Sigipes I en 1996. En 2016, l’État camerounais disposera d’une nouvelle application intégrée pour gérer ses ressources humaines et sa solde, baptisée Sigipes II. Sur financement de l’Union européenne, le projet mis en œuvre par le groupement Cameroun Audit Conseil/ Cbl consulting est conjointement géré par deux départements ministériels, en l’occurrence les ministères des Finances(Minfi) et de la Fonction publique et de la Réforme administrative(Minfopra). Toutefois, en dépit de l’opérationnalisation des mécanismes et des méthodes de traque des fonctionnaires fantômes, les résultats engrangés restent mitigés au regard de l’ampleur du problème qui aiguillonne le sentier bureaucratique jusqu’à l’heure actuelle.
1920 milliards de Fcfa de perte
En 2015, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative avait étrenné cette chasse au personnel étatique imaginaire. Des agents avaient alors été contraints de se présenter, sous huitaine, auprès des directions en charge de la gestion des ressources humaines de leurs administrations respectives. Histoire de clarifier leur situation dans leur poste de travail ou dans leur position de pouvoir et d’autorité. Faute de quoi leur solde sera suspendue. Il leur avait été demandé de présenter un acte de recrutement ou d’intégration dans la Fonction publique, un certificat de prise de service au poste actuel et une attestation de présence effective datant de moins de 3 mois. Mais ce mécanisme de traque est resté lettre morte. Que le problème d’agents publics fantômes reprenne droit de cité aujourd’hui témoigne de ce qu’il y a toujours anguille sous roche. A preuve, l’État a perdu, de 1987 à 2007, selon les chiffres officiels, 1920 milliards de Fcfa en 20ans au seul titre des salaires fictifs. Soit un montant largement supérieur aux 1420 milliards de Fcfa accordés à l’État du Cameroun à la faveur de l’atteinte du point d’achèvement à l’initiative Pays pauvre très endetté (Ppte).
Il suffit, tout simplement, d’assainir le fichier solde de l’État pour ne pas être astreints à pousser de milliers de compatriotes au chômage du fait de la « privatisation- braderie » de toutes les entreprises qui, jadis, faisaient la fierté de notre pays. Quel est donc le chantre du système en place qui nomme à tous les emplois civils et militaires, mais qui ne maîtrise pas la masse salariale de ses fonctionnaires et agents publics depuis 1987, année où le Cameroun s’est enlisé dans la récession économique? Quels sont les gouvernements respectifs qui ne maîtrisent pas la masse salariale de l’État au point où le nouveau ministre des Finances prescrit, une fois de plus, le comptage physique des personnels fictifs de l’État ? Depuis 31 ans, quels sont ceux qui sont alors rétribués? Quel est ce comptage physique où des fonctionnaires sont contraints de s’aligner comme à l’époque ancestrale pour être systématiquement contrôlés? En réalité, quand en pleine forêt, tu reviens deux fois devant le même arbre, cela signifie que tu t’es égaré. Il s’agit, sans conteste, de la navigation à vue.
Serge Aimé BIKOI